Londres, sous l’ère victorienne. Jeune orphelin devenu espion grâce à des pouvoirs de transformation dépassant l’entendement, Modo travaille pour le compte de M. Socrate. Aidé par la belle et redoutable Octavia, il va devoir enquêter sur un nouveau mystère. Au large de l’Irlande, une demi-douzaine de navires ont déjà coulé au même point précis. Selon les dires des rares survivants, les bateaux auraient été attaqués par un monstre marin inconnu. En s’aventurant sur place, ils savent ce qui les attend. Quand le vaisseau est attaqué, Modo passe par-dessus bord. Alors que le vaisseau regagne péniblement la côte, Octavia refuse de croire que son compagnon s’est noyé.
En effet, Modo a été recueilli par le mystérieux monstre marin, qui n’est autre que L’Ictinéo, submersible ultra-perfectionné dirigé par une jeune femme, Delphine Monturiol. Celle-ci a construit une cité entière au fond de l’océan où toutes sortes d’hommes et de femmes cohabitent en parfaite égalité. Tout d’abord bouleversé par ce monde harmonieux où sa difformité ne fait pas de lui un paria, Modo comprend rapidement qu’il n’est ici qu’un prisonnier. Il doit tout faire pour fuir l’Ictinéo. Peut-il vraiment faire confiance à Colette, la jeune espionne française, captive, comme lui ? Comment prévenir Octavia du danger alors qu’elle se rapproche de la zone fatale ?
- Editions du Masque - Collection MsK -
Il y a un an, nous avions découvert le premier tome prometteur de cette tétralogie canadienne sous le titre La confrérie de l'Horloge ( chronique ICI ) qui présentait le contexte - steampunk, Angleterre victorienne, aventure et espionnage, savant fou et machines fantastiques, confrérie occulte et maléfique - et les personnages, ce fameux monsieur Socrate, agent anglais d'une organisation gouvernementale secrète, le jeune héros Modo qu'il a recueilli et formé - possèdant la faculté de changer son apparence physique pour quelques heures alors même qu'il est contrefait et défiguré, un être bossu et laid à faire peur, considéré comme un monstre s'il ne se masque pas, sa laideur l'obligeant à perpétuellement dissimuler son visage, même à sa pétillante partenaire Octavia, surtout à sa pétillante partenaire avec laquelle s'ébauche une romance -
Le second volume vient de paraître, il est celui des voyages. Ce n'est plus Londres mais New York, l'Islande et Vingt mille lieues sous les mers. La présentation de l'éditeur dit beaucoup de l'histoire qui prend vraiment, dans ce tome, sa mesure de récit d'espionnage - suspicion, gadget et rivalités des nations -, la Confrérie de l'Horloge n'intervenant qu'à la moitié de la lecture. Modo est séparée d'Olivia, sa partenaire de circonstance est une jeune espionne française répondant au joli prénom de Colette. Arthur Slade s'inspire toujours à plaisir des romans fantastiques du début du siècle. Outre les correspondances avec le Nautilus et sa fée Electricité, l'utopie et la cité sous-marines en marge d'un monde terrestre condamné, il met en scène un personnage instable et redoutable à donner le frisson, un dénommé Griff, enfant cobaye devenu agent invisible.
La narration alterne les points de vue de Colette et de Modo, jouant de leur regard l'un sur l'autre. L'effet page-turner est toujours aussi efficace sans excès. Si ce second tome tient ses promesses quant à l'aventure, l'imaginaire " scientifique ", le rythme, les scènes d'actions et la touche d'émotion, je regrette que le personnage de Modo ne soit pas plus approfondi. Dans ce volume, il est bien naïf et émotif, subissant les évènements, avec courage certes, mais ne contrôlant jamais les situations. Pour un agent entraîné, il perd un peu en crédibilité, se posant beaucoup de questions sentimentales sur l'amour que lui porte ses proches, en éludant autant. Sa personnalité évolue trop peu alors même qu'il est confronté à une idéologie égalitaire troublante pour lui, un univers neuf et fascinant dans lequel son aspect physique serait accepté. Son trouble apparaît dans le récit à plusieurs reprises mais n'est pas exploité, tout comme sa relation avec Octavia, les angoisses et les doutes générés par ses sentiments pour elle intimement liés à cette thématique de la laideur et de la différence, ne sont qu'évoqués superficiellement, un élément soupoudré sur le récit. Aucun développement par rapport au premier tome, c'est du flirt de fond et de forme...C'est pourquoi les séquences de souffrances de Modo, tant physiques que psychologiques, dues à ses transformations, ses précautions pour garder son corps dans l'ombre, m'ont paru répétitives et insistantes.
Je tiens toutefois à préciser que, malgré cette attente frustrée à propos de l'ambiguïté de ce don de métamorphose, il ne s'agit pas d'une déception, le plaisir de lecture est intact. Déjà, le portrait de monsieur Socrate s'humanise, il semble donc que je sois trop impatiente, que l'évolution des personnalités sera déroulée sur l'ensemble de la tétralogie en filigranne des aventures, lui donnant finalement un caractère intiatique typique de la littérature adolescente.
- Titre original : The Dark Deeps - 287 pages - Traduit de l'anglais par Marie Cambolieu -
*