Il y a quelques jours c’était la désolation : James Franco n’est pas invincible. L’homme qui touche à tout (même à General Hospital !) ne serait donc pas capable de tout faire avec talent. Présenter les Oscars était manifestement hors de sa portée. Tout à coup l’acteur qui m’avait explosé de rire dans Délire Express et transporté d’émotion dans Harvey Milk se révélait médiocre. Un peu plus et j’en aurais même oublié la trempe de l’acteur. Heureusement que 127 heures est là.
Le nouveau film de Danny Boyle sort à point pour balayer les doutes et interrogations concernant James Franco. Le survival en plein « canyonland » fait exploser les aptitudes d’acteur de Franco. Quasiment seul devant la caméra de Boyle pendant tout le film, le bras coincé et ne pouvant bouger, l’acteur américain nous fait vivre avec une intensité sans pareille, dans l’effort et la souffrance, dans les larmes et les joies, le cauchemar d’un homme dont la seule issue pour se sortir d’une randonnée potentiellement mortelle se révèle vite être l’auto-amputation. Et lorsqu’on n’a même pas un couteau suisse sur soi, la tâche est immense.
Depuis sa première projection au Festival de Toronto en septembre dernier, l’histoire vraie d’Aron Rolston avait la réputation de faire vivre cette odyssée immobile avec un réalisme perturbant, poussant quelques spectateurs au malaise devant pareil spectacle. Ce genre de bouche-à-oreille paraît souvent un peu exagéré. Pourtant le week-end dernier, devant 127 heures, alors que Franco venait de parvenir à s’arracher le bras à l’écran, une femme a fait un malaise dans la salle où je me trouvais, et les pompiers ont dû intervenir - aussi discrètement que possible - pendant que le dernier acte du long-métrage se jouait. Surréaliste. J’avouerais tout de même que malgré la dureté de la séquence, on a vu bien pire au cinéma, et qu’il faut être une âme bien sensible, ou pas du tout au courant du sujet du film, pour se laisser tromper et s’évanouir. Même si habituellement, on ne voit pas ce genre de séquences dans un film connu pour être tiré d’une histoire incroyablement vraie.
Si la tension est telle pendant le film que les âmes sensibles en tombent dans les pommes, c’est aussi parce que derrière la caméra, Danny Boyle insuffle une vivacité idéale pour nous accrocher au récit statique, faisant oublier sa surestimée incartade indienne Slumdog Millionaire, qui avait réussi à duper son monde en devenant un film adoré de tous et raflant tous les Oscars. Aujourd’hui je me demande encore ce qu’on peut bien trouver à ce film surexcité qui se passe près de la moitié du temps sur le plateau de « Qui veut gagner des millions ? » avec en son cœur un couple pas crédible pour un sou. Mais c’est un des traits de Danny Boyle, d’être capable d’enchaîner un grand film après une œuvre mineure, comme il l’avait fait précédemment en signant le fabuleux Sunshine après l’éphémère Millions (en même temps on pourrait se dire que c’est l’inverse et qu’après un grand film, il enchaîne une petite daube, mais allez, soyons positif…).
En attendant de découvrir si le prochain long-métrage du british Boyle sera ou non une chiure de mouche, on pourra se fendre la poire cet été devant le prochain James Franco, Your Highness (qui devrait s’intituler Votre Majesté en France), réalisé par David Gordon Green et co-interprété par Danny McBride. Oui oui, l’équipe gagnante de Délire Express. J’en suis déjà tellement hilare que je pourrais m’évanouir.