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LA CHATTE SUR UN TOIT BRULANT de RICHARD BROOKS

Publié le 24 mars 2011 par Abarguillet

 LA CHATTE SUR UN TOIT BRULANT de RICHARD BROOKS   VIDEO

Le projet d'un film, à partir de la pièce de Tennessee Williams,  fut envisagé par le producteur Pandro S. Berman, dès qu'il eût assisté à sa représentation à New-York, avec le désir de confier le rôle principal à Grace Kelly, ce qui, selon moi, aurait été une erreur de casting. Finalement la réalisation du long métrage  La chatte sur un toit brûlant est confiée à Georges Cukor, homosexuel notoire, qui refuse, après lecture, d'en assumer le tournage, avouant, qu'à l'époque, il n'était pas possible de traiter honnêtement de l'homosexualité. Mankiewicz fut contacté à son tour sans plus de succès et c'est finalement Richard Brooks, après bien des tergiversations, qui acceptera de mener le projet à son terme et d'être en même temps le scénariste et le metteur en scène.


" Je n'avais pas l'impression que l'homosexualité, latente ou évidente, était indispensable pour l'histoire. Dans un théâtre, vous avez une audience conditionnée mais si, au cinéma, vous voyez un homme à l'écran qui passe son temps à dire qu'il n'a pas envie de coucher avec Elisabeth Taylor, alors le public commencera à siffler. Ils ne peuvent s'identifier avec le héros parce qu'eux ils ont envie de coucher avec Elisabeth Taylor. Mais si Paul Newman disait : " Non, ma chérie, je pense à Skipper ", la salle éclaterait de rire. Il a fallu que je trouve une dramatisation du refus que Brick oppose à Maggie, non parce qu'il est incapable de l'aimer, mais parce qu'il la considère comme responsable de la mort de Skipper."


La situation de Brick ( personnage central, admirablement interprété par Paul Newman ) est doublement tragique, parce qu'il a été trahi par les deux êtres qui comptaient le plus pour lui. Cette situation est remarquablement rendue, lors de la longue séquence où Maggie ( Elisabeth Taylor ) change ses bas maculés de crème devant Brick et ne parvient pas à éveiller chez lui la moindre réaction amoureuse, tant celui-ci est davantage  préoccupé par ses fantasmes et son bourbon, que par cette femme somptueuse qui s'offre à lui. De même, lorsque, par inadvertance, ses mains se posent sur la combinaison en soie de sa femme, suspendue dans la salle de bains, et dont il se débarrasse avec agacement, comme si cette évocation féminine le dérangeait.

Brooks a fait en sorte de jouer sur plusieurs régistres sans se contenter de ce parfum de scandale que représentait, à l'époque, l'homosexualité ; il choisit de ne parler qu'allusivement des rapports qui ont uni Brick et Skipper, bien que certaines phrases soient très explicites - et de dénoncer en priorité un monde contrôlé par le mensonge et la duplicité, un univers où les êtres ne cessent de se dérober aux regards des autres. Le film montre, d'une part, une société en déliquescence qui doute d'elle-même et expose, par ailleurs, les graves problèmes qui n'en finissent pas de la miner en profondeur.


" Dans la dernière partie du film, déclarait Brooks,  les personnages sont donc confrontés à leur passé, le père à tous les objets qu'il a achetés mais qui ne sont plus que des symboles de richesse, parce qu'ils sont devenus inutiles ; le fils, à tous les prix qu'il a remportés et qui ont perdu, eux aussi, toute signification. Il fallait que les deux âmes soient mises à nu, qu'elles se contemplent : on doit voir la vérité en face, aussi affreuse soit-elle. Ce n'est qu'ensuite qu'ils peuvent remonter de cette cave et déboucher dans un espace ouvert et l'histoire peut se poursuivre dans cette ascension vers l'extérieur de la maison."

L'intelligence et la sensualité du scénario de Richard Brooks a bénéficié d'une interprétation parfaite, notamment celle éblouissante d'Elisabeth Taylor, dont on ne dira jamais assez combien elle était une excellente actrice, actrice d'instinct qui ne fut pas toujours bien employée, hélas ! et qui trouve là l'un de ses plus beaux rôles. Ce fut, lors de ce tournage, que son mari  Michael Todd disparut dramatiquement dans un accident d'avion. Sa douleur ne l'empêcha pas de revenir trois semaines après dans les studios pour terminer une ultime scène, manisfestant ainsi son souci d'assumer jusqu'au bout ses engagements.
Le film reçut un accueil mitigé et doit énormément à la renommée des deux principaux interprétes. Il est évident que l'Amérique n'était pas enchantée que l'on dévoile certaines de ses plaies secrètes. On sait l'impact que les films - surtout s'ils ont été réalisés par et avec des gens de talent - exercent sur le public, et celui-ci ne pouvait manquer de frapper les imaginations et d'interroger les consciences. Pour une fois, un réalisateur s'attaquait à des problèmes de société et révélait la nature du mal : un monde en perte de valeurs qui ne se reconnaissait plus dans les fausses apparences qu'il s'appliquait à revêtir.
" Il n'y a rien de plus puissant que l'odeur du mensonge " dit à un certain moment le tonitruant Big Daddy. A travers le personnage frustré de Maggie, c'est une Amérique frustrée de ses idéaux qui est évoquée. Dans la course après un héritage, c'est aussi une Amérique polarisée par l'argent qui est dénoncée et ainsi de suite. Tout ce petit monde grouillant dans la médiocrité de ses aspirations : le sexe, l'alcool, le suicide, l'argent, la lâcheté - nous fait découvrir que le mal rampant dont il souffre n'est autre qu'un manque d'espérance, un manque d'amour et, par voie de conséquence,  une absence de spiritualité.

LA CHATTE SUR UN TOIT BRULANT de RICHARD BROOKS
 
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