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Le déni chez Sarkozy

Publié le 24 février 2011 par Juan
Le déni chez SarkozyA l'Elysée, on n'a pas apprécié la tribune d'une trentaine de diplomates contre la politique étrangère inconstante et maladroite de Nicolas Sarkozy à l'ouvre depuis mai 2007. En Libye, les massacres de civils et l'ampleur de l'insurrection en cours ont suscité, enfin, une réaction officielle ferme. Ferme mais tardive, comme souvent en Sarkofrance.
Mais le pire est ailleurs : avez-vous lu le compte rendu du conseil des ministres ?
Sarkozy est « ailleurs »
Il a fallu une intervention télévisée aux propos incendiaires du colonel Kadhafi mardi 22 février après midi pour que Nicolas Sarkozy réagisse avec force contre la répression libyenne, mercredi en conseil des ministres. « Sarkozy l'amateur », comme l'ont surnommé quelques diplomates anonymes dans une tribune au Monde qui fit grand bruit la veille, a enfin réclamé des sanctions contre la Libye.
Pour autant, son communiqué de presse reste ambivalent, affichant une fausse détermination : il ne suspend pas les relations diplomatiques avec la Libye, mais demande qu'on en « examine » la possibilité : « Je demande au Ministre des Affaires étrangères de proposer à nos partenaires de l'Union européenne l'adoption rapide de sanctions concrètes afin que tous ceux qui sont impliqués dans les violences en cours sachent qu'ils devront assumer les conséquences de leurs actes. Ces mesures concernent notamment la possibilité de les traduire en justice, l'interdiction d'accès au territoire de l'Union et la surveillance des mouvements financiers. »
Mais pour le reste, le conseil des ministres qui s'est tenu ce mercredi 22 février semblait totalement déconnecté de la réalité du moment. Le Monarque faisait semblant de ne pas voir, pour éviter de commenter. Brice Hortefeux se réjouit de la lutte aéroportée contre les trafics de drogue et présenta une « une communication sur le dialogue entre l’Etat et les collectivités territoriales ». Le conseil adopta une ordonnance sur la simplification et la clarification du droit et d'allègement des procédures en matière de transports. Christine Lagarde, de retour de Tunis où elle remplaçait Michèle Alliot-Marie, dut se féliciter de ses premiers maigres travaux avec le G20 avec un enthousiasme très « diplomatique ». Nora Bera, la secrétaire d'Etat à la Santé, avait quelque chose à dire sur le plan « maladies rares 2011-2014 », 45 millions d'euros par an sur 4 ans... quel effort !
En séance, Nicolas Sarkozy s'est permis d'ironiser sur les récentes déclarations de Dominique Strauss-Kahn à propos de la crise des salaires en France. Un ministre, anonyme, a confié à l'AFP que le candidat s'était demandé « qui s'exprimait dimanche soir sur France 2, le directeur général du FMI, Mme Sinclair ou Dominique Strauss-Kahn. Quel dommage de ne pas avoir posé la question !» On peut croire la confidence avait vocation à être répétée.  L'homme prend le temps d'être avant tout candidat, comme si les affaires étrangères, son domaine réservé, ne méritait pas une attention de chaque minute.
Ensuite, Nicolas Sarkozy n'avait rien d'autre à faire, ce mercredi, que de recevoir 18 des 20 Français sélectionnés par TF1 en janvier 2010 puis janvier 2011 pour l'émission Paroles de Français. Les photographes étaient là pour immortaliser l'occasion. La diplomatie sombre, mais Sarkozy reste coi et soigne son image de campagne.
A Nantes, le garde des Sceaux Michel Mercier était parti pour être « fraîchement » accueilli par les magistrats et personnels judiciaires locaux. « Je ne suis pas venu faire des annonces » a conclu le ministreaprès une réunion avec les fonctionnaires du Service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP). « Le ministre a pris acte du manque de moyen pointé par les rapports mais aucune avancée significative ne sera prise au niveau national pour remettre la justice française à niveau », a complété Nicolas Léger, secrétaire national de l'Union syndicale des magistrats (USM). Le candidat Sarkozy s'en fichait un peu.
