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L’interprétation en milieu scolaire

Publié le 13 mars 2011 par Stéphan @interpretelsf

Ayant récemment rejoint l’IJS de Bourg la Reine, je suis notamment amené à traduire des cours.

Le travail de l’interprète en langue des signes consiste d’abord à faciliter la communication entre les élèves et le professeur, il assure la traduction des cours et favorise l’intégration scolaire (sourds/entendants), tandis que le professeur est responsable de ce qui se passe dans sa classe pour la transmission des contenus et la gestion du groupe.
Aux yeux des professeurs, l’interprète a souvent un statut d’expert « bilingue-surdité ». Fréquemment, ils nous posent des questions sur le monde des sourds, l’interprétation, les langues. Certains professeurs nous demandent comment il est possible de traduire un cours lorsque l’on ne connaît pas le domaine ou si la LSF supporte l’abstraction, permet d’énoncer des concepts théoriques.
D’autres sont gênés par la présence d’un tiers dans la classe et s’inquiètent de cette « intrusion » dans leurs cours en redoutant un jugement sur leurs éventuelles erreurs ou plus simplement une remise en cause de leur autorité.
Nous devons donc être diplomates et rapidement informer le professeur sur les dispositions pratiques à mettre en place afin de faciliter le travail de chacun : ne pas parler lorsqu’on écrit au tableau, tenir compte du décalage de la traduction, être attentif que plusieurs élèves ne s’expriment pas en même temps.

Enfin, le travail avec le professeur ne peut s’effectuer de manière optimale sans un partenariat de longue durée. Par exemple, en début d’année, il est bien que le professeur fournisse le programme qu’il abordera, puis de façon régulière les différents cours qu’il est amené à dispenser. Ceci permet à l’interprète de préparer ses interventions et de demander, si besoin, des explications au professeur.

La spécificité principale d’un discours pédagogique est de savoir interpeller les élèves et maintenir leur attention. L’interprète doit trouver un système visuel équivalent en langue des signes pour y parvenir. Par exemple, le discours pédagogique regorge de re-formulations et de redondances. Nous devons alors les ré-exprimer différemment ou les répéter chaque fois malgré la redondance.
Il est donc important pour effectuer des prestations de qualité de comprendre les rouages de la pédagogie afin d’anticiper mentalement les questions que le professeur peut être amené à poser.
Autre exemple : il arrive fréquemment que les enseignants vérifient si tel ou tel mot de la langue française est bien compris. Or, en traduction, ce ne sont pas les mots que l’on traduit, mais le sens et il n’est pas rare d’avoir déjà donné la réponse (comme la définition du mot) dans l’interprétation. Ainsi lors d’un cours d’anatomie, le professeur peut demander où se trouve le foie, alors que dans l’interprétation la traduction du signe « foie » implique forcément sa localisation. Pour éviter cette situation, il faut donc recourir à l’épellation du mot.

Pour les discours plus spécialisés (biologie, physique, chimie…), l’interprète scolaire doit bien maîtriser le sujet afin d’être à l’aise lors de sa traduction. Pour ce faire, il doit préparer ses interventions et acquérir une connaissance sans faille du lexique spécifique dans les deux langues, car comme le soulignait Danica Seleskovitch : « que l’un de ces aspects, mot original, notion, mot équivalent dans l’autre langue, soit négligé dans la préparation d’une réunion technique, et l’interprétation connaîtra des difficultés considérables« .

Enfin, l’interprète peut également être amené à traduire des oraux d’examen. On peut penser qu’il est important que l’interprète qui intervient soit celui qui a suivi l’élève pendant l’année. En effet, chaque élève a sa façon de s’exprimer et l’interprète ainsi le connaît bien. De plus, il connaît aussi les codes mis en place pendant l’année scolaire pour la terminologie spécialisée. Il peut donc avoir une compréhension immédiate et parfaite des propos de l’élève et lui éviter de répéter, ce qui peut être déstabilisant et stressant en situation d’examen.
Précisons que pour les interprétations d’examen, il est conseillé de rencontrer le jury quelques minutes avant, afin de lui expliquer brièvement le rôle de l’interprète. De plus, si la discipline est inconnue de l’interprète, il doit informer le jury qu’il ne maîtrise pas forcément le lexique spécifique et que les hésitations peuvent venir de lui et non de l’élève.

Sur un plan déontologique, l’interprète en milieu scolaire doit se garder d’une trop grande complicité qui pourrait s’installer au cours de l’année entre lui et les élèves sourds. Ces derniers s’adressent quelquefois à lui directement en cas de problèmes ou de difficultés scolaires car il est souvent l’un des seuls adultes à maîtriser leur langue. Il arrive aussi que les élèves profitent de sa présence pour contester l’autorité de l’enseignant ou le critiquer.

A l’inverse, un professeur peut émettre des avis sur ses élèves ou susciter un jugement sur tel ou tel de la part de l’interprète. Nous devons alors lui expliquer qu’on ne peut porter de jugement car nous somme soumis à un devoir de neutralité par notre code déontologique. Par ailleurs, étant interprète et non professeur, nous n’avons pas les compétences pour pouvoir porter une quelconque évaluation.



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