En février 2010, Philippe Rouillac dispersait une très belle collection d’encriers dont j’avais rendu compte dans ces colonnes. Dimanche prochain, le sympathique commissaire-priseur de Vendôme se déplacera à Tours pour une nouvelle vacation qui, cette fois, concernera la seconde partie de la collection de François Podevin-Bauduin.
Pas moins de 300 objets, dont on trouvera le descriptif ici, seront exposés au feu des enchères, 300 encriers classiques ou insolites, riches pièces d’orfèvrerie ou curieux supports publicitaires, en bronzes de Barbedienne ou à motifs rocaille dans le goût de Juste-Aurèle Meissonnier, en étain, en argent, en faïence lorraine de Gallé ou de Majorelle, en faïence de Rouen, de Nevers, de Gien (sans oublier les inévitables Quimper…), en porcelaine de Limoges ou de Paris, en grès, aux motifs art-déco, en pierre, en verre, en Baccarat et même recouverts de galuchat.
Autant d’accessoires dont on s’amuse à deviner les propriétaires, tant ces objets reflètent la personnalité de celui ou de celle qui les avait choisis. Encriers de dame, comme ce kitschissime petit salon en Sarreguemines (lot 77) ou ce très raffiné écritoire en porcelaine de Paris aux dominantes florales (lot 153), encrier de facétieux opposant politique, comme celui représentant le roi Louis-Philippe se goinfrant, en porcelaine de Paris (lot 147), encrier de pharmacien ou de médecin (lot 212) vantant le baume du Dr Bengue, encrier de rapin en forme de galoche (lot 14) encrier de voyageur, de notaire, de cocotte et, pourquoi pas… encrier d’écrivain.
Parmi les pièces les plus insolites, on notera une tête de ménestrel (joyeusement diabolique, lot 15) en régule du XIXe, une autre, en porcelaine anglaise, sur laquelle son visualisées les zones d’activité du cerveau (lot 282). Mais la pièce la plus curieuse reste probablement celle sur laquelle la vacation s’achève, un encrier de porcelaine polychrome figurant un éléphant, réalisation de Gabriel Fourmaintraux, datant probablement du début du XXe siècle.
Sans doute, à l’époque des ordinateurs et des tablettes tactiles, utilise-t-on de moins en moins ces accessoires, témoins d’un ancien art d’écrire. D’objets utilitaires, ils deviennent thème de collection. Au moins, on peut encore les utiliser pour remplir un stylo-plume à pompe, l’un de ces merveilleux Mont-Blanc, par exemple, qui offrent un confort d’écriture incomparable et qu’Yves Navarre (qui en possédait un) surnommait malicieusement « stylo-phallus ». Il est vrai que, pour un auteur, même adepte de l’informatique, l’encre demeure un liquide magique, le medium par excellence de son imagination. C’est ce que Balzac exprimait lorsqu’il écrivait, dans un roman oublié de 1841, La Mort d’un ambitieux : « L’encre était toujours dans l’encrier comme la lave figée dans le cratère d’un volcan. Tout encrier ne peut-il pas, aujourd’hui, devenir un Vésuve ? »
Illustrations : Ménestrel, lot 15 - Louis-Philippe se goinfrant, lot 147 - Salon, lot 77 - Elephant, lot 300 Photos © Etude Rouillac.