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Sarkozy a mis la France en guerre.

Publié le 21 mars 2011 par Juan
Sarkozy a mis la France en guerre.Dans quel pays vivons-nous ? Depuis samedi, l'armée française est engagée contre les forces gouvernementales libyennes, prétendument pour soutenir les forces démocratiques. La France est en guerre. Le Parlement n'a pas été saisi.  On s'est vite emballé pour une résolution onusienne qui se révèle finalement très ambigüe. Sarkozy veut la peau de Kadhafi comme George Bush celle de Saddam en 1991. Sa réélection, croit-il, en dépend. Surtout, coûte que coûte, il fallait faire oublier que l'on votait, ce dimanche, pour la dernière élection intermédiaire avant le scrutin de 2012.
Précipitation sarkozyenne
Dimanche 20 mars, le porte-avion Charles de Gaulle, à propulsion nucléaire, est parti de Toulon pour rejoindre les côtes libyennes. Les caméras des journaux télévisées étaient évidemment là. On apprend à connaître les deux porte-paroles de l'armée, le colonel Thierry Burkhard, pour l'état-major des armées, et Laurent Teissere, pour le ministère de la Défense.
Les premiers raids aériens français ont eu lieu dès samedi après-midi. Sans attendre, Sarkozy avait donné le feu vert`. Il fallait être le premier, avant même les Américains. Une vingtaine d'appareils français ont été aussitôt engagés. Une grosse centaine de missile Tomahawak britanniques et américains ont suivi, quelques heures plus tard. L'opération ne s'appelle pas «Desert Storm» mais «Harmattan», du nom d'un vent sec soufflant en Afrique du Nord.
A l'Elysée, les conseillers jubilent. L'un d'entre eux pense à 2012 : « Si tout se termine bien, ce sera un triomphe. Il était dans les cordes, et le voilà qui réunit le monde entier à ses pieds !»  Tout le weekend, des confidences sont distillées dans la presse, pour retracer les dernières heures de ce succès français, comment Sarkozy a convaincu Obama, comment Ban Ki-moon a loué le « leadership français », etc, etc. La machine à story-telling bat son plein. Les premiers bombardements interviennent juste à temps pour les JT de samedi soir. 
Après son sommet de Paris, samedi, Nicolas Sarkozy sur-jouait le devoir et cette nouvelle « responsabilité de protéger », un concept inventé il y a quelques jours à peine, dont ni les Tunisiens ni les Egyptiens ni même les Yéménites n'ont eu le bénéfice ces dernières semaines :   « Je ne fais pas ça par plaisir. Je ne suis pas un belliqueux. Que pouvais-je faire d’autre? Il fallait tout faire pour éviter que Kadhafi rentre dans Benghazi en vainqueur. Ce n’était plus qu’une question d’heures. Ça fait quelque chose, quand même, de voir les drapeaux français à Benghazi. »
Alain Juppé a complété : « Nous allons aider le peuple libyen à se libérer. Ce n'est pas inscrit dans la résolution du Conseil de sécurité qu'il doit s'en aller. Mais il est bien évident, ne racontons pas d'histoires, que le but de tout cela est de permettre au peuple libyen de choisir son régime. » Quelques heures plus tard, le chef d'état major interarmes de l'armée américaine disait l'inverse.
Dimanche matin, le ciel libyen dans la région de Bengahzi était sous contrôle occidental. Mais les raids se sont poursuivis. Des journalistes de l'AFP ont témoigné de combats et de morts entre rebelles et soldats de l'armée officielle. Les autorités kadhafiennes ont dénombré une soixantaine de morts civils, sans qu'on sache s'il ne s'agissait pas d'une nouvelle propagande. Le dictateur a à nouveau promis l'enfer avant de prononcer un nouveau cessez-le-feu dans la soirée. Kadhafi ressemble jour après jour à son ancien homologue Saddam Hussein.
Premiers désaccords
Les premières failles dans la coalition onusienne sont apparues dès dimanche, 24 heures à peine après les premiers raids. Nicolas Sarkozy avait déjà failli partir tout seul. Mais, raconte-t-on en coulisses, son ancien mentor Jacques Chirac lui aurait conseillé de coaliser quelques pays arabes pour faire joli. Samedi, le Monarque insistait : « l'avenir de ces peuples arabes leur appartient. Au milieu des difficultés et des épreuves de toutes sortes qu'ils ont à affronter, ces peuples arabes ont besoin de notre aide et de notre soutien.» Ce message semble difficile à entendre de la part des soutiens arabes que Nicolas Sarkozy tente d'obtenir : Arabie Saoudite, Qatar, Emirats arabes unis, Maroc sont loin d'être des démocraties éclairées.
Dimanche, pour le plus grand malheur du story-telling français, les chefs d'Etat sud-africain, malien, mauritanien, congolais et ougandais, tous chargés par l'Union africaine de trouver une solution à la crise libyenne, ont exigé la fin des combats. Amr Moussa, le secrétaire général de la Ligue arabe a également critiqué les bombardements français et anglo-saxons : « Ce qui s'est passé en Libye diffère du but qui est d'imposer une zone d'exclusion aérienne, et ce que nous voulons c'est la protection des civils et pas le bombardement d'autres civils. »  La veille, il était pourtant présent au sommet de Paris à l'Elysée.
La Russie a accusé la France, le Royaume Uni et les Etats-Unis d'avoir causé des victimes civiles: « nous appelons dès lors les pays impliqués à cesser le recours non sélectif à la force », a déclaré Alexander Loukachevitch, porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
Négliger les élections
En France, il faudra attendre mardi 22 mars, à 15 heures, pour que la « représentation nationale » soit enfin informée par le gouvernement de la situation libyenne. Vendredi dernier, Fillon avait reçu les présidents de groupe. Mais l'actualité internationale a surtout totalement occulté les élections cantonales. L'abstention fut record. En Libye, des femmes et des hommes se sacrifient pour pouvoir voter. En France, 56% des électeurs ne se déplacent pas pour un scrutin local.
Même Nicolas Sarkozy avait « autre chose » à faire que de commenter sa cinglante défaite. Dimanche, il a attendu 18H45 pour tenir une réunion interministérielle sur la Libye. Juste avant le début de la soirée électorale... Dans la journée, François Fillon communiquait sur sa visite du Centre de planification et de conduite des opérations du ministère de la Défense à Paris.
Les commentaires politiques officiels seront d'ailleurs quasi-absents sur cette élection. Jean-François Copé, secrétaire désigné de l'UMP, assura le service minimum. Il commença son intervention du soir, vers 20h05, par un hommage aux soldats français et à « l'action du président.» Le FN est crédité de 15% des voix. A Hénin-Beaumont, il est en tête, avec plus de 40% des voix. L'UMP et ses candidats « divers droite » trop effrayés d'assumer leur étiquette présidentielle sont crédités de 15% des suffrages.
L'attention était ailleurs, à Tripoli ou à Benghazi.
 


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