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“Black Swan” de Darren Aronofsky

Publié le 13 février 2011 par Boustoune

Satoshi Kon, génial cinéaste japonais qui nous a quittés l’an passé, fait des émules sur le sol américain. Après Inception, qui revendiquait clairement l’influence de son Paprika, voici qu’Hollywood revisite son Perfect blue avec le Black Swan de Darren Aronofsky.

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Les deux films présentent bon nombre de similitudes, à commencer par l’architecture du récit, axé autour du trouble identitaire d’une jeune artiste.
Dans le film de Satoshi Kon, le personnage principal était une chanteuse pop de Mima qui, au sommet de sa gloire, décidait de tout plaquer pour devenir actrice. Mais, très vite, elle se retrouvait assaillie par le doute : allait-elle être à la hauteur? Ses fans allaient-ils approuver ce changement de cap? Ces angoisses se transformaient vite en malaise profond. La jeune femme avait des hallucinations dans lesquelles elle voyait son double maléfique commettre des crimes horribles, elle confondait ses rêves, la fiction dans laquelle elle jouait, et la réalité. Au point de remettre en question sa santé mentale. L’intrigue entretenait le suspense : Mima était-elle en train de devenir complètement folle ou bien des personnes, dans son entourage, cherchaient-elles à la faire craquer?
La réponse était donnée, comme il se doit, dans les dix dernières minutes du film, après un suspense aussi éprouvant pour nos nerfs que pour ceux de la pauvre héroïne…

Black swan - perfect blue

Chez Aronofsky, c’est le même principe : Le personnage principal, joué par Natalie Portman, se nomme Nina (notez la similitude…). Elle est membre d’un prestigieux corps de ballet new-yorkais. Comme toutes ses camarades, elle rêve de bénéficier un jour d’un grand rôle sur scène, de devenir danseuse-étoile et de voir ainsi récompensées des années d’efforts et de sacrifices.
Quand le célèbre metteur en scène Thomas Leroy (Vincent Cassel) annonce, en début de saison, qu’il se passera désormais des services de son égérie Beth McIntyre (Winona Ryder), Nina y voit l’opportunité de réaliser son rêve en obtenant le double rôle principal du “Lac des cygnes” de Tchaïkovski.

Le problème c’est que si Nina possède la grâce, la candeur et l’innocence nécessaire pour jouer le cygne blanc, une princesse transformée en animal par un sorcier, elle est bien trop sage pour incarner le cygne noir, son sosie maléfique.
Pour empêcher que le rôle ne revienne finalement à une autre danseuse, dont la nouvelle venue, Lilly (Mila Kunis), rebelle et sensuelle, elle doit s’abandonner au désir de son metteur en scène et laisser s’exprimer sa part d’ombre.
Pas facile pour celle qui a toujours été couvée par une mère surprotectrice (Barbara Hershey) et qui, par sacrifice pour la danse, s’est tenue à l’écart des choses de la vie, de l’amour et du sexe…µ
En conséquence, Nina est en proie au stress et au doute. A mesure que la première représentation approche, la jeune femme est de plus en plus perturbée, d’autant que des événements déstabilisants se produisent autour d’elle et la poussent à s’interroger sur les intentions de son entourage et sur sa propre raison.
Crises de schizophrénie paranoïde? Ou bien complot ourdi par une camarade jalouse de sa réussite, une mère frustrée d’avoir sacrifiée sa carrière pour élever son enfant, ou une ex-étoile vengeresse ?
La réponse interviendra, comme il se doit, dans les dix dernières minutes du récit, après un suspense aussi éprouvant pour nos nerfs que pour ceux de la pauvre héroïne…

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Perfect blue et Black Swan fonctionnent sur le même mode narratif. Ils naviguent en eaux troubles, à la frontière entre le fantasme et la réalité, entre le fantastique, le thriller et le drame psychologique, en proposant des scènes cauchemardesques susceptibles de flanquer les pétoches même aux cinéphiles les plus endurcis – Parents, si vous ne voulez pas traumatiser vos enfants, ne les emmenez pas voir ce film (1).
Et ils reposent sur les mêmes effets, les mêmes idées de mise en scène, pour traduire le trouble identitaire de leur personnage. Les deux films accumulent les effets de miroirs et de reflets – y compris de reflets indisciplinés, doppelgängers ou hallucinations autoscopiques inquiétantes…

