Michèle Villemurle jeudi, 24/03/2011
Grand prix du Roman de l’Académie française avec “Vendredi ou les Limbes du Pacifique”, Prix Goncourt avec “le Roi des Aulnes”, Michel Tournier, écrivain, lauréat et juré, laisse le septième couvert à Régis Debray.
« Je suis fier que Régis Debray prenne ma succession à l’académie Goncourt… il m’a même rendu visite à Choisel !»,confie Michel Tournier, qui fit pendant quarante-cinq ans partie de l’illustre société. Il se souvient :« Dix fois par an, le restaurantDrouantnous offrait à déjeuner au premier étage et on se retrouvait entre amis… il y avait un seul mauvais jour : celui du prix. On s’en doute, il était question d’argent qui allait entrer dans les poches d’un éditeur ! »
Il poursuit :« Je suis libre et reprends la plume maintenant… une idée me vient grâce aux milliers d’allers et retours que j’ai faits dans le RER, entre la vallée de Chevreuse où j’habite et mon bureau parisien. Mon manuscrit porte déjà son titre,Mirabilia, Âmes qui viventouIncidentes. »L’écrivain hésite. Un fait est indéniable : le titre a été trouvé avant que n’existe son contenu !«Ces nouvelles heureuses de vie seront un miroir dans lequel le lecteur s’identifiera. Grâce au train de banlieue, j’ai eu la chance de croiser des visages muets mais jamais fermés… je me suis amusé à les fouiller, à pénétrer leur âme… et j’ai inventé des histoires ! »
Depuis plus d’un demi-siècle, dans le presbytère où vit Michel Tournier, partout sommeillent des piles de livres. Des “lus”, “en lecture” ou “jamais ouverts”. Michel n’en lit pas moins de 500 par an. Une lecture commence à l’aube… Bonnet légendaire au ras des yeux, l’écrivain s’assoit dans un canapé déglingué. Il espère maintenant la visite des chats. «Ils viennent depuis que je suis là», lance-t-il d’une voix claire, l’œil en direction de l’horloge arrêtée sur le 7. Les chats se faufilent dans l’entrebâillement de la porte : ils savent qu’une ration de lait les attend.
Lire la suite :