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[livre] Aphorismes de Victor Hugo : le génie en quelques mots

Publié le 13 février 2011 par Vance @Great_Wenceslas

Aphorismes.jpgUn recueil de pensées de Victor Hugo choisies par Jean-Benoît Guinot pour les éditions Ivres de livres (2010)

Présentation 4e de couverture :

Dieu est l’auteur de la pièce ; Satan est le directeur du théâtre.

Ecume de l’Homme-Océan, ces extraits des romans et carnets…

Une chronique de Vance

Il m’en a fallu du temps pour écrire ce billet (nettement plus que pour terminer l’ouvrage, c’est dire !). Pourtant, ça n’est pas parce que je n’ai pas apprécié, au contraire. Ni qu’on m’ait contraint à le lire – c’est moi qui l’ait choisi dans une sélection alléchante.

Non, rien de tout ça, donc.

Oui, c’est vrai, le manque de temps a joué un peu (le mois de janvier, vous le savez, c’est le mois des fameuses Evaluations Nationales…). Mais il y a autre chose.

Le coin du C.L.A.P. : pas de ciné, encore. Trois petites soirées auront suffi, juste entre un bon film en blu-ray et un sommeil réparateur.

En fait, c’est surtout la nature de l’œuvre qui m’a gêné. Que dire en effet sur un tel recueil ? Certes, c’est de Victor Hugo qu’il s’agit, sans conteste l’un de nos plus grands écrivains, aux vers somptueux et à la prose puissante. Mais pas d’un de ses livres, plutôt un succédané, un bref aperçu de la pertinence et de l’acuité de ses idées – hors contexte, qui plus est. De quoi se rendre compte de cette étincelle qui fait les génies, les rendant aussi inestimables qu’inoubliables.

De quoi frustrer aussi.

L’amateur de cinéma que je suis pourrait n’y voir qu’une sorte de bande-annonce pour une partie de son œuvre, sans doute la moins populaire. C’est que le bonhomme en a écrit des livres (au point que je me perdais parfois dans certaines références) !

Toute vérité est une lueur de l'absolu. [Proses philosophiques]

Hugo

L’un de nos compatriotes qu’on nous envie tant, auteur engagé, aux textes enflammés, Hugo a tant imprégné le XIXe siècle qu’on en a fait « le siècle de Victor Hugo » (véridique, il suffit de parcourir quelques manuels d’Histoire de France). Souvent, on l’aborde par des biais romanesques (impossible d’échapper à une étude, même partielle, des Misérables dans sa scolarité) ou poétiques (Demain, dès l’aube ou encore Après la bataille) mais on oublie souvent qu’il a été un homme politique fervent et qu’il a tenté dans de nombreux essais de percer le mystère de l’âme humaine.

Rien ne ressemble à la gueule d’un canon comme la bouche d’une bouteille d’encre. [Tas de Pierres]

Devant l’ampleur et la qualité sans égales de son œuvre, on ne peut que reprendre son souffle et constater combien l’Homme peut être créatif et toucher au génie, dès lors qu’il est passionné et amoureux des mots.

Visez haut : on ne devient Charlemagne qu’en voulant être Napoléon. [Ceci & cela]

Je ne sais au juste à quoi je m’attendais lorsque je me suis inscrit à Masse critique, mais ce in-12 de 110 pages, à l’agréable couverture souple verte (labellisée IMPRIM’ VERT) a su toucher ma curiosité et s’est révélé, au final, très agréable à lire. Rangés par ordre alphabétique des notions abordées (de « Abîme » à « Vrille »), ces aphorismes permettent de brosser un portrait de ce grand homme par petites touches impressionnistes.

L’art, merveilleuse contrée dont le critique trace la géographie, dont le poète dessine le paysage.[Littérature & Philosophie]

Adorateur des lettres, il place la littérature au sommet des arts, tout en conservant de l’estime pour la poésie. Curieusement, il dédaigne (relativement) la musique. On le sent profondément humaniste, en droite ligne des héritiers des universitaires du Moyen-Age, plaçant l’Homme entre le Siècle et le Divin.

La pensée n’est qu’un souffle, mais ce souffle remue le monde. [Actes & paroles]

Bien entendu, il se refuse à l’agnosticisme même s’il est extrêment critique avec les prêtres de tout bord.

Toutes les religions ont ce but : prendre de force l’âme humaine. [Actes & paroles]

De même, on voit facilement dans ses quelques réflexions politiques son amour des idéaux révolutionnaires, et le rejet de leur manipulation à des fins « politiciennes ».

Liberté, Egalité, Fraternité. Rien à ajouter, rien à retrancher. Ce sont les trois marches du perron suprême. La liberté c’est le droit, l’Egalité c’est le fait, la Fraternité c’est le devoir. Tout l’homme est là. [Actes & Paroles]

On connaît bien entendu son rejet du Second Empire qu’il semble prendre comme une perversion du bonapartisme et une violation des valeurs républicaines.

Cambronne à Waterloo a enterré le premier Empire dans un mot où est né le Second. [Châtiments]

Mais c’est surtout dans la quête d’absolu et de la Vérité (la plus grande des Vertus) qu’on trouve ses plus belles phrases, dans des essais philosophiques redoutables, parfois glaçants d’à-propos, où son art de la Langue fait merveille dans les analogies.

