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203ème semaine de Sarkofrance : Sarkozy agite les peurs

Publié le 26 mars 2011 par Juan
203ème semaine de Sarkofrance : Sarkozy agite les peursCe fut sa première semaine de guerre. Nicolas Sarkozy s'y croyait. Un pur bonheur. Le colonel Kadhafi, ancien hôte de l'Elysée, est un épouvantail facile et surtout utile. Après les révolutions tunisiennes et égyptiennes, la guerre en Libye excite les peurs migratoires, sert la cause droit-de-lhommiste oubliée depuis 2007, et divertit l'opinion publique française de sujets plus sérieux et moins glorieux comme la précarité des chômeurs en fin de droits, l'envolée des prix alimentaires ou l'inquiétude nucléaire.
Bref, cette semaine fut idéale pour le candidat Sarkozy.
Chef de guerre...
Jusqu'alors, Nicolas Sarkozy faisait la guerre à des ennemis invisibles, des concepts (l'insécurité, le chômage, la spéculation) contre lesquels il abusait d'un vocabulaire dur et combattant pour mieux masquer son inefficacité. Cette fois-ci, on tire à balles réelles sur les chars et les avions libyens. Officiellement, la France n'est pas en conflit. Elle protège, avec d'autres et sous mandat du Conseil de Sécurité, les populations civiles. Dans les faits, la frontière est mince, la distinction trop subtile. Samedi dernier, les premiers raids français ont certainement sauvé les rebelles de Benghazi d'un massacre annoncé. Mais la grosse centaine de missiles britanniques et américains qui ont suivi l'intervention française pour pilonner les installations pro-Kadhafi ont suscité le trouble.
Dès dimanche, le secrétaire général de la Ligue arabe s'est ému. Les puissances dites émergentes (Inde, Chine, Brésil), suivi de la Russie, puis l'Union africaine ont réclamé un cessez-le-feu immédiat. le colonel Kadhafi sembla comme revigoré par ces soutiens indirects. Sur le terrain, les rebelles peinent à reprendre la main. Peu à peu, la coalition occidentale sort de sa mission humanitaire. Elle se dispute aussi le pilotage politique de l'intervention. On comprend vite qu'il faudra réintégrer l'OTAN, seul commandement militaire à même gérer une telle opération. Mais ni la Turquie ni l'Allemagne, réticentes à l'offensive, ne souhaitaient être associées. Jeudi 24, le soutien opérationnel de l'OTAN est enfin accepté.  Barack Obama, qui n'a pas interrompu son périple sud-américain pour autant, souhaite que ses forces se retirent au plus vite. Il fallait sauver Benghazi et détruire les forces aériennes libyennes, ce fut chose faite dès les premiers jours.
Lundi, le porte-avion national Charles de Gaulle a quitté les côtes françaises pour rejoindre la Libye. Deux journalistes du Figaro Magazine « embarqués » témoignent des premiers raids français avec le même enthousiasme que les « embedded reporters » de la guerre du Golfe  : on s'y croirait. Pour contrer les critiques, la Sarkofrance a tenté d'associer des pays arabes. Elle n'a finalement débauché que le Qatar (avec deux chasseurs et deux avions de transport de troupes) et les Emirats arabes unis (avec six F-16 et six Mirage). En Syrie, la répression du dictateur Bachar al Assad a fait des centaines de morts depuis le 15 mars. L'administration Obama a réagi dès le 16. La France a attendu le 25. Al Hassad, invité d'honneur en juillet 2008, est un allié choyé par Sarkozy et Guéant depuis mai 2007.
Candidat des peurs
Cette guerre en Libye est politiquement bien utile au candidat Sarkozy. Dimanche dernier, elle lui a permis d'évacuer le désastreux résultat des élections cantonales de son propre agenda. Elle lui permet aussi de théâtraliser les dangers du monde, et en particulier migratoires. Sarkozy a compris qu'il ne serait pas réélu sur son propre bilan. Se poser en président protecteur s'est aussi révélé impossible. Il lui reste la peur. Marine Le Pen, en se rendant voici 10 jours, à Lampedusa en Italie, a parfaitement joué son rôle de supplétif à la cause sarkozyenne. Le ministre Guéant applique aussi consciencieusement les consignes présidentielles, tel un robot programmé à l'Elysée.
Surnommé « ministre FN » par quelques mauvaises langues centristes, Claude Guéant multiplie les provocations verbales aux relents xénophobes. Il fait semblant de s'adresser à l'électorat grandissant du Front national, quitte à légitimer les clichés les plus graves et les plus stupides. Il y a 10 jours, il critiquait « l'immigration incontrôlée ». Lundi, il se félicite de la « croisade » lancée par Nicolas Sarkozy en Libye. Mardi, voici qu'il lâche une belle grosse bêtise qui choque jusqu'à Jean-François Copé : « Les agents des services publics évidemment ne doivent pas porter de signes religieux, manifester une quelconque préférence religieuse, mais les usagers du service public ne doivent pas non plus.» Vendredi, il regrette la baisse des expulsions de clandestins en début d'année. Il promet d'utiliser « la biométrie afin de mieux lutter contre l'immigration irrégulière.» Bientôt, le retour des tests ADN ?
Convaincu par Patrick Buisson et ses nombreuses enquêtes d'opinion financées aux frais du contribuable, Nicolas Sarkozy veut droitiser la France pour exciter les peurs. Du «  Personne n’est obligé d’habiter en France »  du candidat Sarkozy en février 2007 au « Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes » de Brice Hortefeux en septembre 2009, on ne compte plus ces fausses gaffes et vraies approximations véhiculées par les responsables de la droite sarkozyenne qui légitiment ainsi les outrances de l'extrême droite. La sémantique frontiste a envahi les rangs et les esprits des caciques de l'UMP.
