Little Deaths
Résumé : Trois histoires horrifiques dans lesquelles le sexe et la mort sont intrinsèquement liées…
Petit film indépendant britannique, Little Deaths est né de l’envie des trois réalisateurs de réaliser un film à sketches ensemble. Point commun de ces trois histoires sans aucun lien entre elles : elles ont toutes comme thème central le sexe et la mort. Première histoire du lot, Home and House de Sean Hogan est le plus faible des trois segments, surtout à cause de son manque d’originalité. Ce premier film met en scène un couple de trentenaires qui s’amusent à attirer chez eux des jeunes femmes SDF pour les utiliser ensuite dans des jeux SM pervers. Bien évidemment, leur dernière victime s’avérera moins docile que prévu et le jeu se retournera assez vite contre eux. Rien de bien nouveau dans cette histoire ultra-rebattue et prévisible, et surtout assez sage (en guise de perversion, le mari saute juste la jeune femme prise au piège avant de lui pisser dessus, on a vu plus dérangeant) sauvée de justesse par un final assez sanglant mais délivrant un message assez idiot sur la population SDF.
Mutant Tool d’Andrew Parkinson est déjà plus original à première vue, puisqu’il s’intéresse aux expérimentations déviantes d’un médecin recueillant le sperme d’un homme au sexe démesuré enchaîné dans sa cave pour en faire des pilules de drogue ouvrant le troisième œil des consommateurs ! L’héroïne, une ancienne prostituée tentant de combattre son addiction à la coke, fera les frais du traitement plus qu’expérimental du fameux docteur. Intriguant au premier abord, Mutant Tool se vautre malheureusement dans une intrigue bourrée d’incohérences et de trous, ainsi que dans un final une fois de plus très prévisible, qui se voudrait provoquant mais qui est juste ridicule. Parkinson devrait apprendre qu’il ne suffit pas de montrer un homme enchaîné avec un sexe géant pour provoquer le malaise.
Dernière histoire, Bitch de Simon Rumley vient heureusement rattraper les deux premiers segments en n’utilisant aucun argument fantastique. Ce dernier court est une tragique histoire d’amour dans laquelle un jeune homme se laisse entraîner dans une relation SM malsaine avec sa copine qui prend un malin plaisir à l’humilier. La force de cette histoire, c’est qu’elle représente une horreur réelle et crédible, et qu’elle est portée par deux excellents jeunes acteurs (Kaite Braithwaite et Tom Sawyer). La montée du suspense psychologique est implacable et on s’attache immédiatement au pauvre Pete, malmené par sa petite amie qui semble vouloir seulement l’utiliser pour se décharger de sa frustration et de ses peurs intérieures. Le final, à la fois magnifique (très belle utilisation de la musique) et tragique (on ressent pleinement la souffrance des personnages) vient clôturer en beauté cette histoire d’amour à sens unique.
Home and House : 5/10
Mutant Tool : 4/10
Bitch : 8/10
Note Globale : 6/10
Royaume-Uni, 2011
Réalisation: Sean Hogan (Home and House), Andrew Parkinson (Mutant Tool), Simon Rumley (Bitch)
Scénario: Sean Hogan (Home and House), Andrew Parkinson (Mutant Tool), Simon Rumley (Bitch)
Avec: Luke de Lacey, Siubhan Harrison, Holly Lucas (Home and House), Christopher Fairbanks, Amy Joyce Hastings, Daniel Brocklebank, Brendan Gregory (Mutant Tool), Kaite Braithwaite, Tom Sawyer (Bitch)
J’ai rencontré le Diable (I saw the Devil)
Résumé : Lorsque sa fiancée est assassinée de manière atroce par un tueur en série sadique (Choi Min-sik), Kim Soo-hyeon (Lee Byung-hun) décide de tout mettre en œuvre pour retrouver le responsable et lui faire payer. Une quête de vengeance qui ne tardera pas à devenir un affrontement sauvage entre les deux hommes…
Nouveau film de l’excellent Kim Ji-Woon (A Bittersweet Life, Le Bon, la Brute et le Cinglé), I saw the Devil se traine une réputation à la fois sulfureuse et flatteuse. Amputé de cinq minutes pour pouvoir être distribué dans son pays d’origine, la Corée, le nouveau film du réalisateur de Deux Sœurs est en effet loin de faire dans la demi-mesure. Dès la scène d’ouverture, sommet d’horreur et de cruauté (très peu de détails du sort peu enviable de la pauvre fiancée du héros nous serons épargnés), I saw the Devil pose une atmosphère pesante et fait pencher la balance du côté de la quête vengeresse du héros.
