Il y a aussi les entre-mots, les interlignes. Tous les espaces ouvertes vides. Sauts de plume. Acte qui consisterait à faire jaillir les blancs du papier. Dire pour trahir la faculté infinie qui continuera de dire l'oubli. Et de cela il serait temps de prendre conscience malgré la Science qui nous incitant à honorer la Mémoire se fait ennemie de l'Oubli.
De l'Oubli, mais surtout des immenses stances de danse auxquelles il nous convie.
Vrac de tout ce qui m'obsède. Vrac et effluves et effervescences. À quel moment la flamme se fait-elle mot ? Et à quel degré le mot "flamme" perd-il de sa transe ? Vrac de toutes les flèches qui en permanence me traversent et fuient, se diluent immédiatement en amnésie
Rien cependant ne m'expliquera les carnets de notes fourrés dans une poche du sac et tenus par un élastique ou enveloppés dans un fourreau de plastique et sortis n'importe où au hasard des étapes. Ni leurs pages datées, situées. Ni leurs embardées et traversées de demi-phrases, de phrases sans verbe, de mots plantés, isolés, tronqués. Et tachées de vins, de fièvres, de jus d'ananas, de moustiques écrasés. De doigts maculés. Illisibles grouillées de rues marchandes tamisées et aussi de temples quartiers mal famés trafics de foules... cahiers à jamais refermés comme pour n'être jamais visités.
Rien de m'expliquera le sens des mots qui s'accrochent aux escales.
Et de ces mots qui prennent parfois en plein sommeil. Mots qui réveillent. Mots d'urgence griffonnés de biais, les yeux plombés, avant de replonger.... et dans l'embrume d'une vois dont on surait qu déjà elle aurait été ravalée la seconde qui suit [...]
Théo Lésoualc'h, in Lésoualch'h, clandestin de nulle part et simultanément, éditions mai hors saison, 2010, pp 116, 117 et 118
