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Anthologie permanente : Claude Louis-Combet

Par Florence Trocmé

Il était une fois une petite fille si belle qu’elle mourut

Où ai-je lu ou entendu cette phrase ? Je ne sais plus. Mais comme quelques autres paroles essentielles dont la source appartient à la nuit de la mémoire, celle-ci fait partie de moi-même. Peut-être suis-je loin d’en saisir toute la signification. Il en est de ces mots comme d’un mystère dont l’initiation ne cesse jamais. La vie semble trop courte et trop dispersée pour en venir à bout — et cependant c’est d’une telle pensée qu’elle reçoit sa lumière.

Chaque fois que le singulier hasard des rencontres m’a exposé à la beauté du monde, j’ai éprouvé ce qu’est celle-ci, en son fond : sa radicale fragilité, sa vulnérabilité au temps, son essentielle désolation d’être — et d’être si peu. Je suis de ceux que la beauté désespère.

Il était une fois une petite fille si belle qu’elle mourut

Le rapport qui lie indissolublement la beauté à la mort, lie, de la même façon, la mort à l’enfance. Là réside entièrement le secret du poème (ou de l’art). Toute beauté procède des mortes enfances du cœur — du point de rupture de l’unité, du déchirement de la faute, de la césure et de la faille. Toute beauté naît de la douleur d’être et porte cette douleur comme la fleur fragile de sa structure. Après seulement commencent la grammaire des formes et la logique de l’expression. Au commencement : blessures et brisure, désir du cri, retenue du cri, renoncement au cri pour une forme plus pure.

Je me disais, comme à propos d’une montagne, la beauté est au versant, là où l’amour s’est rompu et replié dans sa mémoire jusqu’au vide où le désir le retient.

Claude Louis-Combet, Le petit œuvre poétique [La mort est une enfant et Vacuoles], José Corti, 1998, p. 9 et 14.

fiche bio-bibliographique de Claude Louis-Combet

contribution de Tristan Hordé

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