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Critiques en vrac 37 : Tideland – Never let me go – Left Bank – Shooter

Par Geouf

Tideland

Critiques en vrac 37: Tideland – Never let me go – Left Bank – ShooterRésumé : Jelizah-Rose (Jodelle Ferland), une petite fille d’une dizaine d’années, vit avec un père et une mère junkies et complètement à côté de leurs pompes. Le jour où sa femme décède d’une overdose, le père de Jelizah-Rose décide d’emmener sa fille dans la maison de son enfance. La petite fille s’accommode bien vite de cette nouvelle vie, malgré l’état de délabrement avancé de la demeure et la mort rapide de son père, lui aussi décédé d’une overdose. Elle parcourt les champs environnants avec ses têtes de poupées, et s’invente des histoires en essayant de se lier d’amitié avec les étranges voisins…

Sorti quelques années avant le très sympa Imaginarium du Docteur Parnassus, Tideland avait pas mal divisé la critique (pas vraiment le public, vu que le film a fait un flop monumental), suscitant les réactions les plus extrêmes de rejet. Et honnêtement, à la vision du film, on ne peut que comprendre les réactions viscérales de certaines personnes.

Tideland est certainement un des films les plus étranges et dérangeants qu’il m’ait été donné de voir ces dernières années. Ce film, c’est un peu comme si un monteur fou avait mixé Alice au Pays des Merveilles avec Massacre à la Tronçonneuse. Terry Gilliam a de toute évidence tenté de faire un conte de fée à partir d’une histoire malsaine et dérangeante, mais finalement, c’est très souvent le côté glauque qui prend le dessus sur le côté féerique. Difficile en effet d’être transporté par un film parlant d’une gamine qui se retrouve seule dans une grande maison délabrée au milieu de nulle part après la mort de ses deux parents par overdose. Surtout qu’elle conserve le cadavre de son père (ce qui donne lieu à des blagues d’un goût plus que douteux sur la décomposition du corps), qui finira embaumé par la voisine folle à lier vivant un peu plus loin. A cela s’ajoute le frère de ladite voisine, un gentil demeuré avec des penchants pédophiles et dont l’obsession principale est de faire dérailler un train qu’il prend pour un « requin-monstre ». Définitivement ardu de faire plus pesant comme atmosphère, même si Gilliam tente d’alléger celle-ci avec des têtes de poupées et un écureuil qui parlent. Dans le genre « gamine qui s’invente un monde merveilleux pour échapper à une réalité sordide », Guillermo del Toro a fait cent fois mieux et avec beaucoup plus de finesse quelques années plus tard dans Le Labyrinthe de Pan

La jeune Jodelle Ferland porte littéralement le film sur ses frêles épaules et sa fraicheur arrive souvent à sauver celui-ci du dégoût le plus total. Mais même son talent a du mal à compenser lors des scènes ultra dérangeantes où le voisin benêt s’amuse à l’embrasser sur la bouche (bien que de toute évidence dans l’esprit de celui-ci cela n’a rien de réellement sexuel). Bref, on ressort définitivement brassé et pas mal choqué du visionnage de Tideland, avec la nette impression que Gilliam a raté son pari en ne réussissant pas à faire prévaloir le côté conte de fée de son histoire. Mais au moins, c’est un film qu’il est difficile d’oublier après visionnage…

Note : 5/10


USA, 2005
Réalisation : Terry Gilliam
Scénario : Tony Grisoni, Terry Gilliam
Avec : Jodelle Ferland, Jeff Bridges, Jennifer Tilly, Janet McTeer, Brendan Fletcher

Never let me go

Critiques en vrac 37: Tideland – Never let me go – Left Bank – Shooter
Résumé : Ruth, Kathy et Tommy sont amis depuis l’enfance, ayant vécu dans le même pensionnat. Ruth était amoureuse de Tommy, mais celui-ci a préféré Kathy, brisant le cœur de Ruth, qui a du coup embrassé le seul métier autorisé pour elle, celui de « carer ». Car les trois amis ne sont pas des personnes comme les autres, ils ont été créés dans l’unique but de servir de donneurs d’organes à la population britannique…

Adapté d’un roman de Kazuo Ishiguro, Never let me go part d’un postulat de base similaire à celui du The Island de Michael Bay, à savoir l’idée que la société a fini par décider de créer des êtres humains purement destinés à servir de banques d’organes. La différence majeure entre les deux films, mis à part que Never let me go n’est pas un film d’action pétaradant mais un drame romantique, c’est que le film de Mark Romanek ne se passe pas dans un lointain futur, mais à notre époque (entre les années 70 et 90 pour être précis). Une bonne idée, avec le potentiel de rendre le postulat de base d’autant plus dérangeant.

