Dernièrement je me suis attaché à la lecture d'un énorme pavé, la vie racontée dans ses moindres détails d'une des plus grandes stars de la pop musique du siècle dernier : John Lennon. Un artiste à la vie particulièrement mouvementée et qui a donc déjà fait à de nombreuses reprises l'objet de biographies. Celle-ci réalisée par Philip Norman et traduite en français l'année dernière se veut la plus objective, la définitive, celle qui condense toutes les précédentes. N'ayant pas lu d'autres livres sur le sujet, je ne me sens pas très bien placé pour évaluer la chose, toujours est-il que pour le novice que j'étais - et oui, je sais, c'est la honte -, il constitue un ouvrage riche d'enseignements. On peut juste regretter par moments le fait de rentrer dans des anecdotes privées d'un intérêt limité, que n'auraient sans doute pas renié le magazine Voici ou les pénibles Henri-Jean Servat et Karen Cheryl. John Lennon a en tout cas acquis au fil des années un statut d'intouchable. Et cela, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, évidemment pour son talent musical, mais qui, mise à part la période dorée des Beatles que tout le monde connaît et allant en gros de 1965 à 1969, n'a pourtant pas généré de trucs franchement exceptionnels. McCartney et lui fonctionnaient comme un binôme de compositeurs indissociables, leur carrière solo en retrait le démontre bien.
Ensuite, Lennon conserve une aura de rebelle que n'a pas son alter-ego. Un penchant que sa femme Yoko Ono a participé à développer chez lui, cassant son image proprette de gendre idéal, avant qu'il ne devienne ce révolutionnaire des beaux quartiers, prônant naïvement la paix et l'amour autour de lui. Un message qui a, aujourd'hui, quand même mal vieilli, comme son tube "Imagine".
Enfin, dernière raison évidente de son culte, son assassinat par un fan de la première heure - qui lui reprochait d'ailleurs son embourgeoisement.
Lennon vient d'une autre époque. Une époque qui se cherchait des héros, des modèles à suivre, des personnes à qui l'on pardonnait facilement tous les excès et les erreurs. Surtout quand celles-ci se mettaient comme lui, aussi facilement à nu - dans tous les sens du terme :) Pas sûr qu'il aurait aujourd'hui la même renommée, à l'heure d'internet et d'une société moderne qui cherche à tout prix à informer, sur tout et rien, quitte à dénigrer péremptoirement des stars qu'elle avait adulées la veille.
Help!
A l'époque, John lui-même ne se rendit pas compte à quel point les paroles de "Help!" venaient de son coeur : "J'ai compris plus tard, vraiment, que j'implorais de l'aide, se rappellera-t-il. Tout ce truc Beatles dépassait l'entendement. Je bâfrais et buvais comme un porc, et j'étais gras comme un porc et mécontent de moi-même et j'implorais inconsciemment de l'aide..."
Nowhere Man
"Nowhere Man" est généralement considéré comme un autoportrait exprimant la frustration et le dégoût de lui-même engendrés chez John par son exil dans la Stockbroker Belt. En réalité, il se distancie de l'homme de Nulle Part - Isn't he a bit like you and me ? - et nous laisse en compagnie d'un personnage qui aurait pu sortir tout droit de quelque dramatique télé en noir et blanc de l'époque.
Norwegian Wood
Les paroles de "Norwegian Wood" font partie des très rares textes qui peuvent aussi se lire comme de la poésie, voire de la dramaturgie. En vingt-six courts vers habilement rimés et parfaitement scandés, un décor est planté, deux personnages se mettent à exister et dialoguent...
Strawberry Fields Forever
"Quand j'ai entendu "Strawberry Fields" pour la première fois, j'ai été soufflé, se rappelle Martin. Même chantée par John seul avec sa guitare acoustique, j'ai trouvé que c'était un petit joyau. J'ai demandé : "Que voulez-vous qu'on fasse ?" Il m'a répondu : "A vous de me le dire".
A Day In The Life
"A Day In The Life", c'était la plainte facilement identifiable de quelqu'un qui ne se sent connecté à la réalité que par l'intermédiaire des journaux et des médias.
I am The Walrus
Tout comme " A Day In The Life", cet autre prétendant au titre de chef-d'oeuvre personnel trouvait son origine dans deux sources différentes et apparemment sans rapport entre elles. Un jour, à Kenwood, le son lointain d'une sirène de police ranima la colère de John à l'encontre des récentes persécutions dont avaient été victimes de bons amis à lui comme Mick et Keith ou les gens de l'International Times. A un autre moment, Peter Shotton mentionna que, pendant les cours d'anglais dans leur ancienne école, Quarry Bank High School, on faisait maintenant disséquer et analyser aux élèves de terminale les paroles de "Strawberry Fields Forever" et de "Tomorrow Never Knows" tout comme ils avaient jadis analysé eux-mêmes les poèmes de Woodsworth ou de Shelley. Il en résulta une succession d'images sans lien entre elles, à la fois fulmination contre les forces répressives de la loi et de l'ordre et raillerie envers les âmes crédules qui se penchaient sur ses mots comme s'ils étaient des écritures sacrées.
Instant Karma
Formulé selon les termes du leitmotiv hippie du moment, son avertissement n'était de toute évidence pas à prendre au pied de la lettre : "You better get yourself together / Pretty Soon you're gonna be dead". Le refrain ramenait à la campagne pour la paix et à une fraternité non violente et optimiste.
Mother
Les paroles étaient une accusation brutale envers ces deux parents dont il pensait qu'ils l'avaient si douloureusement laissé tomber, l'un en lui donnant la vie avant de l'abandonner, l'autre en s'éloignant de lui alors qu'il n'était qu'un bambin : "Mother, you had me, but I never had you..."
Imagine
Par bien des aspects, "Imagine" est une des chansons les moins inventives de John.[...] La vision qui lui vient peut aisément ne pas être prise au sérieux, parce que trop banale et saurait difficilement être qualifiée de fascinante.
Woman
"Woman" était apparemment adressé à Yoko, délicate lettre de remerciement for "showing me the meaning of success", autant que d'excuses pour avoir causé "sorrow or pain" - et qui, au final s'adresse à chacune des femmes qui l'ont fait grandir, de Julia à Mimi en passant par ses tantes : "After all, I'm forever in your debt".