Benoit Solès : Quelque chose en lui de Tennessee...

Le comédien a imaginé un face à face télévisé se déroulant en 1962 entre le célèbre dramaturge Tennessee Williams, qu'il incarne, et un journaliste, interprété par Frédéric Sahner, poussant le "vieux crocodile" à évoquer sa carrière et sa vie plus qu'il ne l'aurait probablement souhaité. Le spectacle, qui s'intitule "Appelez-Moi Tennessee", est un beau moment de théâtre ainsi qu'un hommage de qualité à l'auteur qui aurait eu cent ans cette année.

Habilement construite et joliment écrite, la pièce alterne moments d'interview classiques, dans lesquels Benoit Solès compose un Tennessee Williams intense, profond, se livrant avec difficulté, noyant son trac, son stress et son mal être dans l'alcool, tour à tour drôle, brillant, sarcastique, cinglant envers son interlocuteur, pathétique aussi, et flash backs évoquant des épisodes clés de la vie de l'auteur. Se rejouent alors devant nous la rupture avec l'un de ses amants, ou encore sa première rencontre avec Marlon Brando, inconnu du grand public, juste avant qu'il n'obtienne le rôle principal  du "Tramway..." à Broadway. La séquence, très réussie, donne à voir la complicité naissante mais déjà forte entre les deux hommes.

Dans ces reconstitutions, Frédéric Sahner se fait caméléon, quitte le sourire "ultrabrite" du journaliste télé  et joue les autres personnages avec justesse, sans artifice inutile. Et si l'on pourra regretter quelques maladresses, nous saluerons cependant la performance tant la partition s'avère casse gueule (Allez jouer Brando, vous...).

Tout en subtilité, sobriété et intelligence, les deux comédiens nous embarquent donc remarquablement dans la vie, l'univers, le travail et les méandres psychologiques de cet immense auteur continuellement habité par les mots. Le ton est bon. On rit souvent grâce à l'efficacité de la plume de Benoit Solès qui sait aussi nous émouvoir.

C'est réellement du bel ouvrage.

Allez-y.

Crédit photos : LOT