Mais Kim Ji-Woon va assez rapidement s’éloigner de cette atmosphère sombre et glauque pour effectuer un virage surprenant du côté de l’humour. Certes, le film est toujours assez dur et glauque, mais il comporte aussi de nombreux passages comiques, notamment dans la façon dont le héros exerce sa vengeance sur le tueur (il le capture, lui tape dessus, le relâche, attend qu’il ait trouvé une nouvelle proie, l’empêche d’assouvir son besoin de tuer, et recommence à le frapper). Une orientation étonnante qui amoindrit toutefois quelque peu l’impact du film, d’autant que le réalisateur tombe parfois un peu trop dans le gore outrancier. Les débauches de sang en arrivent presque à annihiler tout l’intérêt du film, surtout que certaines idées scénaristiques sont vraiment over the top (en sortant du film, on a presque l’impression que tous les Coréens sont des psychopathes). Le film est aussi légèrement trop long, et aurait certainement bénéficié d’être un peu resserré pour gagner en efficacité.
Cependant, I saw the Devil est loin d’être un mauvais film. D’abord parce qu’il propose un face à face intense entre deux des meilleurs acteurs coréens actuels. Si Lee Byung-hun (A Bittersweet Life) laisse transparaitre peu d’émotions, renforçant ainsi l’aspect mécanique de la vengeance de son personnage, Choi Min-sik (Old Boy) est tout simplement génial en tueur en série sadique, à la fois hilarant lorsqu’il tente de se dépêtrer du guêpier dans lequel il s’est fourré, et terrifiant lorsque la bête en lui reprend le dessus. Le film comporte ainsi quelques scènes d’une maîtrise impressionnante, comme l’affrontement dans l’auberge abritant un couple cannibale, ou la très tendue scène du viol de l’infirmière. La demi-heure finale est quant à elle un vrai grand-huit émotionnel avec un suspense intense et une issue à la fois cathartique mais aussi d’une grande noirceur.
Si I saw the Devil n’est pas le chef d’œuvre dérangeant auquel on pouvait s’attendre, il reste tout de même un solide thriller qui devrait sans peine contenter les fans du cinéma made in Korea.
Note : 7/10
Corée, 2010
Réalisation : Kim Ji-Woon
Scénario : Park Hoon-jung
Avec : Lee Byung-hun, Choi Min-sik, Oh San-ha, Kim Yoon-seo
Machete Maidens Unleashed !
Résumé: Un hilarant voyage dans le cinéma d’exploitation philippin des années 60 et 70, lorsque le pays était un paradis pour les producteurs américains désireux de réaliser des films de genre pour pas trop cher.