Ce miroir a la même fonction que dans les romans de Lewis Caroll : les héroïnes enfantines, doivent le traverser pour affronter leurs peurs, accepter leur féminité et  accéder à la maturité. On notera par ailleurs que “A travers le miroir” est construit comme une partie d’échecs (2). Les blancs contre les noirs chez l’écrivain britannique…  Le cygne blanc contre le cygne noir chez Aronofsky… Dans Black swan,  l’objet-miroir est aussi emblématique de la transformation de la simple danseuse en danseuse étoile, à force d’efforts et de répétitions devant la glace, jusqu’à l’obtention du geste parfait. Le passage à l’âge adulte s’accompagne d’une maturité artistique, Nina poussant son talent de danseuse jusqu’à son apogée.
La référence est moins explicite chez Satoshi Kon, Mima ayant déjà goûté au succès et à la célébrité avec son girls band, elle ne cherche plus à atteindre les sommets. Juste à changer d’image, à changer le regard que le public a pour elle. C’est peut-être pour cela qu’elle accepte un rôle difficile, celui d’une femme victime d’un viol. Evidemment, pour elle, la scène est très difficile à jouer, tout comme la danse du cygne est un calvaire pour la pauvre Nina.

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La difficulté vient du fait ces performances exigent de leurs interprètes d’affirmer leur côté sensuel et désirable, d’assumer leur sensualité et leur sexualité. Or aussi bien Mima que Nina sont encore des femmes-enfants n’ayant jamais réellement connu l’amour physique. Nina, obnubilée par la danse, semble même totalement se désintéresser du sexe. Pour elle, le corps n’est qu’un outil destiné à reproduire le plus parfaitement possible des figures imposées pour le coda. Il est synonyme de souffrance, pas de plaisir. Ce n’est qu’au moment où Thomas tente de la séduire, autant pour créer un lien metteur en scène/égérie que pour la pousser à exhiber sa sensualité refoulée, qu’elle s’éveille au désir. Elle nourrit pour le chorégraphe un mélange d’attirance/répulsion qui la trouble profondément.

Mais son désir ne s’arrête pas là : elle est aussi fascinée par d’autres danseuses, comme Beth ou Lilly, sans que l’on sache s’il s’agit de désir homosexuel – après tout, Nina se cherche et explore tous les aspects de sa sexualité – ou si elle ne désire ces femmes que pour s’approprier leur personnalité, plus sensuelle et provocante (Lilly) ou plus mature et vénéneuse (Beth) – ce qui explique pourquoi elle dérobe quelques objets ayant appartenu à l’ancienne danseuse-étoile de la troupe.
L’acceptation de sa féminité passe aussi par la découverte du plaisir solitaire, à travers d’une scène de masturbation qui se termine abruptement et de façon honteuse quand Nina découvre qu’elle n’est pas seule dans sa chambre, sa mère l’ayant veillée toute la nuit…

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Ceci nous amène à un autre passage obligé pour l’héroïne dans sa transformation d’oie blanche en cygne noir : l’obligation de couper le cordon ombilical, de prendre ses distances avec une figure maternelle envahissante.
Encore un point commun avec Perfect blue : La mère-poule de Nina répond à la manageuse prévenante de Mima, deux personnages adultes vivant leur rêve par procuration et maintenant leurs protégées dans un environnement infantilisant, pour préserver leur pureté et leur image puérile. Dans le film de Satoshi Kon, l’affrontement entre Mima et Rumi était la clé du passage adulte de la jeune chanteuse. Dans Black Swan, il est tout aussi violent. Nina s’émancipe en se rebellant contre l’affection étouffante de sa mère et la façon dont elle dirige sa vie. Dans un accès de rage,elle  jette aux ordures toutes ses peluches (la même scène est visible dans Perfect blue) et brise sa boîte à musique, symbole du lien entre sa mère et elle. Elle en vient à recourir à la force pour se (re)créer une intimité. C’est à ce moment-là que Nina devient le cygne noir – et dans son hallucination, la transformation se manifeste physiquement…

Enfin, chose importante, les deux films décrivent symboliquement la création artistique – le métier d’interprète dramatique et de danseuse – comme un abandon, un lâcher-prise, la perte de ses propres repères, de son identité, pour mieux incarner un personnage.

