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Cela a le goût du Scarlatti, la couleur du Scarlatti mais... ce n'est pas du Scarlatti

Publié le 18 février 2011 par Philippe Delaide

On ne peut s'empêcher de reprendre une célèbre publicité pour un "soft drink" quand on vient à évoquer le dernier disque d'Alexandre Tharaud consacré à des sonates de Domenico Scarlatti. Les chefs de produits EMI Classics ont beau teindre les images en rouge et le pianiste a beau tenter de nous convaincre de l'impétuosité de son jeu, ce n'est pas l'éclat et la chaleur des couleurs dites espagnoles de ces sonates qu'on nous sert là mais plutôt la banquise...

Scarlatti Tharaud
Pour ma part je me suis ennuyé du début à la fin, presque sans exception. Décidemment, comme je l'ai déjà dit, je n'accroche toujours pas sur cet interprète. Tout cela est propre, net, lisse et d'une retenue maladive. La maîtrise technique est exemplaire mais, là encore, comme évoqué dans le Brahms et Modigliani avec JF Neuburger il y a quelques jours, je préfère un interprète moins virtuose mais qui aurait la vertu de se mettre à nu, de prendre le risque de nous raconter quelque chose d'autre. Je suis toujours étonné du flot d'éloges, aussi bien des critiques professionnels que des amateurs mélomanes sur les disques d'Alexandre Tharaud. Ils semblent y trouver quelque chose mais je me demande toujours quoi.

En tout cas, arrêtez donc, à grand renfort de pub et de "maquillage", de nous faire croire que l'on révèle ici les accents les plus torrides de ces sonates du génial compositeur napolitain.

La pose que la maison de disque a demandé à Alexandre Tharaud de prendre sur la pochette révèle complètement le propos. Ce minimalisme et ces bras ballants veulent sûrement nous signifier que l'on n'est pas là pour se disperser mais bien se concentrer sur l'essence même, sur les articulations les plus élaborées du piano. Pas de fioritures, pas de dispersion. Le pianistique pour le pianistique. Attention, on écoute un esthète du clavier messieurs dames, pas un malheureux pianoteux qui voudrait s'aventurer à s'approprier ces sonates pour nous faire vibrer. Résultat : on baye aux corneilles.

A titre d'exemple : la sublime sonate en la majeur Kk 208 où le pianiste s'écoute tellement jouer que toute la tension sous-jacente de cette sonate s'en trouve amoindrie. On a alors une sorte de badinerie vaguement méditative aux couleurs pastel au lieu d'avoir cette pièce intense, faussement badine justement, aux couleurs saturées et qui devrait nous révéler les idées les plus noires. Scarlatti préfigure Mozart de façon fulgurante dans cette pièce. Même motif, même punition sur la sonate en ré mineur Kk32 (quelle lenteur...).

Il n'y a guère que l'autre sonate en ré mineur (autre chef d'oeuvre) Kk9 où Alexandre Tharaud déploie un jeu perlé au toucher très délicat, mais tout de même bien timbré, et qui siet assez bien cette sonate.

Toute l'admiration que je peux avoir pour cette maîtrise technique se trouve couverte par la colère de me dire encore : quel gâchis de se trouver à nouveau en face d'un syndrome "brendelien": ne surtout rien laisser paraître et demeurer, avec une maîtrise absolue, à la surface des choses. Sur du Domenico Scarlatti, c'est encore moins pardonnable.

Vidéo promotionnelle sur laquelle je vous laisse vous faire votre avis.


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