L’ennui avec les artistes trop ‘systématisants‘, trop conceptuels, c’est que, quand l’étincelle de génie fait défaut, ça tourne vite au procédé : une idée brillante, une approche innovante, décapante même, survivent difficilement à une répétition monotone, ennuyeuse, sans surprise. C’est ce que je pensais pendant les trois quarts de l’exposition des photographies de John Stezaker à
Whitechapel (jusqu’au 18 mars; aussi à Vuitton Londres, mais je n’y suis pas allé). Ce photographe anglais, fasciné par les images, leur composition, leur articulation, a réalisé de très nombreux collages qui dégagent une étrangeté dérangeante, qu’il s’agisse d’un visage décomposé, dédoublé, bégayant (’Love XI’, 2006, ci-dessus), ou bien d’un être hybride, composite, bisexué (’Mariage (Film Portrait
Collage) XXXII’, 2007, à droite), ou encore de l’inclusion d’un paysage de carte postale en lieu et place d’éléments du visage dont il épouse plus ou moins les traits, ouvrant l’espace privé vers l’extérieur (‘Pair IV’, 2007, à gauche). On se croirait à l’époque surréaliste, rien de très nouveau (rappelez-vous la Marquise Casati, par exemple).
De même cette série (’A') de femmes sans tête, aux jambes écartées


Deux séries viennent néanmoins corriger cette impression : dans les minuscules photographies de The Third Person Archive, Stezaker découpe dans des photos trouvées des personnages, des hommes dans la rue vus en plongée, qu’il aligne comme pour constituer une narration, un parcours, une histoire de flâneurs, une mise au premier plan de figurants. Cette découpe dans la photographie, elle-même découpe du monde réel, est déjà plus attirante (image dans le lien ci-dessus, trop petite pour être reproduite ici).


Quelques autres liens sur John Stezaker, en plus de ceux indiqués dans le texte : Skye Sherwin et Brian Dillon dans The Guardian; Dan Kindner dans Frieze; une interview (payante) par Andrew Wartsat; un article (payant) par Michael Newman.
Photos 1, 2 & 3 courtoisie de Whitechapel Gallery. Toutes photos ©John Stezaker.
