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Incontestablement, c’est du côté du ciné indé que Kidman livre ses plus belles performances. De Margot at the wedding à Fur, en passant par son rôle épineux dans Birth, elle y incarne des femmes tourmentées avec justesse, mesure, passion. Pour ce Rabbit Hole, dans lequel John Cameron Mitchell laisse de côté ses frasques habituelles (transsexualité chez Hedwig and the Angry Inch, pornographie de Shortbus), elle revêt le costume endeuillée d’une mère happée par le chagrin après le décès de son enfant de quatre ans- heurté par une voiture. Adapté de la pièce de théâtre de David Lindsay-Abaire, le film se creuse habilement une place quelque part entre la fureur d’un 21 Grams et la pudeur d’un The Greatest, dévoilant une double perception du deuil, au travers de Becca et Howie (admirable Aaron Eckhart), chacun croulant sous la douleur de la perte, ensembles face à l’atrocité mais séparés sur le chemin de l’acceptation, cernés par l’entourage- témoin concerné certes, mais hors du calvaire en cours. De là, Mitchell offre un regard intéressant sur l’après catastrophe: comment vivre la tragédie ? Comment continuer à vivre après la mort de son enfant ? Comment s’animer à nouveau face à l’avenir ? Se réjouir du bonheur d’autrui (la grossesse de la sœur par exemple), vécu comme une injustice ? Au travers de ces deux protagonistes, à la fois parents et couple, il étudie- avec décence et retenue- les réactions et émotions de chacun, l’un trouvant le salut dans le pardon, l’autre dans l’altruisme. La dissection jamais plombée, et toujours très digne, de la peine écrasante, du manque, du gouffre de colère qu’a laissé le malheur derrière lui, donne un film noble, bourré de sobriété, passionnant parce que tout aussi lumineux qu’affreusement triste. Ce n’est finalement pas (qu’)une œuvre sur la mort, mais véritablement sur la vie- odieuse, cruelle, infatigable- qui poursuit son cours, inexorablement, et qu’il faut suivre, malgré tout, même perdus au cœur de l’inconcevable.
Sortie France: 13 avril 2011.