On dit que lorsque le charismatique Ian Curtis a décidé de mettre fin à ses jours, The Idiot d’Iggy Pop était dans la platine. On dit aussi que le titre de cet album est une référence à un roman de Dostoïevski. Loin du jusqu’au-boutisme qui caractérisait les albums des Stooges, son groupe, ce premier album de l’Iguane composé étroitement avec David Bowie, témoigne d’une recherche sonore plus aboutie. Entre Krautrock et New Wave, The Idiot flirte avec la moiteur des clubs et le froid de l’industrie urbaine tant bien que mal réchauffé par la voix suave d’Iggy.
L’histoire dit beaucoup de choses sur Iggy Pop. Surnommé parfois le Parrain du Punk, ses
prestations scéniques et sa désinvolture témoignent du bien fondé de l’appellation. Alors que les affaires n’étaient pas au beau fixe, David Bowie l’invite à Berlin. Alors en pleine gloire, l’anglais y enregistre trois albums que le public ne retient pas toujours. Cette « trilogie berlinoise » est bien présente dans ce premier album solo d’Iggy Pop. Elle se traduit autant par la présence vocale de Bowie sur plusieurs titres que par son nom figurant dans les crédits de l’album (ce qui permettra à Iggy Pop de se renflouer). Pour l’anecdote, Bowie sample certains passages dans ses propres albums. La fameuse China Girl est aussi à l’origine issu de The Idiot.C’est donc d’un rock clinique, teinté de rock progressif allemand (le Krautrock) et de l’esprit punk de Pop dont il s’agit ici. Cet esprit ne se traduit pas tant par les saturations des guitares que par les arrangements, entre expérimentations et cabaret. Les effets appliqués à la batterie et à la voix donnent une teinte froide à l’ensemble que Mass Production parachève. Cette patte sonore se ressent notamment dans l’album Closer de Joy Division que j’évoquais (dont Ian Curtis était le chanteur).
Le temps de huit chansons, on se prend à rêver de villes en reconstruction. De pubs lugubres au coin des rues, du temps où ils étaient encore enfumés. Mais on ne voit pas la façade. Surement pas. On entre jusqu’au fond de la salle, on descend les escaliers jusqu’aux chiottes et on s’amuse à lire la littérature qui en garnit les murs. On se ballade dans Camden Town, on prend le métro la nuit.
Les voyants ne sont pas au rouge, comme dans Raw Power (originellement mixé par David Bowie). La force suggestive de The Idiot rend la violence sonore superflue. C’est sans compter les vraies paroles. Les voix si différentes mais complémentaires de Bowie et Pop qui réchauffent la sauce et y rajoutent des épices. Comme si, même lorsqu’il gèle et que les rues sont défoncées par des travaux improbables, il suffit de fermer les volets et de s’affaler sur le sofa un Black Bush a la main (bon, il parait que ce n’était pas ça dans le saladier).
Et puis, de toute façon, je suis fan…All aboard for fun time.
Les Murmures.