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L’itinéraire biographique de Célestin Bouglé.

Par Ameliepinset

Brouillon d’article introductif pour mon travail de recherche sur Bouglé… Probablement amené à évoluer d’ici quelques semaines.

Célestin Bouglé est né en 1870 en Bretagne, à Saint-Brieuc. Après la mort de son père militaire en 1884, il part habiter chez son oncle Adolphe Bouglé à Paris. Il suit une scolarité secondaire au Collège Rollin avant de rejoindre le Lycée Henri IV, où il prépare le concours pour rentrer à l’École Normale Supérieure, dans laquelle il est admis suite à sa seconde tentative en 1890. C’est durant ses années au Lycée Henri IV qu’il suit les cours du professeur Henry Michel, disciple notoire du philosophe néo-kantien et théoricien de la IIIè République Charles Renouvier. Ses années de normalien à l’internat de l’École lui permettent de tisser d’importantes amitiés intellectuelles. Dans sa promotion, se trouvent notamment Léon Blum, René Berthelot, André Beaunier ou encore Dominique Parodi. Bouglé noue également de fortes relations avec Léon Brunschvicg et Élie Halévy, issus tous deux de promotions antérieures. Bouglé suit à l’École une première année de formation générale qui lui permet d’obtenir une Licence ès lettres. Ce n’est qu’en deuxième année qu’il se spécialise en philosophie, année durant laquelle il étudie les philosophes classiques et à la fin de laquelle il rédige un mémoire sur Leibniz. Il consacre l’année suivante à préparer le concours de l’agrégation de philosophie, qu’il obtient en 1893 en occupant la première place du classement.

À cette époque, la sociologie n’est pas encore enseignée à Paris. Émile Durkheim l’enseigne à Bordeaux depuis plusieurs années mais c’est en Sorbonne qu’il vient soutenir sa thèse intitulée De la division du travail social en 1893. Cela dit, on ne peut s’assurer que Bouglé soit venu y assister. Quoi qu’il en soit, c’est cette année-là qu’il obtient une bourse d’études pour l’Allemagne, voyage qui s’étend de septembre 1893 à juin 1894 et se trouve particulièrement déterminant pour sa «vocation sociologique». Il considère l’objet de son voyage ainsi : «Me voici en Allemagne, pour un an — deux semestres d’Université. — J’y viens étudier une science qui finit, m’a-t-on dit : la philosophie, et une science, qui commence : la sociologie». Là-bas, il suit les cours de Georg Simmel et d’Alfred Wagner, à propos desquels il consacre deux articles respectifs qu’Élie Halévy fait publier dans la Revue de métaphysique et de morale en 1894. Il consacre également un article, publié dans la même revue un an plus tard, au juriste Jhering qu’il a lu et découvert lors de son séjour allemand. Ces trois articles forment la base du premier ouvrage de Bouglé, intitulé Les sciences sociales en Allemagne. Les méthodes actuelles, paru en 1895 chez l’éditeur Félix Alcan. Parallèlement à cet ouvrage très académique, Bouglé publie la même année chez l’éditeur Calmann-Lévy, sous pseudonyme, un ouvrage rédigé dans un style tout à fait différent, beaucoup plus littéraire, et intitulé Notes d’un étudiant français en Allemagne, dans lequel il raconte le quotidien de son périple au cœur de la vie sociale et universitaire allemande. Peut-être faut-il voir dans cet ouvrage «les premières traces de la tentation littéraire de Bouglé», dont son ami Élie Halévy cherchera à l’en détourner. Durant son année allemande, Bouglé fréquente les universités d’Heidelberg, Berlin et Leipzig. Les cours de philosophie donnés dans ces trois universités allemandes le déçoivent et c’est pourquoi il se tourne vers divers cours de sciences sociales, dans lesquels paradoxalement il trouve, dit-il, «beaucoup de philosophie».

