Regards croisés : dans cette nouvelle rubrique, nous confronterons environ tous les 2 mois nos 4 points de vue sur une oeuvre ou un artiste contemporain. Pour ce premier jet, focus sur la plus célèbre des oeuvres du mouvement land Art: Spiral Jetty (Robert Smithson, 1970, Utah, Etats_Unis).Nous espérons en retour vos commentaires!
"Spiral Jetty", Robert Smithson, 1970, Oeuvre in situ, Utah, Etats Unis.
Stefania :
Spiral Jetty est l’une des installations les plus célèbres et spectaculaires de l’histoire de l’art contemporain. Elle a été réalisée en 1970 par l’artiste américain Robert Smithson en utilisant des rochers et de la terre au centre du Grand Lac Salé situé dans l'Utah, aux Etats-Unis.Quand on parle de cette installation on évoque toujours le Land Art et, si vous considérez qu’elle mesure 450 mètres de long et 4 mètres de large, vous comprendrez très bien cette définition. Le Land Art compte parmi les mouvements d’art des années 1960, quand les artistes ont commencé à utiliser des éléments, matériaux, médiums non traditionnels, en s’opposant au marché de l’art et à l’espace fermé et codifié des galeries. L’abondance d’espaces vides et démesurés aux Etats-Unis est à l’origine de nombreuses installations analogues à celle de Robert Smithson, notamment par Christo ou Walter De Maria.
Christelle :
Robert Smithson : ce nom résonne un peu comme celui d’une star hollywoodienne, d’un monstre sacré du cinéma, mais version art contemporain. Ce constat est, de mon point de vue, en partie dû à l’immensité de ses œuvres dont la plus célèbres d’entre toutes : Spiral Jetty. Pas besoin de s’y connaitre en art contemporain pour comprendre, en regardant cette photographie de l’œuvre, que l’artiste prend la nature pour médium et la transforme en un motif tout en courbe.
La démarche de Robert Smithson s’inscrit dans le courant du Landart, mouvement dominant dans les années 1970, toujours vivant aujourd’hui grâce, entre autre, à un artiste tel que Guiseppe Penone. Une spirale donc, faite de terre, de boue et de cailloux qui, par leurs différentes couleurs et l’hétérogénéité de leurs textures deviennent de parfaits éléments plastiques à l’instar des moyens plus habituels que sont la peinture à l’huile, l’aquarelle ou bien encore le fusain. Spiral Jetty, un tableau à contempler du dessus !
"Spiral Jetty", Robert Smithson, 1970, Oeuvre in situ, Utah, Etats Unis.
Cécile :
Je suis allée sur Google Earth quelques fois avant de rencontrer les membres du blog mais je n'ai, hélas, jamais pu voir la Spiral Jetty de Robert Smithson par ce biais. C’était un peu comme chercher une aiguille dans une meule de foin…Blocs de pierre, sable et terre ont été acheminés et disposés pour créer cette jetée en forme de spirale sur le Salt Lake en avril en 1970 : 625 personnes, 6 783 tonnes de terre ont été nécessaires pour la réalisation de l'oeuvre qui, avant toute chose, se veut éphémère.
Robert Smithson faisait de l’art dans et avec la nature, il insérait dans le paysage une forme qui se voulait en relation avec le panorama autour et créait ainsi un dialogue entre les formes. Chaque artiste du Land Art procède différemment. Tandis que Richard Long marche au milieu du désert et y trace des lignes avec ses pieds, Robert Smithson employait des moyens plus titanesques dans des interventions vouées à la disparition. En 1972, la Spiral Jetty est engloutie par les eaux salées du lac, en 2003, c’est une spirale blanche des cristaux de sel qui réapparaît… Depuis, certains s’y rendent en "pèlerinage" dans le but de trouver, voir et expérimenter cette œuvre dans son environnement naturel plutôt qu’en photographie. Et, depuis sa réapparition, nombreux sont ceux qui militent pour sa conservation. Mais pourquoi aller contre ce côté éphémère qui en est la base ?
Justine:
Mais que vais je bien pouvoir raconter après mes 3 copines? Ce que m'inspire cette vision? Car je ne l'ai malheureusement pas vue en vrai...Un sentiment d'harmonie entre la main de l'homme et la création de la nature. J'aime l'idée de surprise, l'oeuvre, un jour visible, ne le sera pas forcément le lendemain. Il faut donc être là « au bon endroit, au bon moment » pour apprécier ce paysage. Car, je me pose la question, si cela n'avait pas été défini comme du « land art », aurais-je catalogué cette belle spirale sous l'étiquette « oeuvre d'art contemporain »?
En effet depuis toujours les lacs salés m'émeuvent, le lac rose de mon enfance au Sénégal, les salines qui bordent la piste menant vers Beauduc, prés d'Arles. Je demeure toujours éblouie par le blanc cristallin qui sculpte bâtons de bois, ferrailles ou pierres posées là. Dans Spirale Jetty, c'est la forme de la spirale qui m'interpelle. Cette forme existe dans le monde animal et végétal. Par exemple n'avez-vous jamais vu se dérouler une feuille de fougère sous vos yeux? Et que dire de la coquille des escargots? Je me rappelle d'un vieux Science et Vie qui en expliquait la fonction (mais impossible de remettre la main dessus).
Et que penser de la symbolique? De tous temps, cette forme nous a fasciné. Ainsi lorsqu'au paléolithique supérieur (35000 à 9500 avant JC) les hommes sculptaient des femmes avec sur le ventre une spirale ou une vulve en forme de spirale, il représentaient le symbole de la fécondité et de la vie. Je pense que j'aurais beaucoup de plaisir à voir Spiral Jetty en vrai. Pas si sûre que je m'extasierais sur la prouesse technique de l'artiste. Au final, l'escalier en spirale de Bramante me comble plus intellectuellement.
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Pour aller plus loin: http://traces-du-sacre.centrepompidou.fr/exposition/oeuvres_exposees.php?id=31