Dans la catégorie des péplums et autres grandes fresques historiques magnifiés par le cinéma, « Le cid » est à mon avis un peu trop délaissé. « La Chute de l’empire romain » de Anthony Mann et qui ressort également ce mois-ci, fait figure d’intouchable, et certainement à juste titre. Mais cette autre réalisation du cinéaste doit absolument revenir sur le devant de la scène , peut-être aidé en cela par un avocat tel que Pierre-Henri Deleau qui dans les bonus s’attarde longuement sur les raisons qui peuvent et doivent nous faire adhérer à ce genre de production .
Mes souvenirs d’école me ramènent à des représentations théâtrales difficiles parfois à supporter. Il était alors question de la pièce de Monsieur Corneille qui ici n’a pas droit de cité . Le réalisateur américain a repris quasiment à la lettre près , la véritable histoire de Rodrigo Diaz de Bivar, qui combattit les Musulmans pour les chasser de l’Espagne alors en proie à des divisions au plus haut sommet de la royauté.
Ses exploits furent rapportés par des chansons de geste, bien avant que maître Corneille s’empare du sujet . Et sous le regard passionné de Anthony Mann , je me suis laissé une nouvelle fois embarquer dans cette aventure à la fois chevaleresque et romantique , qui dure près de trois heures et qui cependant nous file entre les doigts.
Plusieurs scènes sont devenues mythiques : celle du cid affrontant le futur roi, lui demandant de jurer sur la bible qu’il n’a pas trahi est grandiose . Les entrées et sorties de Valence ne manquent pas non plus de panache avec des centaines et des centaines de chevaux qui vont et viennent .
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A l’époque on n’hésitait pas à mettre le paquet sur la figuration et les décors ce qui nous procure toutes ces scènes gigantesques de batailles ( parfaitement filmées ) ou de galopades époustouflantes. Et quand il s’agit de ralentir le rythme , on y trouve des apartés suspicieux, des affrontements éloquents et autres faces à faces qui forgeront la destinée d’un pays . Avec un couple mythique Charlton Heston, et ,Sophia Loren , qui emporte tous les suffrages sans faire de l’ombre aux rôles qui ne sont pas vraiment secondaires .A l’image des des deux frères se disputant le trône du père à peine refroidi ( Gary Raymond ,et John Fraser ) ou bien encore Geneviève Page. Dans le personnage de la soeur comploteuse , notre français est parfaite. Pour ce grand personnage qu’est » Le Cid » , un grand film est à jamais inscrits sur le fronton du 7 ème art.
Les bonus
« Le médiateur » par Pierre-Henri Deleau. (36 mn)
L’ancien responsable de la la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes , revient sur la carrière d’Anthony Mann, un homme qui à ses yeux «n’a pas la reconnaissance qu’il mérite » . Une œuvre riche de 39 films, réalisés dans tous les genres et pour qui «ce qui comptait avant tout c’était l’image et le mouvement . Il aurait aimé pouvoir se passer du son, disait-il » .
Pierre-Henri Deleau reprend l’histoire du film , à travers un rappel historique de l’Espagne du XVII è siècle . « Par rapport à Corneille, tous les faits dans le film sont avérés, mis à part la fin que certains historiens discutent encore » .Corneille qu’il délaisse très vite pour mieux se rapprocher de l’esprit de Shakespeare , qui selon lui se retrouve dans ce film . Il cite notamment « Othello » .
Une image , plutôt rare, du tournage
Les scènes d’extérieur ont été faites à Peñiscola (Espagne), dont les fortifications représentaient les murailles de Valence. Chaque année une fête s’y déroule : on y rejoue les grands passage du film. «Mais ce film reste aussi merveilleux car il nous raconte une histoire très actuelle, c’est une fable sur la tolérance et si en 1961 on ne parlait pas de fanatisme religieux, “ Le Cid” d’Anthony Mann ne fait que ça . D’un camp ou d’un autre, il fallait exterminer tous ceux qui ne croyaient pas comme eux . Rodrigue incarne une voie médiane, celle d’une société multiculturelle qui est le lot de tous les pays du monde aujourd’hui » .
« Le Cid » film d’animation, de Emmanuelle Gorgiard ( 25 mn ) et son making of ( 7 mn )
C’est une belle surprise que ce court-métrage d’animation , réalisé cette fois sur la base de la tragédie cornélienne . Il aura fallu huit ans aux deux concepteurs pour mener à bien leur projet pour un coût de 600.000 € . « Il nous en aurait fallu un bon de tiers de plus estime le producteur , « mais au final , ça se tient » . Effectivement , le regard iconoclaste de ces petites bestioles sur le mythe espagnol est des plus sympathique . Et le final Rodrigue -Chimène sur un pas de flamenco des plus réussi .
« La chorégraphie a été assurée par une chorégraphe professionnelle . Pour exprimer la préciosité, l’élégance et la cruauté du propose , d’une pièce en alexandrin que nous avons conservés, j’ai pensé que des insectes étaient tout indiqués »précise sa réalisatrice Emmanuelle Gorgiard.
On assiste à la fabrication de quelques «personnages» et au filmage , suivi des prises studio en compagnie de Sergie Lopez ( l’accent catalan de circonstance ) , et Dominique Besneard.