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Le naufrage de la haie et la banalité du paysage (1/2)

Publié le 16 février 2011 par Sheumas

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   Je parcourais lundi un article de la plume de Michel Serres paru dans Ouest-France dans lequel il déplorait, entre autres « déserts », l’apparition du « désert agricole ». Après l’exode rural, plus de haies dans les champs, plus de barrières naturelles marquant la frontière entre deux zones de culture, arbustes, noyers, pommiers, cerisiers, pruniers, pêches de vigne, noisettes, muriers... (Je revois certains de mes sentiers isérois le long desquels je m’évadais...) Tout est arasé, uniformisé, rentabilisé... Dans cet arrangement du territoire, quel espace à la fantaisie, à l’errance, à l’imaginaire, à l’humus ?

   Tant de choses en effet vont dans ce sens depuis quelque temps. Est-ce un signe supplémentaire de la mondialisation ? De la marche triomphale de la société de consommation qui exhibe désormais dans les villes et à l’entrée des villes, les mêmes panneaux publicitaires, les mêmes franges, les mêmes paillettes ?

   Quel espace le poète peut-il encore investir avec son sac à dos, son « unique paletot à poches trouées » et ses « manteaux de bure dans lequel on voit des constellations » ? Ecoutons le vagabond Rimbaud, spécialiste du talus, (sur la pente du talus les anges tournent leurs robes de laine dans les herbages d'acier et d'émeraude) s’émerveiller au XIX° siècle de la magie des ponts, véritables frontières entre deux mondes...

Des ciels gris de cristal. Un bizarre dessin de ponts, ceux-ci droits, ceux-là bombés, d'autres descendant ou obliquant en angles sur les premiers, et ces figures se renouvelant dans les autres circuits éclairés du canal, mais tous tellement longs et légers que les rives, chargées de dômes, s'abaissent et s'amoindrissent. Quelques-uns de ces ponts sont encore chargés de masures. D'autres soutiennent des mâts, des signaux, de frêles parapets. Des accords mineurs se croisent et filent, des cordes montent des berges. On distingue une veste rouge, peut-être d'autres costumes et des instruments de musique. Sont-ce des airs populaires, des bouts de concerts seigneuriaux, des restants d'hymnes publics ? L'eau est grise et bleue, large comme un bras de mer. - Un rayon blanc, tombant du haut du ciel, anéantit cette comédie.


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