Lassé des nombreuses attaques personnelles dont il fut la cible à l'époque d'Underground, Emir Kusturica a décidé il y a une dizaine d'années d'arrêter les films dits sérieux et de s'amuser à faire du cinéma. Si une telle décision est assez regrettable de la part d'un cinéaste éminemment politique, elle devient carrément consternante lorsque l'on constate où en est Kustu aujourd'hui. Après deux films sympathiques mais pas franchement mémorables (Chat noir chat blanc et La vie est un miracle), Emir s'étale de tout son long avec ce Promets-moi, sinistre farce d'une vulgarité sans borne.
Ce qui frappe d'emblée dans le film, c'est l'absence totale de point de vue, de style, de réalisateur. Étonnant de la part de la part d'un homme ayant reçu un prix de la mise en scène et deux Palmes d'Or. Il plante sa caméra entre deux ornières, zoome avidement sur la paire de seins de l'une des "protagonistes", et attend que ça se passe. Avec un tel handicap, ce qui pouvait amuser dans ses précédentes oeuvres tombe immanquablement dans l'humour gras et complètement beauf.
Au niveau de l'imagerie, Promets-moi semble effectuer la synthèse parfaite de toute la filmographie de l'auteur. On y croisera des tziganes, des gosses futés, des inventions délirantes, des chutes en veux-tu en voilà, des méchants ridicules, des animaux, de la musique à plein régime, une histoire d'amour candide... Auparavant, on appelait cela un style, Kusturica parvenant comme par magie à donner une nouvelle jeunesse à chacun de ces thèmes. Ici, le résultat s'apparente plutôt à une gigantesque parodie : tout est usé jusqu'à la corde, traité par dessus la jambe, avec zéro tentative de donner du rythme, de l'allant, du liant. Ça donne un film poisseux, suprêmement ennuyeux, se rapprochant plus de Max Pécas que du Kustu d'antan (sans rire).
Femmes traitées avec une misogynie même pas amusante au millième degré, jets de pisse en guise de gags, acteurs mauvais comme des cochons (même Miki Manojlovic!)... Il n'y a rien à sauver de ce naufrage complet qui montre bien que son réalisateur n'a plus la tête sur les épaules. Faire d'un enfant de 10 ans le héros d'une histoire d'amour avec une fille deux fois plus vieille passe encore (sauf quand le jeune acteur est moins talentueux qu'un goret), mais faire de lui le roi de la baise dans coffre de voiture et le spécialiste des putes n'a ni sens ni intérêt. C'est à la fois gêné, épuisé et exaspéré que l'on sort de ces deux heures de calvaire total. Si vous aimez Kusturica, par pitié, attendez le suivant. Ou contentez-vous de ses cinq premiers films.
1/10
(également publié sur Écran Large)