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Clichés – Beyrouth 1990 (Ricard & Ricard & Gaultier)

Par Mo
Clichés - Beyrouth 1990

Ricard - Ricard - Gaultier © Les Humanoïdes Associés - 2004

Retour en 1990, au moment où Sylvain et Bruno Ricard partent au Liban. Leur voyage se déroule du 2 au 21 septembre 1990, ils rejoignent leur tante (sœur Thérèse, bénévole à la Croix-Rouge) à Beyrouth. Ils en profitent pour amener du matériel pour la mission humanitaire et espèrent pouvoir profiter de ces quelques semaines à l’étranger pour apporter leur aide aux équipes en place puisqu’ils ont tous les deux le Brevet de Secouriste en poche.

Voici deux frères qui partent assez ignorants (religion, régime politique, etc) et bourrés de représentations sur le Liban et la guerre (représentations influencées par les images que le JT de 20 heures diffuse)… c’est du moins l’impression qu’ils m’ont donnée.

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Un album qui se découpe en 5 chapitres (un sur le départ/trajet puis un chapitre par semaine passée là-bas). Un épilogue se consacre au jour du retour en France et aux événements qui ont suivis (événements relatés essentiellement dans des correspondances adressées à Sylvain et Bruno). L’écriture de ce témoignage est très libre et nous permet, dès les premières planches, de ressentir la curiosité et la grande excitation provoquée par ce projet. Les frères Ricard donnent l’impression de partir en colonie de vacances et de faire partie de la famille. Pourtant, voici un ouvrage de 150 pages dont je ne serais certainement pas venu à bout (plus de 6 jours de lecture, pas plus de 10 pages à la fois, concentration impossible…) si je n’avais ressenti cette obligation de le lire dans son intégralité, par respect envers les témoignages qu’il contient.

Clichés – Beyrouth 1990 (Ricard & Ricard & Gaultier)

Je trouve les dessins de Christophe Gaultier assez désagréables. Des jeux de hachures permanents, des dessins que je trouve bâclés, voire gribouillés. C’est laid. On oscille entre des cases très détaillées et d’autres quasiment inachevées, le rendu des expressions des personnages est limite. J’ai moins de griefs à l’égard des décors et paysages. Enfin, la découpe des planches est redondante et crée une réelle lassitude dans la lecture. En apparence donc, une ambiance graphique qui a contribué à ce que je reste extérieure au récit.

Je suis très partagée sur le scénario et la manière dont il nous est livré. Nous oscillons entre trois styles d’écrits :

  • une narration posée, sereine, fouillant et complétant les informations recueillies grâce aux dialogues,
  • des dialogues saccadés : 1/ très ironiques (parfois puériles) quand ils s’agit des échanges entre les deux frères, leurs propos sont en décalage avec le contexte dans lequel ils se trouvent ; 2/ plus posés quand ils concernent les échanges entre la fratrie et les personnages secondaires,
  • des textes écrits (longtemps après les faits je pense) qui concluent chaque chapitre. Ces propos apportent un regard posé sur cette expérience de voyage, on voit le bénéfice de la prise de recul sur les événements. L’écriture y est élaborée, fine, juste… bien plus intéressante (enrichissante) que celle des phylactères, voire de la narration mais dans un moindre degré.

Un ouvrage qui est à ranger du côté des Carnets de voyage. C’est l’occasion de visiter (rapidement) quelques villes libanaises (Beyrouth, Saïda, Tripoli…), de prendre conscience des conséquences de la guerre dans la quotidienneté des libanais et d’entendre leurs opinions sur la situation. Ce recueil aborde les faits de manière chronologique. Jour par jour, il relate une succession d’événements, des anecdotes, des amitiés, des débats et des fous-rires. Les témoignages se font à cœur ouvert, les gens parlent de leurs peurs, de leur abattement et de la difficulté à supporter le conflit. Cette partie-là du récit est convaincante. En revanche,  le bât blesse du côté de l’attitude de Bruno et Sylvain, leurs propos n’apportent pas de réelle valeur ajoutée à l’album. Ce dernier est certainement l’occasion, pour eux et leurs proches, d’immortaliser quelques uns de leurs délires leurs rencontres ou leur état d’esprit pendant ce séjour. De plus, pour atténuer certains moments d’agacement dus à leurs attitudes, j’ai voulu relativiser en me disant que tout Occidental habitué à vivre dans un climat serein aurait aussi tendance à recourir à l’humour et à la dérision/autodérision pour parvenir à atténuer la tension/pression inhérente à un tel séjour ??? Bon… cela n’a pas été opérant… Tous leurs propos ne sont pas à mettre dans le même sac, certains nous percutent réellement.

Clichés – Beyrouth 1990 (Ricard & Ricard & Gaultier)

Au vu du devoir de mémoire qui semblent animer Sylvain et Bruno Ricard, je ne comprends pas pourquoi ils ont attendus 14 années pour publier ces notes !! Sylvain Ricard revient sur cette démarche de publication dans une interview mise en ligne sur le site Le Tour du Liban.net (voici le lien de l’interview).

Pas de pouce pour cette fois-ci, je suis trop partagée. Un album à plusieurs degrés de lecture :  le témoignage historique d’un côté et le travail d’écriture personnel de l’autre. Je trouve que les deux ne font pas bon ménage, rien n’est à sa place. La forme du récit n’est (pour moi) pas pertinente, mais les témoignages et les lettres qu’il contient méritent réellement de trouver des lecteurs.

Un album récompensé par le Prix de la bande dessinée citoyenne au Festival BD Boum de Blois.

Les chroniques en ligne : BD Paradisio et David.

Extraits :

« Vous êtes mieux ici qu’à Beyrouth ou Saïda, tu sais. Les gens sont las. La guerre est plus lourde ces temps-ci. Mais vous êtes là pour nous prouver que le monde ne nous oublie pas tout à fait ! » (Clichés – Beyrouth 1990).

« A Beyrouth comme à Saïda, les photos font peur. Peut d’être espionnés, dénoncés, enlevés. Tués peut-être » (Clichés – Beyrouth 1990).

« Ça sera passé vite. Et qu’est-ce qu’on aura fait au final ? Presque rien. Au moins, on aura appris des trucs » (Clichés – Beyrouth 1990).

Clichés – Beyrouth 1990 (Ricard & Ricard & Gaultier)

Clichés – Beyrouth 1990

Challenge Carnet de Voyage
Clichés – Beyrouth 1990 (Ricard & Ricard & Gaultier)
One Shot

Éditeur : Les Humanoïdes Associés

Collection : Tohu-Bohu

Dessinateur : Christophe GAULTIER

Scénaristes : Sylvain RICARD & Bruno RICARD

Dépôt légal : octobre 2004

Bulles bulles bulles…

Clichés – Beyrouth 1990 (Ricard & Ricard & Gaultier)
Clichés, Beyrouth 1990 – Ricard – Ricard – Gaultier © Les Humanoïdes Associés – 2004
Clichés – Beyrouth 1990 (Ricard & Ricard & Gaultier)
Clichés, Beyrouth 1990 – Ricard – Ricard – Gaultier © Les Humanoïdes Associés – 2004
Clichés – Beyrouth 1990 (Ricard & Ricard & Gaultier)
Clichés, Beyrouth 1990 – Ricard – Ricard – Gaultier © Les Humanoïdes Associés – 2004

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