Gainsbourg (vie héroïque), de Joann Sfar (2010)

Ne s’attaque pas qui veut au biopic. Ils sont beaucoup à s’y être déjà essayé comme Anne Fontaine, Antoine De Caunes ou encore Jean-François Richet récemment pour Coco avant Chanel, Coluche et Mesrine, peu ont pourtant réussi leur pari. Car adapter au cinéma la vie d’une personnalité célèbre et publique n’est pas une entreprise facile. Difficile de trouver un équilibre juste entre le scénario d’une vie que l’on ne choisit pas et la liberté d’adaptation et d’interprétation d’un réalisateur, au risque de s’engluer dans un genre documentaire dont le grand écran n’est pas forcément la forme la plus adaptée.

Parce qu’il est scénariste et dessinateur de bande dessinée, Joann Sfar tire son épingle du jeu (sans convaincre pour autant) du bourbier des films biographiques en faisant du biopic sur Serge Gainsbourg, un conte. Une forme originale de se libérer des pièges que pose ce genre cinématographique et de se donner la liberté de prendre ses distances avec l’histoire de vie de son personnage. Un conte qui narre le destin d’un enfant juif rêvant de devenir dessinateur mais que la vie en fera l’un des artistes les plus connus de la chanson française. C’est là où le film de Joann Sfar atteint ses limites : entre la liberté de pouvoir faire ce qu’il veut grâce au format qu’il a choisi et la nécessité de s’en tenir à un récit de vie, Sfar ne parvient pas à se positionner et se laisse osciller entre univers réels et irréels, si bien que les joutes verbales entre Gainsbourg et Sa Gueule (son double fictif) ont beau être exquises, le spectateur est sans cesse arrêté dans ces apartés chimériques par un récit de vie qui le ramène trop souvent à la réalité.

À l’exception des scènes délicieuses où Gainsbourg rencontre Juliette Greco (Anna Mouglalis), Brigitte Bardot (Laetitia Casta) ou encore France Gall (Sara Forestier), rythmées par sa Javanaise et son Comic Strip, le spectateur passe la plupart du temps à observer les ronds de fumées de cigarette d’un Eric Elmosnino certes convaincant mais très vite lassant.

Ne s’attaque pas qui veut au biopic, encore moins à celui de Serge Gainsbourg. Comme si le poinçonneur des Lilas était devenu une figure intouchable. Gainsbourg (vie héroïque) frise le culte de la personnalité. Ce n’est pas le titre du film qui nous contredira : à vouloir en faire un héro de sa propre existence, Gainsbourg grâce à Joann Sfar est mort une seconde fois.

  Sortie en DVD le  12 octobre 2010