Dans le genre buzz, Anna Calvi se posera sans doute là en 2011 ! Et comme à chaque fois, l'on se méfiera de ces commentaires délirants qui monteront la belle (effectivement très jolie) au pinacle. Après tout, combien de MGMT, de Fleet Foxes, de Fredo Viola, dont on ne sait plus guère de choses, ou qui auront déçu - j'ouvre la boîte de Pandorre là, et c'est bon !
Alors qui est cette jeune anglaise fin(e) de race, aux grandes dents, et au rouge à lèvres aussi étincelant que le pourpre de son chemisier ? Qui est est cette chanteuse dont les plus inconditionnels diront qu'elle est habitée par son art, et dont les détracteurs diront que ses poses de chanteuse outrée n'en finissent pas d'agacer ?
Bon, tout d'abord, la jeune femme est une artiste authentique, qui n'a pas eu besoin de la presse spécialisée pour se faire un nom ni un background musical ; la vaste collection de disques de son papa ainsi que la plantureuse collection d'instruments qui l'entouraient enfant, auront ainsi été suffisants à son éveil musical !
Mais de la même façon que nous n'érigerons pas le pédigrée crève-la-misère en génie patenté, nous ne nous risquerons pas ici de faire subir à la belle Anna le traitement généralement dévolu à la personne née avec la proverbiale cuillère en argent dans la bouche.
D'abord, Anna Calvi, à l'instar de sa compatriote Amy Winehouse, est une chanteuse prodigieuse, c'est comme ça ! Ensuite, cette première oeuvre nous renvoie tout naturellement à nombre de choses musicales grandiloquentes soit, mais diablement ébouriffantes lorsqu'on les découvrit en leur temps. Imaginez donc une Jeff Buckley en jupons, le sourire carnassier, qui serait affublée des mêmes cinglantes parties de guitare, et dont la profondeur, le phrasé gothique emprunteraient aussi bien à Morrissey ("Blackout") qu'à une Siouxsie de nos émois passés - c'est particulièrement le cas sur la majeure partie des titres dont ce superbe "Suzanne and I", d'une intensité à couper le souffle !
Accessoirement, à faire écouter une fois pour toutes à toutes les Céline Dion et Lara Fabian du monde pour leur faire comprendre que gueuler n'est pas chanter. Et inversement.
La trame de ces 10 titres enfiévrés ? Une guitare haletante et soupirante mâtinée d'écho aux accents parfois blues, tels qu'on pouvait en trouver dans les premiers Nick Cave par exemple. Un harmonium des plus discret qui souligne plus qu'il ne brosse les contours mélodiques ("Suzanne...", "Desire"), et bien sûr un lyrisme, une exaltation des sentiments qui étonnamment n'est pas sans évoquer Edith Piaf soi-même, émouvante dans ses titres les plus romantiques et brûlants !
Il faut d'ailleurs la voir, son chignon et son chemisier écarlate, reprendre le mythique "Jezebel", une favorite de Buckley en son temps et écrite par Aznavour pour la Môme. Ce classique hélas absent de l'album, on le trouve sur son premier single. D'un lyrisme échevelé !
Anna Calvi revisite aussi les climats épurés d'une autre compatriote célèbre, j'ai nommé PJ Harvey - c'est d'ailleurs Rob Ellis qui produit. Et cela tombe bien, car dans un registre vocal il est vrai guère différent, l'on tient peut-être la relève de l'anglaise du Dorset, dont le dernier album studio en date, chiant et prétentieux au possible, l'avait mise -provisoirement ?- sur la touche.
En bref : un charisme, une voix et un style. Sera-ce là le feu qui animera un album unique ? Ou bien tient-t-on la Siouxise Morrissey des années 2010 ? L'avenir nous le dira ; en attendant, on adhère !
Le site, le Myspace
"Suzanne and I" :
"Jezezbel" en live :