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Même pas peur !

Publié le 02 mars 2011 par Marc Lenot

muniz-e-pottier.1299018815.jpgOn s’attendrait à ressortir de l’exposition ‘Tous cannibales‘ à la Maison Rouge (jusqu’au 15 mai) effrayé, traumatisé, tremblant, mais en fait on y rit beaucoup, on s’y étonne parfois, mais on ne s’y évanouit jamais. C’est une exposition bien faite, savante, mais trop sage (et incomplète) : il y aurait eu là quelques activistes viennois, un peu de barbaque et de sang, ça aurait eu une autre gueule. Ici les plus sauvages sont les Sauvages justement, cannibales brésiliens (mais trop peu de choses sur leur descendants au XXème siècle du Manifeste anthropophage) et les monstres de Goya, aussi quand les Chapman ou Morimura ou Vik Muniz (”Saturne dévorant son fils”, 2005, photographie de détritus récupérés dans les favelas, nouvelle dévoration) les réinterprètent.

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Mais les gentillesses de peintres comme Will Cotton, Norbert Bisky ou, pire,  les très populaires Oda Jaune et Dana Schutz, proposent une vision bien édulcorée du cannibalisme. Les sculptures sont, elles, souvent un peu trop évidentes, au premier degré, que ce soient les spaghettis de Thierry Mercier, la peau humaine de Renato Garza Carvera, le monstre dansant de Melissa Ichiuji ou le morbide corps acéphale obèse de John Isaacs (”Fat Man - The Matrix of Amnesia”, 1998) où tout est prévu pour faire de l’effet. Mais il y a quelques pièces qui échappent à ces écueils, évidence d’un côté
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et mièvrerie de l’autre, et d’abord le splendide face à face entre la femme couverte de viande séchée de Jana Sterbak (”Vanitas : robe de chair pour albinos anorexique”, 1987) et les entrailles s’échappant du mur de céramique blanche de Adriana Varejão (”Azulejaria branca em carne viva”, 2002) : opposition entre humain morbide et inerte vivant, entre sec et humide, entre interne et externe, couvert et crevé, entre froideur luthérienne et orgie tropicale, c’est un des plus beaux endroits de l’exposition, avec la salle Goya.

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Et puis on revoit avec émotion Michel Journiac et son sacrifice “Messe pour un corps” : c’est autrement chargé de sens qu’une photographie sanglante de Bettina Rheims ou que le sol de mortadelle de Wim Delvoye…

On se console avec le catalogue, numéro spécial d’Art press, qui croise avec intelligence les perspectives freudiennes, japonaises, maternelles et brésiliennes (avec un rêve de Spinoza). 

Photos 1 (recadrée) et 2 par Etienne Pottier, courtoisie de la Maison Rouge; photo 3 de l’auteur. Muniz et Journiac étant représentés par l’ADAGP, les photos de leurs oeuvres seront ôtées du blog à la fin de l’exposition.


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