La première partie du film, présentant l’enfance des héros, est d’ailleurs plutôt réussie. On pense aux classiques des films de pensionnat, mis à part que de petits détails intrigants font surface au fil des séquences, comme cette peur des enfants de franchir la barrière du jardin, ou ces bracelets électroniques qu’ils portent et doivent biper pour entrer ou sortir de la demeure. La vérité ne tardera pas à être révélée au cours d’une séquence très émouvante où une professeure d’art plastique leur avoue leur destin funeste. Romanek, très à l’aise avec les jeunes acteurs incarnant les personnages enfants, réussit un difficile équilibre entre une chronique adolescente et un film de science-fiction dramatique.

Malheureusement, les choses se gâtent lorsque le film effectue un saut dans le temps et suit les héros l’année de leurs 18 ans, lorsqu’ils quittent le pensionnat pour aller vivre dans des cottages au milieu de la population. A partir de ce moment, il faut avouer que le film perd une bonne part de sa crédibilité, tant on a du mal à croire que les personnages acceptent aussi docilement leur sort de futurs donneurs d’organes. Bien sûr, ils ont été élevés depuis l’enfance dans ce but, et ont certainement subi une sorte de lavage de cerveau, mais ils sont beaucoup trop passifs pour que l’on s’attache à eux. Les trois acteurs principaux (Carey Mulligan, Andrew Garfield et Keira Knightley, pas n’importe quels acteurs) font tout leur possible pour donner corps à leurs personnages, mais leur jeu emprunté n’aide pas du tout à l’identification.

En fait, le principal problème de Never let me go, c’est que pour un drame romantique censé faire pleurer le public, il manque singulièrement d’émotion. On ne s’attend pas à ce que les héros se sauvent et fassent tout péter comme Ewan McGregor et Scarlet Johansson dans le film de Michael Bay, mais au moins qu’ils réagissent un peu, qu’ils se battent. On s’attend à un peu de colère, de désespoir, de passion, de fureur même devant ce sort injuste qui les attend, mais non, rien…

Bref, malgré les belles images (c’est clair que Romanek sait composer un plan), Never let me go est un drame romantique totalement désincarné qui finit malheureusement par provoquer l’ennui plus que l’empathie pour ses personnages aussi passifs que des moutons que l’on mène à l’abattoir. Dommage, vraiment très dommage.

Note : 5/10


Royaume-Uni, 2010
Réalisation : Mark Romanek
Scénario : Alex Garland
Avec: Carey Mulligan, Keira Knightley, Andrew Garfield, Charlotte Rampling

Left Bank (Linkeroever)

Critiques en vrac 37: Tideland – Never let me go – Left Bank – Shooter
Résumé: Marie, une jeune athlète douée, ne vit que pour son sport. Le jour où elle est atteinte d’une infection inconnue et forcée de se reposer, elle se retrouve totalement désemparée. Ne supportant plus de vivre chez sa mère envahissante, elle s’installe avec son petit ami, qu’elle vient à peine de rencontrer. Mais très vite, elle se sent mal à l’aise, entourée de voisins étranges, et elle s’aperçoit que son corps commence à muter…

Depuis quelques années, la Belgique se met à son tour à se lancer dans le fantastique, alors que jusqu’à présent le cinéma local était finalement peu connu en dehors des frontières du pays. Originalité supplémentaire de Left Bank, il ne s’agit pas d’un film francophone, et de plus, il a été tourné dans la ville d’Anvers, bien moins connue en France que Bruxelles. Raison de plus pour s’intéresser à ce film étrange.

