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Portrait Sépia

Par Irreguliere

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Tao Chi'en l'avait entraînée au-delà de l'orgasme, dans une dimension mystérieuse où l'amour et la mort sont identiques. Ils avaient senti que leurs esprits s'ouvraient, que leurs désirs et leurs mémoires disparaissaient, qu'ils s'abandonnaient à une seule et immense clarté. Ils s'étaient étreints dans cet extraordinaire espace en se reconnaissant, parce qu'ils avaient peut-être vécu cela dans des vies antérieures et le vivraient d'autres fois dans des vies futures, comme l'avait suggéré Tao Chi'en. Ils étaient des amants éternels, leur karma était de se chercher et de se trouver encore et encore, avait-il dit avec émotion.

Cela faisait très longtemps que ce livre était dans ma bibliothèque (et je vous arrête tout de suite : je sais comment il y est arrivé, pas de génération spontanée dans ce cas). L'autre jour, suite à un billet fort tentant d'Estellecalim, il a eu une promotion : il a intégré ma PAL, dans laquelle il n'est pas resté longtemps en souffrance. Et je dois dire que je me mettrais bien des claques pour l'avoir fait attendre si longtemps dans les rayonnages (encore que... si ça se trouve c'est que je n'étais pas prête à le lire, qui sait ?) ; j'avais peur que cela ne me plaise pas trop, alors que vraiment, j'ai adoré cette lecture.

C'est un roman qui est difficile à résumer, donc j'irai à l'essentiel : Aurora de Valle, la narratrice, retrace ici les événements, souvent douloureux, qui ont fait d'elle celle qu'elle est, et recolle les morceaux d'un passé qu'on lui a caché. Retrouver son histoire, c'est d'abord raconter celle de ses ancêtres, et c'est pour cela qu'elle commence par ses grands-parents, puis ses parents, avant de narrer sa propre existence, dans laquelle demeurent des zones d'ombre, qui ne seront éclaircies que dans les dernières pages. C'est donc une saga familiale, qui nous entraîne en Californie puis au Chili, mais surtout l'histoire d'une femme et d'un destin.

C'est un roman absolument bouleversant, de par l'histoire et de par l'écriture extrêment sensible d'Isabel Allende. C'est un roman féminin, aurais-je envie de dire, car toutes les figures marquantes sont des femmes, fortes et fragiles à la fois : Paulina, Eliza, Nivea, Aurora elle-même... et ce même si les hommes ne sont pas absents bien sûr. Des femmes, des destins originaux et bouleversants, des histoires d'amour uniques et hors du commun. Et puis de très belles pages sur la photographie, qui comme vous le savez est ma nouvelle lubie (et d'ailleurs, la photographie d'illustration a un lien avec les oeuvres d'Aurora dans le livre, mais elle n'est pas très réussie : je tenais à mon idée, mais je vous assure que photographier un truc dans un vase, c'est une galère sans nom. Bref). Enfin, il me faut également parler de l'arrière-plan historique, particulièrement important : je ne connais absolument rien à l'histoire du Chili (j'en sais désormais un peu plus), les quelques développements politiques ne m'ont pas plus passionnée que ça, néanmoins c'est toujours agréable d'apprendre des choses.

Bref, un joli coup de coeur. Je confesse que la citation mise en exergue n'est pas la plus représentative du roman, mais elle m'a beaucoup touchée, car l'histoire d'Eliza, la grand-mère maternelle d'Aurora, m'a pas mal intriguée. Et, cela tombe bien puisqu'Isabel Allende a écrit un autre roman, qui raconte cette histoire : Fille du destin (paru, d'ailleurs, avant Portrait Sépia). Et voyez comme les choses sont bien faites : Emily organise une lecture commune de ce roman le 1er mai. Evidemment, j'en suis !

Portrait Sépia

Isabel ALLENDE

Le livre de Poche, 2003 (Grasset, 2001)

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