Nouveau film de Mark Hartley, déjà réalisateur du plébiscité Not Quite Hollywood : The Untold Story of Ozploitation, Machete Maidens Unleashed ! s’intéresse une fois de plus au cinéma de genre, cette fois en provenance des Philippines. Le pays possédait en effet dans les années 60 et 70 une industrie cinématographique extrêmement dynamique, notamment grâce aux nombreuses séries B que les petits studios américains venaient tourner pour abreuver les drive-in du pays. Interviewant de nombreux acteurs, réalisateurs et producteurs ayant contribué à ce dynamisme, Hartley produit une bande aussi vitaminée et drôle qu’informative. Rythmé par des extraits de films et des interventions de personnalités telles que Sid Haig, Pam Grier, Joe Dante, John Landis ou Roger Corman, le film retrace l’historique de la « filipinosploitation », par grandes époques thématiques (les films de monstres, de women in prison, les films révolutionnaires…). Sans se voiler la face sur la qualité toute relative des films présentés mais sans jamais être condescendant non plus, Hartley montre une vraie passion pour son sujet, le couvrant sous toutes les coutures. Il étudie notamment avec pertinence la place des femmes dans ces films, à la fois exploitées pour leur physique (les plans de seins dénudés étaient obligatoires) mais aussi ayant l’opportunité d’accéder à des premiers rôles, et ce quel que soit leur couleur de peau. Il n’occulte pas non plus le climat politique de l’époque, avec la dictature en place dans le pays, et souligne la façon dont ces bandes d’exploitation ont permis à certains réalisateurs locaux de faire passer des messages subversifs sans craindre la censure.
Bref, en plus d’être hilarant et dynamique, Machete Maidens Unleashed ! est un documentaire passionnant, intelligent et informatif. Tout ce qu’on demande à un bon documentaire !
Note : 8/10
USA, 2010
Réalisation : Mark Hartley
Scénario : Mark Hartley
Rubber
Résumé: La sanglante équipée de Robert, un pneu doué d’une conscience et capable de tuer par la pensée.
Troisième réalisation de Quentin Dupieux après Non Film et Steak, Rubber est un film des plus singuliers. D’abord par son héros, un pneu de voiture doté d’une conscience, et ensuite par son traitement. Car dans Rubber, il y a des spectateurs qui regardent l’histoire et commentent celle-ci. Plus étonnant encore, certains des personnages sont conscients de cette présence et viennent parler au public avant le film, voire même essaient de les éliminer pour ne plus avoir à jouer dans celui-ci. Bref, au-delà de son argument de mauvaise série Z, Rubber est une réflexion sur le cinéma, et plus particulièrement sur les clichés du cinéma horrifique. On passe donc régulièrement du rire à la perplexité, mais si on se laisse prendre au jeu, il faut avouer que le film de Dupieux est assez ludique. Parce que même si le scénariste et réalisateur aborde son sujet de façon étrange, il n’en oublie pas son public. Le film n’est pas une bande horrifique effrayante (malgré le nombre important de têtes explosées), mais comporte nombre de passages comiques qui font mouche, comme la scène où le personnage de Stephen Spinella tente d’expliquer à ses collègues que les spectateurs sont morts et qu’ils peuvent donc arrêter de faire semblant, ou encore lorsque l’un des spectateurs se plaint de la stupidité du plan de la police pour éliminer le pneu tueur.
Si le fond ne plaira pas à tout le monde, par contre impossible de trouver à redire sur la forme, tant Rubber est impressionnant visuellement. Armé d’un simple appareil photo, Dupieux emballe un film d’une tenue visuelle rare qui montre qu’avec peu de moyens techniques ou financiers, il est tout à fait possible de filmer des images de toute beauté. Et avec les trucages les plus rudimentaires, il parvient sans effort apparent à nous faire croire qu’un bout de caoutchouc peut être doué d’une conscience et avoir un caractère bien à lui. La scène de la naissance de Robert est probablement une des plus audacieuses et émouvantes scènes projetées sur un écran de cinéma l’an dernier. Un pur moment de poésie cinématographique.
Rubber décontenancera certainement plus d’un spectateur, mais rien que pour sa maîtrise technique et narrative, il mérite d’être découvert.
Note : 7/10
France, USA, 2010
Réalisation : Quentin Dupieux
Scénario : Quentin Dupieux
Avec : Stephen Spinella, Jack Plotnick, Wings Hauser, Roxane Mesquida