L’esprit humain a une cime. Cette cime est l’idéal. Dieu y descend, l’homme y monte. [William Shakespeare]

Loin d’être une somme, c’est un bref aperçu de la grandeur d’un homme libre.

Ci-dessous quelques autres aphorismes, parmi les plus édifiants. Et pour les complétistes, je vous invite à passer chez Satine qui en a dressé un portrait illustré également de morceaux choisis.


L’âme est un océan dont les idées sont les flots et dont les passions sont les tempêtes.

L’âme aide le corps, et à certains moments le soulève. C’est le seul oiseau qui soutienne sa cage. [les Misérables]

L’amour, réalité qui engendre toutes les chimères, vérité qui contient tous les mensonges. [L’Amour, la femme]

L’amour est une production de lumière dans l’infini. [L’Amour, la femme]

Un grand artiste, c’est un grand homme dans un grand enfant. [Tas de Pierres]

La beauté n’est autre chose que l’infini contenu dans un contour. [Tas de Pierres]

Le génie est un don, le bonheur est un prêt. [Châtiments]

L’esprit de l’homme a trois clefs qui ouvrent tout : le chiffre, la lettre, la note. Savoir, penser, rêver, tout est là. [Feuilles paginées]

L’Inconnu est un océan. Qu’est-ce que la conscience ? C’est la boussole de l’Inconnu. [les Misérables]

Quelquefois comme Christophe Colomb, on ne cherche qu’une route et on trouve un monde. [Feuilles paginées]

Le succès est une fureur, la défaite est une rage. [Quatrevingt-treize]

La démocratie prouve sa solidité par les absurdités qu’on entasse sur elle, sans l’ébranler. [William Shakespeare]

On ne donne que ce dont on se prive. [Philosophie prose]

Sans l’arbre, pas de végétation ; sans la femme, pas d’humanité. [L’Amour, la femme]

La France sera sauvée quand les vieux regarderont en avant et quand les jeunes regarderont en arrière. [Choses vues]

L’Art. tout y est harmonie, même la dissonance. [Proses philosophiques]

Savoir au juste la quantité d’avenir qu’on peut introduire dans le présent, c’est là tout le secret d’un grand gouvernement. [Choses vues]

La raison, c’est l’intelligence en exercice ; l’imagination, c’est l’intelligence en érection. [Tas de Pierres]

Le dernier livre est plus facile à écrire que la première ligne. [Tas de Pierres]

L’instinct, c’est l’âme à quatre pattes ; la pensée, c’est l’esprit debout. [Tas de Pierres]

L’intelligence est l’épouse, l’imagination la maîtresse, la mémoire est la servante. [Tas de Pierres]

Aucun désespoir n’excuse une lâcheté. [Tas de Pierres]

Une révolution est la larve d’une civilisation. [William Shakespeare]

Lire, c’est boire et manger. L’esprit qui ne lit pas maigrit comme le corps qui ne mange pas. [Tas de Pierres]

La liberté commence où l’ignorance finit. [Océan Prose]

Le mal. Ceux qui s’en réjouissent sont pires que ceux qui le font. [Tas de Pierres]

La mélancolie, c’est le bonheur d’être triste. [les Travailleurs de la mer]

Si l’âme n’était pas immortelle, la mort serait un guet-apens. [Tas de Pierres]

Il n’y a qu’une nécessité, la vérité. [Actes & pensées]

Dieu a fait un nœud que l’homme cherche à dénouer avec deux mains : la philosophie et la science. [Tas de Pierres]

Oser : le progrès est à ce prix. [les Misérables]

La pauvreté est une force. Qui n’est pas capable d’être pauvre n’est pas capable d’être libre. [Tas de Pierres]

La peine de mort en matière politique, mauvaise raison. Quand vous voulez tuer un parti, tâchez de décapiter ses idées et non ses hommes. [Littérature & philosophie mêlée]

Persévérance, le mot dont les grandes choses sont faites. [Tas de Pierres]

Il peut y avoir un mauvais rire, mais on ne peut pleurer méchamment. [Tas de Pierres]

Plus je vois la politique, plus j’aime la littérature. [Tas de Pierres]

Le progrès est une marche obscure de pardon et d’amnistie. (la Création, la Nature]

Les règles sont utiles au talent et nuisibles au génie. [Tas de Pierres]

La religion n’est autre chose que l’ombre portée de l’univers sur l’intelligence humaine. [Proses philosophiques]

Les révolutions ont cela de merveilleux qu’il leur suffit d’une heure sublime pour effacer toutes les heures terribles. [Actes & paroles]

La Révolution française, c’est le sacre de l’Humanité. [les Misérables]

La science est obscure, peut-être parce que la vérité est sombre. [Tas de Pierres]

Un sot est un imbécile dont on voit l’orgueil à travers les trous de son intelligence. [Tas de Pierres]

Le temps n’est autre chose que le terme toujours mobile des gestations successives de l’éternité. [Philosophie prose]

La porte de la Vérité a deux clefs : l’une s’appelle l’étude, l’autre la souffrance. [Tas de Pierres]

On passe une moitié de sa vie à attendre ceux qu’on aimera et l’autre moitié à quitter ceux qu’on aime. [Tas de Pierres]

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