A l’instar du récent Black Swan, Left Bank s’intéresse à la perte de repère psychologique d’une jeune femme, et doit beaucoup au cinéma de Roman Polansky. On pense notamment énormément au Locataire et à Rosemary’s Baby, pour cet immeuble dans lequel les voisins sont un peu trop envahissants ou effrayants. Mais le film de Pieter Van Hees trace tout de même sa voie en greffant sur son intrigue des références aux légendes locales et anciens rites païens. Le film est parfois un peu longuet, mais se laisse tout de même suivre avec intérêt, Van Hees maintenant le suspense jusqu’à la fin sur la réalité des soupçons de Marie. Il lui arrive aussi de temps en temps de se perdre un peu dans un trop plein d’idées, notamment dans la partie sur la mutation de Marie, qui finalement n’est pas réellement élucidée ni utile au récit, mais mieux vaut trop d’idées qu’une seule idée mal exploitée, comme c’est souvent le cas. L’atmosphère est souvent pesante, et Van Hees arrive à rendre l’immeuble au centre de l’histoire particulièrement inquiétant. Les couloirs sombres semblent prêts à engloutir l’imprudent, et la cave renfermant un secret bien gardée est plus qu’inquiétante.

Par contre, là où Left Bank finit par remporter définitivement le morceau, c’est dans son final à la fois extrêmement surprenant mais logique et appuyé par de nombreux indices disséminés tout au long du film. Un final totalement à contre-courant de la mode actuelle du cinéma d’horreur, à la fois choquant, émouvant et furieusement romantique, qui laissera certainement son empreinte dans l’esprit du spectateur. Sans être exempt de défauts, Left Bank est néanmoins une œuvre suffisamment originale et bien fichue pour mériter d’être découverte.

Note : 7/10


Belgique, 2008
Réalisation : Peter Van Hees
Scénario : Peter Van Hees, Christophe Dirickx, Dimitri Karakatsanis
Avec: Eline Kuppens, Matthias Schoenaerts

Shooter, Tireur d’Elite (Shooter)

Critiques en vrac 37: Tideland – Never let me go – Left Bank – Shooter
Résumé: Sniper d’élite de l’armée américaine, Bob Lee Swagger (Mark Wahlberg) a pris sa retraite suite à la mort de son partenaire lors d’une mission secrète. Trois ans plus tard, il est démarché par le colonel Isaac Johnson (Danny Glover), qui souhaite profiter de son expertise pour empêcher un attentat contre le président. Bob Lee finit par accepter, mais malheureusement pour lui, il se retrouve très vite trahi et poursuivi par toutes les polices du pays, accusé d’avoir lui-même organisé l’attentat. Traqué et seul, il va devoir retrouver les véritables responsables pour laver son honneur…

Soyons honnête, lorsque j’ai entamé le visionnage de Shooter, je m’attendais à me taper un gros navet, Antoine Fuqua n’étant clairement pas un de mes réalisateurs préférés. Mais ne jauger sa carrière qu’en prenant en compte les gros ratages comme Le Roi Arthur et Les Larmes du Soleil serait oublier un peu vite que le bonhomme est aussi capable de pondre un excellent film comme L’Elite de Brooklyn. Et au final, Shooter se situe clairement dans le haut du panier de la filmographie de Fuqua.

A partir d’un canevas usé jusqu’à la corde (le gentil héros accusé d’un crime qu’il n’a pas commis et obligé de fuir tout en recherchant les vrais responsables, on a vu plus original), Fuqua réussit à pondre un redoutable blockbuster au suspense haletant. La principale qualité du film, c’est de réellement se concentrer sur la spécificité de son héros, à savoir son boulot de tireur d’élite. Le scénario du film, construit comme un affrontement de jeu d’échec, fait la part belle aux scènes de shoot, dans des environnements très variés (l’Afrique, la campagne américaine, une montagne enneigée…). Visuellement, le film est magnifique et Fuqua tire parfaitement parti de ses différents décors pour provoquer un maximum de dépaysement.

Mark Wahlberg s’appuie une fois de plus sur un jeu minimaliste (ce qui ne veut pas dire inexpressif) pour incarner un personnage réfléchi et méticuleux, et fait oublier rapidement le désastreux Max Payne. Face à lui, Danny Glover est monstrueux en bad guy sans foi ni loi, un rôle auquel il ne nous avait pas habitué, et Elias Koteas est excellent en homme de main sadique.

Le film n’est bien entendu pas parfait et souffre de quelques facilités scénaristiques un peu hasardeuses (le méchant qui enlève la presque copine du héros pour le faire sortir de sa tanière, c’est un peu too much), mais au final Shooter est une excellente surprise et procure un pied monstrueux.

Note : 7/10


USA, 2007
Réalisation : Antoine Fuqua
Scénario : Jonathan Lemkin
Avec : Mark Wahlberg, Michael Pena, Danny Glover, Elias Koteas, Kate Mara, Rhona Mitra


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