A Baltimore, en 1860, une étrange naissance eut lieu à l'hôpital, ce qui en soi était déjà un anachronisme à une époque où les femmes accouchaient chez elles et on se demande encore si ce ne fut pas la cause de l'histoire extraordinaire qui suivit.
"Je vais vous dire ce qui s'est passé et vous laisserai seuls juges."
C'était avant la guerre de Sécession, la famille Button faisait partie des notables de cette ville du Sud des Etats-Unis. Ils attendaient leur premier enfant et leur déception fut immense quand ils découvrirent leur nouveau-né:
"Emmailloté d'une épaisse couverture blanche,et assis inconfortablement dans un berceau où l'on n'avait pu caser qu'une partie de son corps, se trouvait un vieillard âgé d'environ soixante-dix ans."
Niant l'évidence, ils l'élevèrent et l'habillèrent comme un jeune enfant en culottes courtes jusqu'à ses douze ans quand on lui offrit son premier pantalon. On se rendit compte alors qu'il rajeunissait régulièrement et à dix-huit ans, quand il voulut entrer à l'université de Yale, il semblait avoir cinquante ans mais on ne crut pas son histoire et on ne l'accepta pas. Il s'occupa alors avec succès des affaires de son père, se maria par amour, eut un fils qui reprit plus tard ses activités quand il devint trop jeune et trop insouciant, retourna à l'école et fut enfin le bébé qu'il aurait dû être au départ. Bref, ce malheureux Benjamin Button vécut sa vie à l'envers."Puis tout devint noir, et son berceau blanc,comme les visages troubles qui s'agitaient au-dessus de lui, et le goût du lait chaud et sucré, disparurent à jamais de son esprit." Qui ne s'est pas dit un jour qu'il vaudrait mieux rajeunir au cours de sa vie plutôt que vieillir? C'est le rêve de la jeunesse retrouvée, celui de Dorian Gray et de tant d'autres. L'idée n'est donc pas originale mais Fitzgerald l'a traitée le plus logiquement possible, du début à la fin : toute la vie de son héros est évoquée, juste évoquée à grands traits car en une quarantaine de pages, difficile d'en dire plus et c'est cette brièveté que je déplore. L'histoire, le lieu, l'époque, tout est là, bien mis en place mais les personnages, eux, ne sont que des marionnettes qui manquent d'épaisseur comme dans un conte.Le film avec Brad Pitt a eu du succès. Ne l'ayant pas vu, je ne peux faire de comparaisons.
L'étrange histoire de Benjamin Button, nouvelle de Francis Scott Fitzgerald Traduit de l'anglais Dominique Lescanne, (Pocket) Paticipation n°2 au challenge de Sabbio