Alors, Black swan est-il un plagiat de Pefect blue? Un hommage?
Darren Aronofsky s’en défend. S’il reconnaît les similitudes entre les deux films, il affirme n’avoir pas eu en tête l’oeuvre de Satoshi Kon au moment de tourner son film. Pourtant, l’admiration que le cinéaste américain voue à son homologue japonais est de notoriété publique. C’est d’ailleurs lui qui possède les droits américains d’un hypothétique remake de Perfect blue. Il les a acheté pour pouvoir reproduire à l’identique un plan du film  de Satoshi Kon dans son Requiem for a dream.

Black swan - perfect blue - requiem for a dream

Il est extrêmement bizarre qu’Aronosky renie ainsi l’influence du cinéaste japonais alors qu’à l’évidence, il lui doit énormément. Affaire de gros sous entre studios? Problème d’égo? Passé houleux entre les deux cinéastes Difficile de savoir, et à vrai dire cela importe peu…
Il est clair qu’Aronofsky, consciemment ou non, a puisé son inspiration dans Perfect blue.
Maintenant, on ne va pas lui en faire le procès. Les cinéastes s’inspirent et se pillent les uns et les autres depuis les origines du septième art, afin d’intégrer ce qu’il se fait de mieux à leur propre univers. Kon lui-même a pioché son inspiration dans les oeuvres d’Hitchcock, d’Argento ou de Seijun Suzuki.

L’important, c’est la qualité de ces références et ce qu’ils en font. Et sur ce plan-là, il est clair qu’Aronofsky s’en sort bien. Il ne se contente pas de citer – inconsciemment, admettons… – Satoshi Kon. Parmi les influences revendiquées, il parle notamment de Roman Polanski. Il est vrai qu’il emprunte beaucoup à Répulsion et au Locataire, pour l’ambiance psychologique malsaine et la variation sur le thème du double. Pour les mêmes raisons, beaucoup mettent en avant les ressemblances entre Black swan et certains films de Brian De Palma, autre cinéaste jadis vilipendé pour piller sans vergogne les oeuvres hitchcockiennes.
Difficile, aussi, de ne pas penser à Dario Argento et son Suspiria, film d’horreur baroque situé au coeur d’une école de… danse, et à l’esthétique aussi travaillée que celle d’Aronofsky.
Et difficile de ne pas penser à David  Lynch et à ses deux films Mulholland drive et INLAND EMPIRE, tournant tous deux autour du métier d’actrice, de la confusion identitaire et de la dissolution de la frontière entre fantasme et réalité…

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Ce qui est passionnant ici, c’est qu’Aronofsky ne se contente pas de piller d’autres cinéastes, il digère ces influences pour les mettre au service d’une oeuvre très personnelle, dans la lignée de ses films précédents.

La première constante des longs-métrage du réalisateur, c’est l’obsession.
Ses personnages sont tous obnubilés par quelque chose. Dans π (Pi), son premier film, le personnage principal était un mathématicien déterminé à percer les secrets du nombre Pi et sa quête le menait jusqu’aux confins de la folie et provoquait chez lui de violentes migraines.
Dans Requiem for a dream, tous les personnages étaient accros à une drogue, substance chimique ou poison audiovisuel et étaient prêts à tout pour se procurer leur dose. The fountain racontait le combat d’un/de trois homme(s) pour sauver la/les femme(s) qu’il(s) aimaient… Enfin, The Wrestler montrait le combat d’un ancien catcheur-vedette pour remonter sur le ring au prix d’intenses souffrances.

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Il s’agit  là de la seconde constante de l’oeuvre d’Aronofsky. Le rapport des protagonistes à leur corps.
Il y a un lien très fort entre le personnage de Randy joué par Mickey Rourke dans The Wrestler et celui de Nina. Leur corps est leur outil de travail. Il doivent la maltraiter, l’entraîner, lui imposer des contraintes parfois insoutenables pour se hisser au niveau de performance physique que l’on attend d’eux.
Randy se dope pour augmenter sa masse musculaire, au risque de développer une pathologie cardiovasculaire, et sur le ring, il se donne à fond, au prix de contusions, plaies ouvertes, bosses et traumatismes crâniens. Nina répète jusqu’à l’épuisement, jusqu’au sang, même. Elle s’astreint à un régime draconien et n’hésite pas à se faire vomir pour ne pas prendre de poids… Leur vie n’est que discipline et souffrances…
Les deux films sont presque jumeaux. Ils se terminent de façon quasi-identique, par un plongeon et des acclamations. Mais évidemment, ni la trame, ni la tonalité ne sont similaires.

