les cloches sonnent sans raison et nous aussi
nous marchons pour échapper au fourmillement des routes
avec un flacon de paysage une maladie une seule
une seule maladie que nous cultivons la mort
je sais que je porte la mélodie en moi et n'en ai pas peur
je porte la mort et si je meurs c'est la mort
qui me portera dans ses bras imperceptibles
fins et légers comme l'odeur de l'herbe maigre
fins et légers comme le départ sans cause
sans amertume sans dettes sans regret sans
les cloches sonnent sans raison et nous aussi
pourquoi chercher le bout de la chaîne qui nous relie à la chaîne
sonnez cloches sans raison et nous aussi
nous ferons sonner en nous les verres cassés
les monnaies d'argent mêlées aux fausses monnaies
les débris de fêtes éclatées en rire et en tempête
aux portes desquelles pourraient s'ouvrir les gouffres
les tombes d'air les moulins broyant les os arctiques
ces fêtes qui nous portent les têtes au ciel
et crachent sur nos muscles la nuit du plomb fonduje parle de qui parle qui parle je suis seul
je ne suis qu'un petit bruit j'ai plusieurs bruits en moi
un bruit glacé froissé au carrefour jeté sur le trottoir humide
au pied des hommes pressés courant avec leurs morts
autour de la mort qui étend ses bras
sur le cadran de l'heure seule vivante au soleilje pense à la chaleur que tisse la parole
autour de son noyau de rêve qu'on appelle nous
Tristan Tzara, L'Homme approximatif, in Œuvres complètes, tome 2, 1925-1933, Flammarion, 1977, pp. 81, 82
Tristan Tzara dans Poezibao :
Bio-bibliographie de Tristan Tzara, extraits 1
Sur simple demande à [email protected], recevez chaque jour l'anthologie permanente dans votre boîte aux lettres électronique
Vous pouvez aussi vous abonner à la lettre d'information (une par semaine, signalant les principaux articles parus dans la semaine). Merci de préciser dans votre courriel anthologie et/ou lettre d'information