Je n'ai rien inventé de nouveau. J'ai simplement assemblé dans une voiture les découvertes d'autres hommes derrière lesquelles il y avait des siècles de travail... Si j'avais travaillé quinze ou dix ou même cinq années plus tôt, j'aurais échoué. C'est ainsi de toute nouvelle chose. Le progrès arrive quand tous les facteurs qui le permette sont prêts, et alors il devient inévitable. Enseigner qu'un nombre restreint d'hommes est responsable des plus grands pas en avant de l'humanité est la pire des absurdités. (Henry Ford)L'innovation est souvent assimilée à l'invention. Pourtant, nombre d'inventions ne donnent pas lieu à une exploitation commerciale couronnée de succès, au grand dam des candidats au concours Lépine.
Andrew Hargadon, l'auteur de How Breakthroughs Happen: The Surprising Truth About How Companies Innovate, défend depuis quelques années une thèse complètement opposée.
Le présent article reprend quelques idées de l'article suivant de Hargadon qui résume son livre : http://andrewhargadon.com/Release/Hargadon_Ivey_Retooling.pdf
Un effort collectif qui combine et modifie des idées et technologies existantes d'une nouvelle manière
C'est ainsi qu'on peut définir l'innovation d'après Hargadon, qui est professeur de management à l'université de Californie à Davis. Il s'appuie sur l'étude de plusieurs grands innovateurs historiques, comme Thomas Edison, Henry Ford ou les Bell Labs,; ou contemporains comme la société IDEO.
La stratégie de ces innovateurs exceptionnels est similaire : il s'agit de chercher comment des technologies existantes dans un marché donné peuvent être utilisées dans un marché différent.
Edisson : innovateur mais pas inventeur
L'exemple d'innovateur le plus emblématique est Thomas Edisson : entre 1876 et 1881, son laboratoire a posé plus de 400 brevets et proposé des innovations dans des domaines variés.
Pourtant, il n'est pas véritablement un inventeur. Ainsi, l'invention de l'ampoule électrique, qui lui est généralement attribuée, lui est antérieure de 30 ans ! Mais en combinant des technologies existantes (celles des lampes électriques existantes, du télégraphe, et des lampes à gaz), il a créé une ampoule électrique suffisamment satisfaisante pour devenir le succès commercial qu'on connaît.
L'invention se traduisant par une innovation est donc l'exception plutôt que la règle.
Le courtage de technologies
Hargadon appelle cette stratégie de recherche et développement le courtage de technologies. L'innovateur est en effet un intermédiaire entre deux marchés, et l'opération réalisée est la transposition d'une technologie d'un marché à un autre.
Les entreprises capables de réaliser ce type d'opération sont généralement implantées sur plusieurs marchés. Ainsi, elles ont une vision transversale qui leur permet de détecter à la fois les besoins et les solutions, et d'innover par combinaison de technologies.
Comment une entreprise mono-sectorielle peut-elle alors espérer innover dans cette vision ?
Une première solution est de s'adresser à des entreprises de courtage de technologies. Notons qu'il s'agit ici d'un sens légèrement différent de l'expression courtage de technologies : ces sociétés ont pour vocation de trouver des applications à des technologies (comme un agent immobilier trouve des acheteurs à des vendeurs de maisons), mais sans nécessairement intervenir dans l'aspect technique. C'est donc du transfert de technologie. Certains centres de recherche ont un service interne qui assure la promotion de leurs découvertes et dont le rôle est similaire.
La seconde solution est la médiation technique, qui partage avec le courtage de technologies la transmission d'un savoir technique d'une entreprise à une autre.
Courtage de technologies ou médiation technique ?
La différence entre le courtage de technologies et la médiation technique réside dans le mode de fonctionnement et dans les technologies disponibles.
Le courtage de technologies s'appuie sur un portefeuille de technologies, souvent associées à des brevets, et qui sont généralement à la pointe de l'état de l'art. Il s'agit souvent de produits de la recherche académique, et plus rarement de brevets industriels qu'une entreprise cherche à valoriser. Le courtier a donc des solutions à la recherche de problèmes à résoudre.
Au contraire, la médiation technique identifie des problèmes à résoudre, et y cherche des solutions. Les solutions, s'il en existe, ne sont pas forcément révolutionnaires, et peuvent même correspondre à des technologies bien établies.
La différence, pour l'entreprise qui a besoin d'une solution, est la même qu'entre du prêt-à-porter et du sur-mesure.