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Staline-Hitler: la nature du mal : Bloodlands [Les terres sanglantes], de Timothy Snyder

Par Benard


Le dernier livre de Timothy Snyder, Bloodlands, revisite le concept de la nature du mal à la lumière des actes d’anthropophagie perpétrés pendant la famine volontairement créée en Ukraine par Staline.

Comment prendre en compte le cannibalisme? Comment l’intégrer dans le débat politico-historico-moral, qui ne cesse de prendre de l’ampleur, sur la manière de comparer les génocides perpétrés par Hitler et Staline, et sur le nombre de victimes du communisme et du fascisme en général? Ce que je sais, c’est que je n’y avais pas réfléchi. Je n’avais absolument pas pris la mesure des cas d’anthropophagie survenus pendant la famine ukrainienne voulue par Staline en 1933, avant de lire la description choquante et stoïque qu’en fait Timothy Snyder, professeur d’histoire à Yale, dans Bloodlands [Les terres sanglantes], son nouvel ouvrage, innovant en la matière, sur les génocides quasi-simultanés d’Hitler et de Staline.

Depuis trente ans, depuis ce que l’on appelle en Allemagne l’Historikerstreit, ou bataille des historiens, en passant par la publication française, en 1997, du Livre noir du communisme (qui évalue le nombre de morts imputables aux régimes communistes à près de 100 millions, comparés aux 25 millions d’Hitler et du fascisme), une controverse fait rage sur la notion de comparaison des génocides et du mal, et oppose les meurtres de masse d’Hitler à ceux commis par Staline, Mao et Pol Pot.

Mon idée du rôle de la famine imposée par Staline à l’Ukraine dans ce débat était bien trop vague —selon de nombreux calculs, elle a ajouté plus de 3 millions de morts à la somme des victimes de Staline.

Je suppose que, sans avoir vraiment exploré la question, j’avais considéré la famine provoquée par l’État stalinien comme un genre de «génocide soft» comparé aux meurtres industrialisés des camps de la mort d’Hitler, ou même aux millions de victimes des purges du même Staline à la fin des années 1930 et aux goulags auxquels elles avaient donné naissance.

Le livre de Snyder, s’il est polémique sous certains angles, nous oblige à nous colleter aux faits connus sur la famine. Le cannibalisme contribue à porter la famine ukrainienne au premier plan du débat, pas seulement en tant que catastrophe agricole mais en tant que l’un des premiers meurtres de masse délibérés du XXe siècle.

Les chercheurs spécialisés dans la comparaison de la malfaisance soulignent souvent que Staline a causé davantage de morts qu’Hitler, même si l’on ne tient pas compte des victimes de la famine; ces morts n’ont pas été envisagées de la même manière que ses autres crimes, ou que les meurtres et les gazages d’Hitler dans les camps de la mort. Fusiller ou gazer quelqu’un est plus direct et immédiat qu’affamer une nation entière.

Cependant, le récit que fait Snyder de la famine en Ukraine convainc efficacement que Staline avait transformé toute l’Ukraine en camp de la mort et, plutôt que de les gazer, avait décidé que ses habitants mourraient de faim.

Lire la suite : http://www.slate.fr/story/34203/staline-hitler-extermination-mal-nature


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