Il pensait à ses jurés populaires.
Sarkozy nie
Mercredi, le conseiller spécial Henri Guaino avait été envoyé en service commandé sur les ondes pour dénoncer le « tract » anonyme d'une trentaine de diplomates contre l'amateurisme élyséen en matière étrangères. Guaino fit semblant de ne pas comprendre. La critique ne portait pas sur la mainmise élyséenne sur les affaires étrangères. C'est un privilège présidentiel depuis les débuts de la Vème République. Sont en cause l'attitude puérile et l'inconstance politique de Nicolas Sarkozy : faussement responsable, Nicolas Sarkozy adore prendre à défaut les corps intermédiaires, magistrats, policiers, ... ou diplomates. Un manager assume l'action collective, reste solidaire de ses troupes, sanctionne éventuellement mais « en famille ». Sarkozy a toujours choisi la démarche inverse. Les coupables sont les autres, la faute est toujours ailleurs. Autre critique, l'inconstance. La Françafrique, Florence Cassez, Clotilde Reiss, Tunisie, Egypte, Libye, Afghanistan, Géorgie, les otages au Niger, on ne compte plus les hésitations, les voltes-faces, les compromissions, les mensonges.
La diplomatie française est malade. On se rappelle les radotages annuels, à la fin de chaque été depuis 2007, du Monarque devant les ambassadeurs du pays. Les consignes présidentielles étaient illisibles.
En août 2007, il n'acceptait pas l'équipement nucléaire de l'Iran mais deux ans plus tard, il était prêt à en financer l'installation. Pour sa première conférence aux ambassadeurs, il critiquait l'intervention américaine en Irak alors que les révélations de Wikileaks montraient qu'il s'en félicitait auprès d'officiels américains alors qu'il était ministre de Chirac un an avant. Fin août 2008, il tentait de faire croire qu'il avait résolu la crise en Géorgie et fait reculer la Russie alors que son ami Poutine avait démantelé la République imprudente. Fin août 2009, il jouait au taurillon provocateur contre l'Iran qui avait pris la jeune Clotilde Reiss en otage. Il posait des ultimatums de régulation aux Etats-Unis contre la spéculation mondiale et, deux ans plus tard, il endosse des objectifs très modestes, sur l'exact même sujet, alors qu'il entame sa présidence française du G20.
L'un de ces diplomates contestataires s'est confié au Nouvel Obs. La charge est encore plus rude : « Les diplomates ont été très choqués par les fuites organisées par l'Elysée contre l'ambassadeur en Tunisie, Pierre Ménat.» Ou encore : « Puis il y a eu la nomination de Boris Boillon à Tunis. Nous avions appris que Michèle Alliot-Marie avait proposé le nom d'un diplomate aguerri, l'actuel ambassadeur à Tripoli, François Gouyette. Mais l'Elysée a préféré envoyer ce jeune homme impulsif et immature.» Et enfin : « surtout il y a le style désordonné, amateur, de la diplomatie sarkoziste, obsédée par les coups. Il n'y a aucune vision à long terme. » Du Brésil, l'absente Alliot-Marie a rendu hommage à ... Nicolas Sarkozy :  « Que ce soit notamment dans le cadre de l'Union européenne, à l'ONU, au G8, au G20, en Afrique, au Proche et Moyen-Orient, la politique étrangère menée par le président de la République est claire, ambitieuse, courageuse et efficace». Cet hommage semble comme le chant du cygne. En France, la ministre est en sursis. « Clairement, la question ne se pose pas », a démenti mercredi le porte-parole du gouvernement, François Baroin, après le Conseil des ministres. Vendredi, la ministre s'échappe au Koweit.
Toujours pas question d'aller se montrer en Tunisie. Ben Ali n'est plus là. Pas question de dire quelque chose sur la Libye. Patrick n'apprécierait pas.


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