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Le verrou.

Publié le 09 mars 2011 par Alexcessif

Le verrou.

The Bolt Jean-Honoré Fragonard, 1778 Huile sur toile 73 x 93 cm Musée du Louvre, Paris

On parle peinture?
Allez. Priorité au spécialiste (un peu obsédé je trouve):
quelques explications de Daniel Arasse, un spécialiste de Fragonard source:www.cineclubdecaen.com

"Sur la droite, un jeune homme enlace une jeune femme et de la main droite pousse le verrou du bout du doigt, ce qui est assez irréaliste. La jeune femme serrée contre lui se pâme et le repousse. Toute la partie gauche du tableau est occupée par un lit dans un extraordinaire désordre : les oreillers épars, les draps défaits, le baldaquin qui pend… Un spécialiste de Fragonard a eu cette formule admirable pour décrire le tableau : à droite le couple et à gauche rien (..).
Effectivement, il n'y a pas de sujet dans cette partie du tableau, juste des drapés, des plis, donc finalement de la peinture. En observant les oreillers du lit, Daniel Arasse remarque que leurs bords sont anormalement dressés, comme des pointes vers le haut. En regardant dans la direction de ces pointes, il voit que dans le baldaquin s'ouvre légèrement un tissu rouge, avec une belle fente allant vers l'obscur. (…) Ce repli noir dans le tissu rouge peut cependant avoir du sens par rapport à ce qui va se passer, d'autant plus que le drap de lit qui fait l'angle au premier plan jouxte la robe de la jeune femme et est fait du même tissu que cette robe. Si vous regardez bien cet angle c'est un genou.
Il apparaît donc que ce rien est l'objet du désir ; il y a le genou, le sexe, les seins de la jeune femme, et le grand morceau de velours rouge qui pend sur la gauche et qui repose de façon tout à fait surréaliste sur une double boule très légère avec une grande tige de velours rouge qui monte. "
Pour Daniel Arasse cela ne fait aucun doute, c'est une métaphore du sexe masculin. Mais le critique d'art insiste bien aussi sur le fait que tout ce qu'il peut dire de ce rien qui occupe la moitié du tableau, c'est que c'est un lit à baldaquin en désordre. S'il commence à nommer les choses alors son discours se teinte d'une vulgarité qui ne correspond pas du tout au tableau. Etre confronté à l'innommable est ce qui l'a passionné dans ce tableau. Nommer le lit comme genou, sexe, sein, sexe masculin dressé, est scandaleux, car c'est précisément ce que ne fait pas le tableau. Il ne le dit pas, ne le montre même pas, au spectateur de le voir ou non. Pour Daniel Arasse, le spectateur est confronté à l'innommable, non parce que la peinture est dans l'indicible, ce qui impliquerait une notion de supériorité, mais parce qu'elle travaille dans l'innommable, dans l'en deçà du verbal. Et pourtant, ça travaille la représentation. Mais dès que les choses sont nommées, elles perdent cette qualité d'innommable de la peinture elle-même."
Bizarre le gars, non?
L'avis d'une blogueuse:
"En tout cas, merci d'avoir commenté ce tableau. tu m'as donc entendue penser ? j'avais envie de demander si parmi mes visiteurs, quelqu'un pourrait m'en dire quelques mots. J'adore cette œuvre : le sujet est une scène de la vie ordinaire mais il est comme sacralisé. en même temps : il m'inspire un sentiment trouble... Est-ce un viol, une étreinte forcée, une femme plus ou moins soumise à la force de persuasion d'un mâle assuré de sa supériorité ? Cette manière de fermer le verrou, la façon dont la jeune femme recule et repousse l'homme et l'attitude physique de l'homme : bien campé sur ces deux jambes alors que la femme est en déséquilibre : en position de faiblesse.... Je ne sais pas, mais je crois que la question reste en suspend.... pour moi en tout cas..."
et Ma pomme:
"Bien entendu je n'ai pas du tout le même avis sur les postures des deux sujets. Celle de Monsieur exprime la solidité, et en même temps, l'habileté de Fragonard capable de transmettre par le dessin du galbe des mollets et le drapé de la culotte l'impression de force et de stabilité. Il pousse le verrou dans un geste de protection de leur précieuse intimité plutôt que dans un soucis de séquestration que tu sembles y voir tandis qu'il soutient sa partenaire titubante de désir.L'abandon de cette dernière est plutôt le signe de la toute puissance de sa faiblesse, accrochée à "l'homme" . Ce n'est pas une soumission mais une attitude stimulante pour la virilité attendue de son complice. Une convention tacite et ponctuelle entre les protagonistes soumis à la loi et au rôle que la nature nous assigne.Gageons qu'après l'échange des fluides la solide rigidité de la politesse sociale renverra le mâle soumis par le plaisir vers ses obligations de galanterie s'il veut à nouveau lui plaire. Toujours songer au retour du désir.
La diagonale partant de la main masculine jusqu'au pied féminin en "apesanteur" donne une impression de légèreté et dynamise la scène judicieusement éclairée par une poursuite naturelle.
Maitrise des tons et de la lumière, harmonie des proportions, une émotion pour une belle oeuvre."