Après son voyage d’études en Allemagne, Bouglé rentre en France et obtient pour la rentrée scolaire de 1894 un poste de professeur de philosophie au lycée dans sa ville natale de Saint-Brieuc. Il commence à s’intéresser de plus près à la sociologie française et entame une correspondance à partir de la fin de 1895 avec Émile Durkheim, qu’il rencontre l’année suivante en 1896. Ensemble, ils mettent sur pied le projet de L’Année sociologique dont le premier numéro paraît en 1898. C’est cette année-là également qu’il rejoint la ville de Montpellier suite à l’obtention d’un poste Maître de conférences en philosophie sociale à la faculté de lettres de cette ville le 30 décembre 1897, Maurice Barnès qui se chargeait de cet enseignement ayant obtenu une mutation pour la Chaire de philosophie au Lycée Louis le Grand à Paris. La qualité de son enseignement montpelliérain est salué dans les rapports d’inspection. Aussi faut-il noter que si ses enseignements portent l’intitulé de «philosophie sociale», ils sont d’ores-et-déjà fortement empreints de sociologie, comme le suggère le titre de l’une de ses leçons inaugurales : «Histoire explicative et la sociologie».  Parallèlement à ses enseignements académiques, il souhaite élargir la transmission de son savoir à un public plus large, un public extra-universitaire. En effet, Bouglé s’investit dans le mouvement des Universités populaires, au sein plus particulièrement de la Société d’enseignement populaire de l’Hérault, fondée en 1898. La nature diversifiée des sujets des conférences qu’il y tient, allant des sujets esthétiques (par exemple, «La poésie des temps modernes») à des sujets scientifiques (par exemple, «Les progrès de l’astronomie»), révèle la vaste curiosité intellectuelle de Bouglé au-delà de son intérêt pour la philosophie et la sociologie.

Mais pour persévérer véritablement dans l’enseignement universitaire, Bouglé doit écrire une thèse. Il décide de spécialiser son étude sur l’idée d’égalité sous un angle d’approche sociologique et non idéologique ni anthropobiologique, et devient Docteur ès lettres en 1899 avec sa thèse intitulée Les idées égalitaires, réalisée sous la direction de son ancien professeur qu’il a connu au Lycée Henri IV, Henry Michel. La même année, il s’engage dans Ligue des Droits de l’Homme en faveur de Dreyfus. Puis, en 1900, il devient chargé de cours de philosophie sociale à la faculté de lettres de Toulouse, où il obtient l’année suivante en 1901 un poste de Professeur de philosophie sociale. Il se présente et échoue cette année-là aux élections législatives. Il renouvelle la tentative en 1906 et essuie un nouvel échec.

L’année suivante, en 1907, il peut enfin retourner vivre dans la capitale car il est promu chargé de cours d’histoire de l’économie sociale à la faculté de lettres de Paris. Il poursuit son engagement à la Ligue des Droits de l’Homme et devient Vice-Président de cette organisation en 1911. En 1919, il obtient un poste de Professeur d’histoire de l’économie sociale en Sorbonne. S’ensuit sa carrière dans l’administration de l’École Normale Supérieure. En 1920, il obtient la fonction de Directeur du Centre de documentation sociale de l’École. Il devient Directeur-adjoint de l’École en 1927 et Directeur en 1935. Il obtient la Légion d’Honneur un an avant de mourir à l’âge de 70 ans à Paris, en 1940, et est enterré à Pléneuf-Val-André, petite commune balnéaire bretonne située à 25 kilomètres de sa ville natale Saint-Brieuc.

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Bibliographie utilisée :

  • Laurens, J.-P., «Les années montpelliéraines», Ravalet, C., dir., Trois figures de l’école durkheimienne : Célestin Bouglé, Georges Davy, Paul Fauconnet, Paris, L’Harmattan, 2008, pp. 127-144
  • Mosbah-Natanson, S., «La vocation sociologique de Célestin Bouglé», in Ravalet, C., dir., Ibid., pp. 63-84
  • Ravalet, C., «Biographie et bibliographie de Bouglé», in Ravalet, C., Ibid., p. 151

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