Une curieuse cathédrale « de briques et de broc »
Si vous êtes en pérégrination à Madrid, un crochet par une localité espagnole à 18 km de là s’impose : Mejorada del Campo vaut le détour rien que pour son incroyable cathédrale contemporaine. Arrivé dans la ville, pas d’indication pour situer l’étrange monument mais n’importe quel habitant pourra vous renseigner, et l’architecture est tellement unique qu’on ne peut s’y tromper…
A l’angle de la rue, une enfilade de marches jaunes conduit au surprenant petit palais. D’un style tout à fait singulier, la Catedral de Nuestra Señora del Pilar rappelle à la fois la créativité de Gaudi (la rue porte d’ailleurs le nom du célèbre architecte) et la détermination du Facteur Cheval pour cette œuvre de toute une vie. L’œil est d’abord attiré par les couleurs et par la silhouette de cet édifice totalement hétéroclite. Du rouge brique pour les tours, du bleu vif pour les grilles de métal… Une certaine grâce se dégage de cet amalgame de matériaux récupérés et ingénieusement recyclés en éléments de décors. Doté d’une crypte et d’un cloître, le chef-d’œuvre comprend aussi un patio à colonnes et une vaste nef, éclairée par une immense coupole culminant à plus de 25 m. Entre les échafaudages, on se demande comment le maître des lieux, Don Justo Gallego Martinez, a pu édifier un tel ouvrage, seul, sans formation dans le bâtiment. Dans la nef, un support cartonné, bricolé dans l’esprit du lieu, nous informe sur cet homme. Atteint de tuberculose, il ne peut poursuivre une vie monastique mais inspiré d’une foi profonde, il revient au village pour élever en 1964 un temple à la gloire de Dieu, sur un terrain familial. Aujourd’hui âgé d’environ 85 ans, l’architecte autodidacte est assisté d’un ouvrier qui continue la construction au gré de la charité des passants.
Original et grandiose, certes, mais le site, visitable par accord tacite du propriétaire, reste avant tout un chantier qui n’est pas aux normes de sécurité. Il convient donc de faire attention où l’on met les pieds : une pancarte annonce clairement que le visiteur est seul responsable en cas d’accident.
Le destin incertain d’un site en construction
Si l’édifice est abouti du vivant de Don Justo Gallego, celui-ci souhaite en faire don à l’Eglise Catholique. Pas si simple pour l’évêché de son Diocèse : sans permis de construire, le cadeau est plutôt embarrassant et hors de question pour l’Eglise d’investir de l’argent pour une remise aux normes… De son côté, la municipalité ne peut se résoudre à démolir la cathédrale malgré le danger qu’elle représente, ce serait comme détruire un symbole autour duquel l’identité de la commune s’est formée. Le Ministère de la Culture a donc été sollicité pour sauvegarder ce patrimoine touristique en assurant la sécurité des visiteurs. En attendant un compromis, l’engouement international pour la cathédrale n’a pas échappé aux promoteurs publicitaires qui ont utilisé son image pour venter les mérites d’une célèbre marque de boisson.
Attrait touristique, curiosité architecturale ou futur élément de patrimoine ? La reconnaissance officielle de ce monument par les instances culturelles pourrait-elle aboutir à son classement historique à l’image du Palais idéal du Facteur Cheval, son « homologue » français ?
Le + :
- une visite mémorable dans une architecture hors du temps, élevée par un seul homme.
Les - :
- -un avenir incertain pour cet édifice, sans permis de construire.
- sur ce terrain en chantier, seul le visiteur est responsable en cas d’accident.
Plus de photos: Galerie Picasa
Plus d’infos:
http://www.ina.fr/video/CPC97000317/espagne-la-cathedrale-du-juste.fr.html
http://www.olivier-larizza.com/pdf/reportage_cathedrale.pdf
Infos pratiques:
Catedral de Nuestra Señora del Pilar, c/ Antonio Gaudí, 10 (à l’angle de la rue), Mejorada del Campo.
Accès par l’autoroute R3, sortie 12. Possibilité de prendre un bus depuis Madrid.
Par S. D.