Je me suis toujours demandé à quoi ressemblait la cérémonie des Oscars. Ce que faisait la grande communauté du cinéma américain chaque année en ce dernier week-end de février (ça n’a pas toujours été à cette période-là) pendant que moi, bien calé sous ma couette hivernale, j’enlaçais traditionnellement Morphée et ses doux bras. Eh non, malgré mon addiction au cinéma, je ne m’étais jamais penché en live sur les Oscars… la faute à une diffusion nocturne dans la nuit du dimanche au lundi sur une chaîne cryptée que je n’ai jamais possédée.
Chaque année, je regardais nos Oscars à nous, les Césars, et chaque année j’entendais et lisais ici et là que la cérémonie française était les Oscars du pauvre, le cérémonial sans le show à l’américaine, les récompenses dans une ambiance engoncée. J’en étais sûr depuis toujours, les Oscars, ça devait être autre chose que les Césars. Plus punchy, plus drôle, plus fou.Vendredi soir j’étais bien sûr attiré par la même curiosité annuelle par les Césars. Charmé sans être conquis par le numéro d’Antoine de Caunes en maître de cérémonie. Amusé par les sketches parcourant la soirée. Énervé par la victoire d’Anne Alvaro et son César de la Meilleure Actrice dans un second rôle. Déçu par la défaite de Raphaël Personnaz, mais consolé par un beau discours d’Edgar Ramirez. Surpris par la Meilleure Actrice Sara Forestier. Parieur sur la robe débordée de Leïla Bekhti (eh non, aucun sein ne s’est dévoilé !). Heureux pour la reconnaissance du Polanski.
Mais ce week-end, j’avais déjà la tête aux Oscars. Car cette année, j’allais voir pour la première fois la cérémonie Hollywoodienne, en direct live sur Canal+, du long tapis rouge étoilé aux alentours de minuit à l’Oscar du Meilleur Film aux premières lueurs du jour (même si à cette époque de l’année, à 6 heures du mat’, il fait encore nuit !).Alors c’est quoi, les Oscars ? Du moins, les Oscars 2011, puisque je n’ai pas de point de comparaison et que je ne m’avancerai pas à généraliser à partir d’une unique cérémonie… C’est déjà deux heures et demie de tapis rouge. Deux heures et trente minutes à regarder les stars faire leur arrivée, trouver leur chemin jusqu’à l’entrée du Kodak Theater de Los Angeles, serrant des mains, claquant des bises, posant devant les appareils, et répondant aux questions des journalistes entourant le fameux tapis.
Je passerai sur les vents pris sur le tapis rouge par Didier Allouch, un des rares journalistes ciné sachant faire son boulot à la télé, même si aux Oscars, ça ne se voit pas, et sur Laurent Weil (lui par contre…) et ses deux invités Gilles Lellouche et Jean-Paul Rouve. Ce qui m’intéressait, c’est ce qui allait se passer à l’intérieur du Kodak à l’instant où James Franco et Anne Hathaway allaient pénétrer sur la scène pour présenter la cérémonie.
Une partie de l’excitation qu’il y avait à découvrir ces Oscars 2011 tenait justement dans ce duo de présentateurs inédit. Franco et Hathaway succédaient à une tradition de professionnels du rire (Steve Martin & Alec Baldwin, Jon Stewart, Billy Crystal, Chris Rock…) ou à des showmen nés (Hugh Jackman), ce qui constituait donc un choix étonnant.Franco, qui s’est révélé ces dernières années un touche-à-tout fascinant, acteur intense chez Gus Van Sant, comique chez David Gordon Green, apprenti cinéaste à la fac, écrivain en herbe, artiste exposé, et même acteur de soap, pouvait être LA star de la soirée.
Or s’il y a bien une chose à retenir du déroulement de ces Oscars 2011, c’est à quel point l’acteur s’est révélé un piètre host. Rigide, détaché, sans une once de bagou ou d’étincelle, Franco a traversé la soirée tel un fantôme, incapable d’insuffler le moindre rythme, le moindre humour, la moindre présence sur scène. A ses côtés, Anna Hathaway s’est débattue comme elle a pu, certainement consciente que son partenaire d’un soir passait complètement à côté de son rôle, mais elle n’a pu sauver à elle seule les meubles. Waouh. Après cela, plus personne ne pourra critiquer la présentation des Césars en comparant la chose avec le show à l’américaine des Oscars, sous peine de se voir rétorquer « Enfin bon, ce n’était pas pire que les Oscars 2011 présentés par James Franco ». Nullissime le Jimmy. A le voir s'amuser avec son iPhone sur scène, c'était à se demander s’il ne l’a pas fait exprès. Les américains y réfléchiront à deux fois avant de critiquer la verve méchamment drôle de Ricky Gervais, autrement plus enthousiasmante aux Golden Globes…
Du coup, il faut bien l’avouer, cette molle présentation a bien plombé la soirée. Il aura fallu s’en remettre à une apparition scénique de Billy Crystal, à un classique sketch d’insertion des présentateurs dans les films nommés (même en France on sait le faire, ça), ou à un beau montage vidéo annonçant les dix films en compétition pour l’Oscar du Meilleur Film, pour prendre du plaisir à regarder la cérémonie. C’est assez maigre. Finalement, LE moment inoubliable de la soirée, celui qui permet de dégager un véritable élan classe à cette 83ème cérémonie de remise des Oscars, c’est l’intervention sur scène de Kirk Douglas, qui du haut de ses 94 printemps s’est révélé plus drôle, vivant et inattendu que Franco et Hathaway réunis. Il a beau avoir du mal à articuler et un physique à faire peur les enfants derrière lequel on a du mal à discerner l’homme qu’il a été, Kirk Douglas était bien le plus grand au Kodak Theater.
Autour de lui, les prix se sont succédé, tous attendus, sans surprise sinon peut-être l’Oscar du Meilleur Réalisateur, inexplicablement remis à Tom Hooper pour le trop lisse Discours d’un Roi lorsqu’il eût été plus méritant de le donner à David Fincher pour son époustouflant The Social Network ou à Darren Aronofsky pour l’électrisant Black Swan. Ah oui, et remettre deux Oscars pour Alice au Pays des Merveilles, furent-ils techniques, était bien inutile. C’était cela, les Oscars 2011, le glamour gâché par l’ennui… Je reviendrai sans doute puisque James Franco ne reviendra pas, lui, c’est sûr.