Les autres figures aronofskiennes utilisent aussi le corps comme un outil : le héros de π (Pi) utilise au maximum les possibilités de son cerveau et met un terme à ses souffrances en s’auto-mutilant – un geste qu’il faut rapprocher des griffures que s’impose Nina – le scientifique de The Fountain fait des recherches sur des organismes pour trouver un remède à la maladie, et on y trouve des prostituées et des stripteaseuses, qui utilisent leur corps et leur sexualité pour assurer leur survie…

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Enfin, avec Black swan, Aronofsky  utilise de nouveau une figure maternelle inquiétante. Tout le monde se rappelle de la monstrueuse performance d’Ellen Burstyn dans Requiem for a dream. Celle de Barbara Hershey est probablement du même calibre. Elle incarne une mère entretenant des rapports d’amour et de haine entremêlés avec sa fille. Sa “sweet girl” est à la fois sa fierté et son désespoir. C’est pour l’avoir et l’élever qu’elle a renoncé à son rêve de devenir danseuse-étoile. Alors, forcément, son comportement est ambivalent. D’un côté, elle surprotège sa fille, la tient éloignée des tentations amoureuses, des excès en tout genre. De l’autre, elle la jalouse et la tyrannise, comme dans cette scène, apparemment anodine, où elle oblige quasiment sa fille à manger une énorme part de gâteau à la crème, totalement déconseillé pour l’équilibre alimentaire de la danseuse. Elle idolâtre sa fille et nourrit une obsession à son égard, passant la journée à faire son portrait. Mais ces portraits ont quelque chose de malsain, visions déformées et grotesques de la jeune femme… Cette relation, et la façon dont Nina s’en émancipera, sont au coeur du film.

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Malgré les nombreux emprunts qu’il effectue pour chaque nouveau film, Darren Aronofsky développe donc une oeuvre cohérente et thématiquement intéressante.
On apprécie aussi la façon dont il affine son style de mise en scène. Le côté expérimental et les fantaisies visuelles de ses trois premiers films, leurs emphase dramatique on cédé la place à un cinéma tout aussi viscéral, mais plus intimiste, plus élégant formellement, avec The Wrestler.
Ici, il réussit à fusionner les différentes facettes de son talent – le côté blanc et le côté noir – pour livrer une oeuvre magistrale, à la réalisation ultra-précise. Rien n’est laissé au hasard, chaque détail est traité avec un soin particulier, minutieusement.

On a déjà parlé des jeux de miroirs, magnifiques, qu’il utilise pour symboliser l’éclatement de la personnalité de l’héroïne, jouer sur la dualité, le double inversé. On pourrait aussi évoquer le jeu sur les motifs, ceux représentant un cygne (par exemple, la peluche de cygne noir qui trône au milieu des autres, la sonnerie de téléphone de Nina, la musique de la boîte à musique…) qui trahissent l’obsession du personnage principal, ou bien le motif de la fleur décliné de multiples façon – symbole de l’éclosion d’une artiste ou d’une femme, symbole, aussi de virginité.
Le film entier peut d’ailleurs être vu comme une allégorie de la perte de la virginité. Nous n’en diront pas plus pour ne pas trop déflorer l’intrigue – c’est le cas de le dire -  mais la fin du film peut être analysée ainsi…
On pourrait encore évoquer le jeu sur les couleurs, les dominantes de blanc et de noir qui s’opposent constamment, la pointe de rouge qui vient se mêler à tout cela (le rouge-à-lèvres de Beth, le carmin du sang de l’héroïne…).
La pureté, la violence, le désir…

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Certains trouveront sans doute cette mise en scène trop ostensible, railleront son manque de subtilité.
Ils ont tort. Il ne faut pas oublier que l’idée-force du film tourne autour de la représentation d’un ballet, une représentation scénique qui utilise beaucoup les contrastes et l’outrance théâtrale pour faire passer l’émotion. Aronofsky livre en quelque sorte sa version du “Lac des Cygnes”, que beaucoup considèrent comme une oeuvre chargée, d’un point de vue symbolique et psychanalytique.
Sa mise en scène joue sur les décors, les accessoires, les lumières et les ombres, les mouvements de caméra conçus comme autant de manèges (les plans-séquences),d’arabesques et d’entrechats (plans fixes ou mouvements discrets soulignant l’action)…