Car le tableau illustrait ce petit texte un peu façon "Arlequin"Faut bien tenter le genre "roman de gare",non?:
Rencontre du 3ème type.
"Elle s'était dit: " plus jamais!"
Pourtant elle a replongé dans le grand bain. S'apaiser une ultime fois dans le fluide qui caresse sa peau où elle progresse à plat ventre comme elle se tord parfois la nuit dans ses draps.
Quand s'est elle laissée déborder? Les messages anodins du début lui semblent aujourd'hui ensablés dans le temps et le subconscient d'un double labyrinthe avec ce Minotaure qui l'attend et elle, Ariane sans fil qui découvre un chemin inespéré pour se faire dévorer. Le désir est d'abord passé par les mots, devenus des idées, des douceurs partagées, une envie délicate et enfin un foyer dans son coeur, un brulot dans son âtre, une chaleur intime, rare et précieuse. La sécurité fallacieuse de l'éloignement libérât lentement ses propos qui prirent rapidement l'allure d'un préliminaire irréversible. Elle a franchi le point de non retour, réservé son billet de train et sa chambre d'hôtel dans une impulsion déjà délicieuse. Une ultime marelle de la terre vers le ciel. Le troisième type. Une goutte dans l'océan d'une vie de femme! Elle se sèche lentement et, dans le miroir à trois faces, se regarde sans indulgence:  Au centre du triptyque de sa vie,le désir! A gauche la curiosité, à droite l'aventure. Elle est nue, elle est prête! "- Ce serait bien que tu t'enveloppes, ma fille" se dit elle "comme on emballe un cadeau". Cela se fait quand on prend le T.G.V ! Elle eut l'idée de son pseudo pour réserver son hotel en enlaçant son cou d'une écharpe de soie. Elle sera Isadora Duncan pour se pendre au cou de l'inconnu qui l'attend de l'autre coté de la rue. Une traversée de l'étrange, un petit pas de 600 Kms mais un pas de géante vers le courage d'être soi. Lui. Il est en avance dans le sous sol de la gare, de quelques minutes de politesse fébrile. Un petit quai à traverser: "Faut y aller mon grand!" Soudain elle est là en face de lui et il a su instantanément la suite de sa vie. Il y eut d'abord le baiser maladroit de deux enfants qui s'effleurent marchant cote à cote, silencieux et timides. Puis, il a posé une main sur son épaule dans une audace folle. Elle a sourit. Des pommettes saillantes se révèlent lorsqu'elle s'illumine , une glabelle franche sépare ses yeux brillants et humides. Sa bouche fine d'une fraicheur malicieuse irradient de curiosité juvénile. Lui, il voit enfin une femme pour la première fois. "Il était temps!" pense-t-il en désignant un bar la gorge sèche.Et re-main sur épaule en lui cédant le passage. Le tissus de la gabardine lui dispense un acompte sur sa chaleur promise. Chaque seconde additionne du bonheur. Les mots ne peuvent plus les satisfaire, les regards remplissent le silence. L'ombre de la nuit jette sur leurs épaules ravies son châle complice, signe de la fin du long supplice. Alors, il a emprisonné ses mains consentantes et soumises nouant leurs doigts dans une tresse intime et chaleureuse. Ils prononcent simultanément une phrase poli et les mots identiques se percutent provoquant un rire léger. Une banalité tendre, un peu de niaiserie, une maladresse pour une tendresse, pour dire la joie de ne plus s'attendre. Quelques balbutiements et un étourdissement comme une évidence tacite. Il faut un refuge pour ces deux transfuges. Quelque chose de simple: Un toit, un lit, quatre murs bien insonorisés. Le nid qu'elle a choisi est trop éloigné de leur impatience. Il y a une zone industrielle avec ses hôtels anonymes où l'on entre en glissant un Sésame de plastique dans une fente horizontale. Qu' importe! L'urgence impose sa loi. Auront-ils le temps d'atteindre la chambre? Oui, ce ne sont plus des enfants. Pourtant l'ascenseur est d'une lenteur énervante. L'air du corridor est plein de leur désir et envahi la pièce tandis qu'ils franchissent le seuil. Ils gardent l' armure de leurs vêtements encore quelques instants en apesanteur dans la découverte des saveurs et des odeurs d'épiderme troublantes et merveilleusement compatibles. Ils jouent sur le même tempo l'effeuillage d'un orchestre qui monte crescendo, tantôt duel, tantôt duo, parfois soliste pour un air de flute enchantée, tandis qu'un jeune chat lape délicatement son lait dans un palindrome amoureux où leurs corps se lisent dans les deux sens. La nécessité impérieuse de sortir du virtuel et de pénétrer la réalité est déjà là. Il glisse fiévreux dans la fente verticale son Sésame de chair d'une délicieuse tentative vouée à l'échec s'il n'y avait sa main secourable. Et là, apaisés, rassurés ils peuvent enfin parler, dire et murmurer. Ils se regardent, immobiles, patients et comblés. Il respire. Elle attend pour respirer à son tour en équilibre tout les deux au bord de l'abîme sans bouger pour ne pas chavirer et ne pas verser trop tôt la liqueur de l'apaisement. Dans quelques instants, l'un des deux suppliera: "- s'il te plait, bouge". [Tempus fugit] "J'ai marché lentement sur les dalles de la gare comme un enfant jouant au ralenti à la marelle du ciel vers la terre. Je n'étais pas triste. Je me suis détaché lentement de toi, accompagné par ton parfum de femme encore sur ma peau pour rentrer dans la torpeur des jours qui viendront s'empiler dans ma vie d'après toi. Ils auront longtemps la saveur de ton souvenir." Please! "one more time" Phill Collins sur la bande son. 

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