Résumé: Dans les années 50, en pleine Guerre Froide, Peter Appleton (Jim Carrey) est un jeune scénariste hollywoodien à qui la vie sourit. Son dernier film est un succès, il sort avec une charmante actrice, et son prochain film devrait le propulser des films de série B à la A-list. Son monde s’écroule le jour où il se retrouve suspecté d’être un communiste pour avoir assisté à un meeting lorsqu’il était étudiant. Mis de côté par le studio le temps que l’affaire se tasse, il décide de se saouler avant de prendre le volant, et finit par bien évidemment avoir un accident et chuter dans une rivière avec sa voiture. Il se réveille sur une plage de Californie, totalement amnésique. Un promeneur qui passait par là le ramène dans la petite ville de Lawson, où le gens le prennent pour un de leurs jeunes disparu à la guerre…
Plusieurs années avant de réaliser l’excellent The Mist, Frank Darabont s’était déjà intéressé au fanatisme, cette fois-ci politique, dans le méconnu The Majestic. The Majestic raconte l’histoire d’un jeune scénariste hollywoodien qui se retrouve au ban de la société suite à de fausses accusations de copinage communiste. Rendu amnésique suite à un accident, il se retrouve adopté par les habitants d’une petite ville le prenant pour un de leurs jeunes, porté disparu à la guerre.
Prenant la forme d’une fable humaniste, The Majestic est peut-être le film le plus ambitieux de Darabont, tant celui-ci brasse de nombreux thèmes. Sous couvert d’une histoire de prime abord un peu naïve et optimiste, Darabont s’applique à ausculter l’Amérique de l’après seconde guerre mondiale, un pays qui se cherche, scindé en deux. Une Amérique d’un côté traumatisée par la perte de toute une génération lors du conflit, et de l’autre paniquée par la puissance de l’URSS et la peur du communisme. Darabont traite avec intelligence et finesse de ces thèmes difficiles, en utilisant le personnage de Peter Appleton comme lien entre ces deux Amériques. Car Appleton vient du monde de la seconde, Hollywood, où tout n’est qu’illusion et où n’importe quel sacrifice est bon pour monter les échelons (modifier un script pour le rendre plus commercial, accuser son voisin d’être sympathisant communiste pour l’évincer). Son amnésie lui permettra de pénétrer dans le monde de la première Amérique, celle des petites gens, qui ne cherchent qu’à faire le deuil de leurs jeunes partis au combat.
Cette Amérique, c’est celle de la petite ville de Lawson. Et comme dans tous les films de Darabont, The Majestic est d’abord l’histoire d’une communauté, celle des habitants de cette petite ville tranquille, où la vie s’est arrêtée suite à la guerre. Darabont brosse de nombreux portraits de personnages pittoresques et attachants, tous représentatifs de ce que le pays a perdu dans la guerre. Il y d’abord Harry Trimble, incarné par le trop rare Martin Landeau, un père désespéré qui croit reconnaitre en Peter Appleton son fils disparu et revit à ce retour inattendu. Il y a aussi la belle Adelle Stanton (Laurie Holden, que Darabont retrouvera quelques années plus tard dans The Mist puis The Walking Dead), jeune femme moderne et indépendante troublée par l’impossible retour de son amour de jeunesse. Même les personnages secondaires sont suffisamment esquissés pour provoquer l’empathie, comme le maire de la ville, qui a perdu ses deux fils à la guerre, le vieil ouvreur du cinéma, obsédé par le fait de bien commencer les séances à l’heure, ou encore le vétéran ayant perdu une main au combat. Au milieu de toutes ces personnalités, Jim Carrey continue sur la lancée initiée avec The Truman Show, et livre sa première vraie performance dramatique, dans un rôle ne comportant pas une once de loufoquerie. Et bien avant Eternal Sunshine of the Spotless Mind, il prouve qu’il est tout à fait capable d’émouvoir et de jouer avec sobriété.
The Majestic est aussi une déclaration d’amour au septième art, et une critique d’Hollywood. Encore une fois, Darabont se place clairement du côté des petites gens, les spectateurs qui vont voir les films. Alors qu’à Hollywood tout n’est que réunions incessantes et tractations pour modifier les films, la renaissance de la ville de Lawson passant non seulement par le retour du fils prodigue, mais aussi par la remise en état du cinéma de la ville. Le Majestic du titre est en effet fermé depuis la guerre, et est un symbole de temps meilleurs aujourd’hui révolus. Darabont célèbre la magie du septième art en tant qu’art fédérateur (la réouverture du cinéma rassemble les habitants et permet de faire le deuil des jeunes morts au combat), mais aussi en tant que créateur de vocation, comme celle d’Adelle, qui a décidé d’embrasser la carrière d’avocate après avoir vu le film J’accuse d’Abel Gance, inspiré de l’affaire Dreyfuss.
Sorti au mauvais moment (en décembre 2001, difficile de demander aux Américains traumatisés de se déplacer en masse pour voir un film mettant en garde contre les dangers de la chasse aux sorcières), The Majestic a malheureusement fait un énorme bide. Emouvant, drôle, magnifiquement mis en scène et intelligent, le film de Darabont mérite amplement d’être réhabilité et redécouvert, tant il dispense un message universel et censé sous ses dehors de spectacle naïf.
Note : 8/10
USA, 2001
Réalisation : Frank Darabont
Scénario : Michael Sloane
Avec : Jim Carrey, Martin Landau, Laurie Holden