On retrouve d’ailleurs cette approche théâtrale et cette minutie dans le choix des musiques. Compositeur attitré d’Aronfosky, Clint Mansell signe une belle partition, déclinaison des thèmes créés par Tchaïkovski pour son célèbre ballet.
Et tous les morceaux musicaux externes, en soutien, recyclent d’une façon ou d’une autre les mélodies du compositeur russe (titres des Chemical brothers, de Sepalcure ou Al Tourettes).
A l’instar de Nina, Darren Aronofsky est en quête de perfection. Il est obsédé par sa création et le souci du moindre détail. Chaque élément compte. C’est peut-être le seul défaut véritable que l’on pourrait faire, paradoxalement, au film. Il est trop parfait, trop maîtrisé, trop glacé pour surprendre véritablement.
Mais on ne va quand même pas cracher dans la soupe. C’est du grand cinéma, et assurément l’oeuvre la plus flippante et la plus érotique offerte par le cinéma hollywoodien ces derniers mois.

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On aime ou non le style du cinéaste, mais il y a indéniablement un gros effort de mise en scène et une logique inattaquable dans chacun de ses choix.
Et puis, si on n’adhère pas au film par le biais de sa mise en scène, il reste les acteurs, tous impeccables.
Honneur aux hommes, Vincent Cassel est convaincant en figure masculine autoritaire et virile, à la fois figure paternelle de substitution et objet de désir, prince charmeur et magicien noir.

Mais c’est surtout ce formidable quatuor féminin réuni à l’écran qui impressionne : Winona Ryder, icône des années 1990, se rappelle au bon souvenir des spectateurs en incarnant une figure féminine forte d’ange déchu, être psychologiquement fragile transformée en boule de colère et de rancoeur ; Barbara Hershey fait également un retour spectaculaire en mère possessive et nous remémore qu’elle a jadis réussi la prouesse de remporter deux prix d’interprétation successifs à Cannes, à la fin des années 1980 ; Mila Kunis est bien plus qu’une doublure. On la savait belle et sensuelle, on la découvre intense, ambigüe, mystérieuse, capable d’exprimer son talent dans autre chose que des nanars comme Max Payne ou Le Livre d’Eli.

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Et, bien sûr, on ne peut qu’applaudir à la performance de Natalie Portman, habitée par le personnage. Elle est Nina. Elle possède ce mélange de grâce enfantine de pureté virginale, de maturité et de sex-appeal qui l’avaient faite remarquer dès ses débuts dans le Leon de Luc Besson. Elle maîtrise aussi l’art de la danse. Ancienne danseuse, elle n’a pas hésité à rechausser les pointes et à subir un entraînement intensif pour être crédible dans ce qui est probablement son plus beau rôle. Elle a exécuté la plupart des chorégraphies elle-même, sans recourir à une doublure, preuve d’un investissement physique total dans le rôle. Il fallait sans doute cela pour que le spectateur puisse compatir au sort du personnage, ou mieux, puisse s’identifier à lui. Cela ne pouvait être qu’elle et on espère fortement que sa performance exceptionnelle sera récompensée d’un oscar, le 27 février prochain.

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C’est peut-être grâce à elle, si intense, si touchante, que Black Swan sort véritablement de l’ombre de son faux jumeau, Perfect blue, et peut exister en toute indépendance.
Pour Natalie Portman, pour ses partenaires, pour la maestria de la mise en scène, le film mérite d’être vu. Mais attention, vous êtes prévenus, le cinéma d’Aronofsky est viscéral et axé sur la souffrance. C’est une épreuve autant physique que mentale, pour les héros comme pour le spectateur. On sort de la salle de cinéma les nerfs à vif et les muscles raidis, exténués et choqués… mais aussi conscient d’avoir pris une leçon de cinéma.
On applaudit à tout rompre…

(1) : Le film n’est curieusement pas interdit aux moins de douze ans alors qu’il développe un univers malsain, très adulte, comporte plusieurs scènes pas vraiment indiquées aux plus jeunes – érotiques ou violentes – et aborde des sujets assez âpres… Puisqu’on compare les deux oeuvres, Perfect blue était interdit aux moins de 12 ans.
(2) : Note personnelle : Merci cher PaKa, de m’avoir fait penser à cela, grâce à notre discussion autour de ta critique du roman de Caroll illustré par Lostfish…

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Black Swan
Black swan
Black swan

Réalisateur : Darren Aronofsky
Avec : Natalie Portman, Mila Kunis, Vincent Cassel, Barbara Hershey, Winona Ryder
Origine : Etats-Unis
Genre : thriller psychanalytique
Durée : 1h48
Date de sortie France : 09/02/2011
Note pour ce film : ●●●●●●

contrepoint critique chez :  Studio Ciné Live

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