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La revanche des flamands et la révolution des frites

Publié le 04 mars 2011 par Michelleblack
Vu de l'extérieur, l'animosité existant entre francophones et néerlandophones peut paraître incompréhensible. Bien sûr, il y a le problème BHV et la réforme de l'état exigée par les néerlandophones mais, pour vraiment comprendre le malaise, il faut analyser le contexte linguistique dans lequel la Belgique a vécu dans le passé.
Les flamands veulent-ils se "venger"d'avoir été brimés et évincés durant tant d'années? Veulent-ils se venger de l'étiquette "flamand=paysan" qui a été le leitmotiv des francophones qui n'avaient pas tout à fait tort? Si on veut être objectif, cela pourrait être le cas. Bien entendu, ce propos ne risque pas d'être entériné par les politologues qui le trouveraient trop simpliste.
Il y a quelques années, les francophones ont remarqué que le vent commencait à tourner, annonçant l'imminence d'une tempête qui n'a pas manqué d'éclater et qui a vu son apogée le 13 juin 2010.
Retournons dans le passé: la langue française était la première langue du pays alors que le flamand ne se parlait que dans le nord et était enseigné, dans les écoles francophones, en tant que seconde langue. Mais les francophones ont toujours eu, il faut l'admettre, une aversion pour cette langue dont les consonances heurtent les oreilles sensibles. Ses racines sont identiques au néerlandais, langue officielle des Pays-Bas. Le problème est que, même dans un coffee-shop en Hollande, avec votre flamand, on ne vous comprend pas.... A l'opposé des langues française, anglaise et allemande, on ne peut pas dire que le flamand soit une "belle" langue.
Jusqu'aux années 70, à Anvers et à Gand, les milieux aisés parlaient le français et il était de bon ton d'inscrire les enfants dans des écoles francophones. C'était plus "chic". Tentez, aujourd'hui, de vous adresser à qui que ce soit en français dans ces deux villes, vous serez bien reçu sauf dans les relations commerciales.
Alors que la génération baby-boom est parfaitement bilingue, les jeunes flamands ne le sont pas et les francophones ont un mal fou à apprendre cette seconde langue que tout recruteur réclame dans les offres d'emploi.
Du fait de leur bilinguisme, l'invasion (Non, le mot n'est pas trop fort) des flamands sur le territoire bruxellois s'est effectué au compte-goutte, de manière insidieuse. Pour preuve, des centaines de fonctionnaires néerlandophones ont investi les ministères et les administrations à Bruxelles. Il suffit de les observer, aux heures de pointe, à proximité des gares, c'est un véritable troupeau qui s'engouffre dans les trains à destination du nord du pays. Professionnellement, j'ai été en contact avec eux et ils m'adressaient d'abord la parole en flamand, ensuite en français si, du moins, ils le pratiquaient. Des panneaux publicitaires rédigés en flamand envahissent la capitale et l'annexe du Palais des Beaux-Arts a été rebaptisée Bozar! Mais où allons-nous dans ce vaste n'importe quoi?
A Bruxelles,les francophones ont le sentiment désagréable de ne plus se sentir chez eux. Aux Halles Saint-Géry, ce quartier entièrement rénové dont les rues adjacentes sont peuplées de boutiques avant-gardistes, est aux mains des néerlandophones.
Mon point de vue n'est pas celui d'un politologue ni d'un historien (Je n'en ai pas les compétences) mais celui d'une citoyenne francophone en colère qui s'interroge et s'inquiète, finalement, plus du sort réservé à Bruxelles que de l'avenir de la Belgique.
La majorité des flamands sont des gens charmants dont la mentalité est loin de l'extrémisme dont les medias nous abreuvent. Quoique! Plus de 75% ont voté pour la N-VA, parti qui a des racines extrémistes et nationalistes (voir billet De Wever). Il y a là matière à interrogation. Alors, je suis prudente et reste sceptique.
Nous sommes tellement différents. Des points de vue traditionnel et culturel, nous sommes à l'opposé les uns des autres. Nous sommes le ying et le yang. La manière de penser des néerlandophones est différente de la nôtre. Nous sommes cependant tous belges, du moins pour le moment.
Les racines germaniques des flamands les poussent à la rigueur dans le travail comme dans tout autre domaine, ce qui en fait des battants. A l'inverse, les Wallons, du fait de leurs racines latines ont plutôt tendance à la nonchalance bien que les comportements aient changé depuis quelques années.
Contrairement à ce qu'écrit Copeau dans son billet "La révolution des frites" (article que j'ai apprécié), l'esprit entrepreneurial est très présent en Wallonie où plus d'une entreprise est reconnue internationalement.
Aéroport de Bruxelles-National. L'appelation est sans équivoque: il s'agit de l'aéroport le plus important du pays mais implanté sur territoire flamand, Zaventem. Si, un jour, vous y décollez ou attérissez, vous serez surpris d'entendre les annonces, d'abord en flamand, ensuite en anglais et , last but not least, en français. Idem à bord des avions de Brussels Airlines (ex-Sabena).
Jess, une jeune-femme de 26 ans postule pour un job d'hôtesse de l'air auprès de la compagnie Jetair (Compagnie low cost néerlandophone). Son CV mentionne que sa connaissance du néerlandais se limite aux bases de la langue. Malgré cette lacune et la rumeur qui veut que Jetair n'emploie que du personnel néerlandophone, elle est convoquée pour trois tests (Aptitudes, psychologie du client, résistance au stress...etc) qu'elle réussit brillamment. Au cours de ces entretiens, elle remarque que les postulants néerlandophones, en grand nombre, et les francophones s'entraident sur le terrain linguistique. Un bon point!
Elle est ensuite convoquée pour un entretien exclusivement axé sur le néerlandais. Sa candidature est refusée. Pourquoi Jetair perd-elle son temps à convoquer des candidats dont elle sait pertinement bien qu'ils ne réussiront pas le test de langue flamande, du moins selon leurs critères? Probablement parce que, légalement, aucune discrimination linguistique n'est autorisée. Par contre, et il est important de le souligner, si vous voyagez avec Jetair, vous constaterez que la majorité des hôtesses et stewards baragouinent un français que les francophones peuvent à peine comprendre. Un poids, deux mesures.
Une dernière histoire belge dont nos amis français sont si friands et on les comprend, vient de tomber sur les telex. Les flamands vont encore plus loin que ce qu'on pourrait imaginer. Ils veulent s'accaparer un des fleurons des Ardennes belges (Sud du pays): le célèbre saucisson d'Ardennes confectionné avec amour par les Ardennais et dont la tradition remonte à plusieurs générations.
Une société néerlandophone veut s'appoprier la recette centenaire de fabrication ardennaise.
La bataille risque de se terminer au tribunal. Une histoire belge? Non, du vaste n'importe quoi!
Un sondage du magazine GEO à propos du sentiment d'infériorité des citoyens des pays du monde entier révèle que la Belgique se trouve en 3ème position après la Grèce et le Japon.
On se demande pourquoi!
Heureusement, nous avons un flamand qui plane au-dessus de ce marasme linguistique et qui n'a pas l'ambition de transformer Bruxelles en bunker flamingant, un artiste comme il se doit: Arno.....

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