Plus de deux mois après le déclenchement des révolutions arabes, Tunisie d'abord, Egypte ensuite, Libye aujourd'hui, il reste surprenant de constater l'incompréhension affichée par nos gouvernants de Sarkofrance à l'égard des critiques qui les frappent. Des différentes accusations qui s'accumulent (maladresses, désorganisation, inconstance, etc), il en est une qui porte loin, fait mal et engage l'avenir : Nicolas Sarkozy n'est pas seulement critiqué pour sa politique étrangère, mais aussi sur son comportement. Trahison des promesses, compromission avec les mauvais, imprudence des décisions, l'effondrement des dictatures tunisiennes puis égyptiennes a rappelé que le comportement même de nos dirigeants, comme hier dans les affaires Woerth/Bettencourt ou les abus de privilèges gouvernementaux (cigares, jet, etc) posait problème.
1. La trahison.
La présidence Sarkozy s'est ouverte sur une trahison. La toute première des promesses non tenues fut diplomatique. Nicolas Sarkozy s'est fait élire sur des discours répétés d'une nouvelle gouvernance des affaires étrangères, davantage fondée sur les droits de l'homme que sur les « contrats.»
Il l'a répété devant le Parlement européen le 19 novembre 2007. Quelques mois après ses premières complaisances avec certaines dictatures. Quelques semaines seulement avant la réception en grandes pompes à Paris, le 10 décembre 2007, du colonel Kadhafi. Quelques mois avant que l'on ne découvre les relations troubles de son ministre des affaires étrangères de l'époque, Bernard Kouchner, avec quelques autocrates africains à qui il venait juste de réclamer le paiement de factures de conseil impayées.
Adoptée l'été dernier, l'adaptation minimaliste de notre droit pénal à la Cour pénale internationale
protègera les criminels de guerre de toute poursuite en France.
2. L'imprudence.
Nombreux sont les Etats qui commercent avec de sales régimes. L'Italie est le premier partenaire commercial de la Libye. La Russie nous commande des navires de guerre. En Chine, les entreprises du monde se disputent les plus gros marchés du siècle. « Si nous n'y allons pas, les autres iront » s'entend-on répéter.
Pourtant, on ne commerce pas avec des dictatures comme avec d'autres pays. Chantre de la diplomatie atomique pour favoriser l'exportation de notre filière historique et rééquilibrer notre balance extérieure, Sarkozy a proposé le nucléaire à quasiment tout le monde, même les pires dirigeants. Aujourd'hui, dans la presse comme au sein du gouvernement, on entend qualifier Kadhafi de fou, après ses interventions de la semaine passée. C'est à ce même fou que la France a voulu céder une partie de son savoir-faire nucléaire.
Les dictatures sont friandes d'armement. Si ce commerce ne peut être évité, il n'en reste pas moins dangereux, il mérite précautions et contrôles. Ainsi, les Etats-Unis tiennent à bout de bras l'armée égyptienne depuis trois décennies au motif de stabiliser la région et protéger Israël. Quand la rue égyptienne s'est soulevée, l'administration américaine a précipité le départ de l'autocrate.
En France, on signe les contrats, on encaisse (mal) les chèques, mais on crie au refus de l'ingérence. La belle hypocrisie !
3. La complaisance
On ne va pas converser qu'avec des démocraties. C'est l'argument répété pour justifier les dialogues encore récents qu'entretenait la France avec les régimes Ben Ali, Moubarak ou ... Kadhafi.
On doit bien sûr entretenir des relations avec tous les pays et pas seulement les démocraties, si les intérêts d'Etat le nécessitent.
Mais inutile d'en rajouter. Inutile de célébrer, de dérouler le tapis rouge (comme pour Noursoultan Nazarbaïev, le « leader de la Nation » Kazakh). Inutile d'être le seul dirigeant occidental à publiquement féliciter Ben Ali, Bongo ou même Karzai pour leurs (ré)élections contestées. Inutile de louer les progrès démocratiques tunisiens en avril 2008 sous le regard hilare de Ben Ali. Inutile de parsemer les rues françaises de figurants (chinois), d'organiser des dîners de gala médiatiques (avec Poutine); inutile de multiplier les mots doux en public comme si nous étions des dirigeants frères (Poutine, encore; Hu Jintao, aussi; Ben Ali toujours).Vous rappelez-vous cette photo de Poutine tenant Louis Sarkozy dans ses bras un jour d'août 2008 ? Inutile de plier notre protocole républicain comme si la République s'effaçait quand un dictateur nous rend visite.
Entre partenaires responsables, on devrait pouvoir se parler.
4. La compromission.
A chaque scandale diplomatique, le clan Sarkozy s'abrite derrière les nécessités diplomatiques pour justifier d'éventuelles collusions personnelles. Pourtant, souvent, là n'est pas la question : on doit s'abstenir de relations personnelles avec des hauts responsables politiques ou économiques des dictatures. Quand on est personnage public et de surcroît représentant de la nation, on évite les cadeaux, voyages ou intérêts économiques.
Le couple Ollier/MAM ne comprend ainsi pas qu'on lui reproche son périple tunisien. C'est pourtant assez simple. En cas d'ignorance sur d'éventuelles sales coulisses parmi ses relations étrangères (sait-on jamais ?), on reconnaît rapidement la méprise, et on prend ses distances avec l'ami peu fréquentable. Aziz Miled, ce grand ami tunisien de la famille Alliot-Marie, est au centre d'une nouvelle polémique. Sa compagnie est accusée d'avoir transporté des mercenaires en Libye pour le compte de la répression Kadhafi. Croyez vous que MAM se désolidariserait ?