Cet homme-là est un écrivain, un vrai. Michel Chaillou est l’auteur de plus de vingt-cinq ouvrages. Il a reçu en 2007 le Grand prix de littérature de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre. Son dernier roman chez Fayard, s'appelle « La fuite en Egypte ». C'est lui qui en parle le mieux :
« Les deux héros de ce livre, perdus sur leurs routes innombrables, seront-ils, si l’autorité publique les rattrape, expulsés de France vers leur contrée d’origine ? Mais justement où se trouve-t-elle cette Petite Égypte des Roms, Gitans, Manouches, Tsiganes, Yénishes, cette patrie légendaire de tous ces gens du voyage qu’aucun géographe n’a jamais su jusqu’à ce jour situer ? Rêvera-t-on assez en leur compagnie pour en découvrir le chemin ?
Voici donc l’histoire de cette fantasque virée qui me fonda, moi, le petit-fils de ce couple d’ombres vagabondes, qui s’efforce aujourd’hui de relater leurs aventures. Qu’on en juge ! Un soir d’automne, au début du siècle dernier, une jeune Nantaise du meilleur monde profitant du brouhaha de la brasserie sélecte où elle sirotait sa mélancolie en compagnie de son père, s’enfuit tout soudain avec l’artiste bohémien qui s’y produisait, y chantait. Était-ce pour ajouter un couplet inattendu à ses obscures rengaines ? Ils courent. Leurs cœurs sautent dans leurs poitrines, ils se tiennent par la main. Comment raconter leurs mains qui se nouent, se dénouent ? Comment ressusciter ce roman de la poussière que lèvent leurs pas voyageurs ? L’objet même de ce livre itinéraire sur la terre féconde ! »
M.C.
Vous l'aurez compris en lisant le quatrième de couverture, Michel Chaillou nous conte les aventures de ses grands-parents. Bien que commençant au début du vingtième siècle, le récit est toujours d'actualité. Alice, bien que devenue quelque peu brutale, derrière son cuir tanné par la vie, fascine son petit fils. Derrière les histoires vraies et le vécu de sa grand mère, Michel Chaillou invente avec classe, tisse avec style, les aventures épiques de cette femme inclassable, cette aventurière au caractère bien trempée.
Comme toujours, c'est merveilleusement bien écrit. Chaque mot est choisi, le texte est ciselé, l'écrivain se faisant ici orfèvre.
Bien loin des clichés et des phrases toutes faites, Michel Chaillou nous transporte dans son récit. Il nous transporte avec lui, car il se fait témoin du long voyage de ses grands-parents et s'en régale à chaque page. Il nous le fait partager, comme l'avait fait Blaise Cendrars dans « Boulinguer » : «Vivez, ah ! Vivez donc, et qu’importe la suite ! N’ayez pas de remords. Vous n’êtes pas Juge.»
Nous vous laissons découvrir les aventures de ce couple singulier, ne déflorons pas ici l'essence de ce fabuleux roman. Roman d'aventure, de voyage, reflet d'une époque, aux accents terriblement actuels. On retrouve ici avec plaisir le style de Michel Chaillou, dont la vie, tumultueuse pour lui aussi, nourrit l'œuvre.
L'auteur du « Sentiment géographique », grand lecteur des « Essais », a sans doute en tête une citation connue de Montaigne : « Il faut voyager pour frotter et limer sa cervelle contre celle d'autrui ».