En fait, le candidat Sarkozy veut déplacer le débat politique le plus à droite possible. C'est tout le sens de ses instructions électorales pour le second tour cantonal (ni FN, ni PS). Les polémiques intra-UMP ont été mal comprises par les traditionnels éditorialistes professionnels. Plus le Front national est au centre de l'agenda politique, plus Sarkozy est satisfait. Il mise sur un second tour Sarkozy/Le Pen et un ralliement automatique d'une gauche désemparée et de centristes dociles à son profit. Cette tactique avait si bien fonctionné pour Jacques Chirac en 2002.
Il y a pourtant d'autres sujets qui font peur mais que la Sarkofrance rechigne à traiter, comme l'angoisse nucléaire, depuis la catastrophe japonaise, ou la situation économique et sociale du pays. Le pays n'est plus géré.
Silence atomique
Toute la semaine, la Sarkofrance a poursuivi son obstruction atomique. Au Japon, les autorités ont dû reconnaître en fin de semaine que le sort de la centrale de Fukushima était devenu « imprévisible ». Contamination des eaux jusqu'à Tokyo (à 300 kilomètres), irradiation des personnels de maintenance, boycott alimentaire, nuage radioactif, fuites souterraines, ... les mauvaises nouvelles ne cessent de s'accumuler.
Vendredi, Nicolas Sarkozy eut cette promesse étonnante : « Si une centrale, et je parle pour la France, ne passait pas ces tests, elle serait fermée ». Relisons : si des centrales sont défaillantes, on les fermera. Quelle exigence ! Quel sens des responsabilités ! Ce petit homme de l'Elysée se fiche de nous. Lundi dernier, il avait envoyé son ministre de l'énergie, Eric Besson, à une réunion ministérielle à Bruxelles. Nathalie Kosciusko-Morizet, pourtant ministre de l'Ecologie, n'était pas convié. Quand le nucléaire menace, on envoie le représentant de la filière... Besson refusa d'inclure  l'âge des centrales ou leur résistance aux chutes d'avion et actes terroristes dans l'évaluation de leur sécurité discutée au niveau européen. Il refusa aussi que les « stress tests » proposés soient obligatoires, comme le demandaient les Allemands ou les Autrichiens. Le lendemain, Europe1 révèle que le nombre d'incidents dans nos centrales gauloises a doublé en 10 ans. Et les opposants anti-nucléaires soupçonnent EDF d'avoir falsifié les résultats de sensibilité sismique concernant 32 réacteurs sur ... 58.  Le danger de tremblement de terre est moindre en France qu'au Japon. Mais la résistance des centrales est également moindre ici que là-bas. Et quelques références sismiques datent... du Moyen âge !
L'accident nucléaire de Fukushima aurait du favoriser un accord européen sur le contrôle de nos 143 réacteurs (dont 40% en France). Que nenni ! La France bloque. Partout on s'inquiète de sécurité, sauf en France où l'on préfère défendre les qualités de la filière nationale. Jeudi 24, Fillon a enfin transmis sa lettre de mission au président de l'Autorité de Sûreté Nucléaire afin que ce dernier réalise l'audit promis la semaine dernière. Le même jour, le Monarque Nicolas rappelait aux ministres des Sciences des Etats-membres du G20 combien les choix nucléaires de la France ne sauraient être remis en cause. Pas question de débattre ! En Allemagne, Angela Merkel avait déjà confirmé qu'elle fermait 9 des centrales les plus anciennes. Vendredi 25 à Bruxelles, Nicolas Sarkozy joua la conciliation. Il promit d'appliquer les tests de résistance en cours de définition au niveau européen. Une réunion d'experts se tient lundi 28 mars.
Le 4 avril prochain, Areva a quand même prévu d'exporter du « mox » au Japon. Ce combustible nucléaire fabriqué à partir de plutonium et d'uranium appauvri alimente les centrales japonaises et notamment celle de Fukushima. Il est jugé instable. Pendant la crise, les affaires continuent.
Président distant
Ne répétez pas que la France est toujours en crise. La catastrophe japonaise et les tensions au Moyen-Orient risquent pourtant de planter une reprise déjà fragile. Cette semaine, les premières réestimations à la baisse de notre croissance économique sont tombées : 1,4% en 2011, contre une hypothèse optimiste de 2% retenue par le gouvernement. Christine Lagarde n'a pas commenté.
Jeudi 24, le chômage de février était publié. Xavier Bertrand jugea « encourageant » le recul affiché de... 0,1 %. Le ministre du Travail raconte n'importe quoi. Le chômage des femmes et des plus de 50 ans ne cessent de progresser. Le nombre d'offres d'emplois de moins d'un mois explose (+17% en février). On s'inquiète à nouveau du sort des fins de droits, estimé à un million en fin d'année. L'an dernier, le gouvernement avait attendu 6 mois pour donner, sous conditions, une maigrichonne allocation. On ne connaît d'ailleurs toujours le nombre de bénéficiaires. Le médiateur de Pôle emploi confirme le nombre de 20.000 (sur 325.000 bénéficiaires potentiels)... un chiffre ridicule.
A contre-courant, La ministre Bachelot s'est félicitée lundi de l'augmentation du nombre de bénéficiaires du RSA-Jeunes de 29% depuis novembre 2010... Quel succès ! 8.000 précaires de moins de 25 ans enfin indemnisés quand le Monarque Nicolas nous en promettait 160.000 en septembre 2009...
Vendredi 25 mars, syndicats et patronat sont parvenus à un accord sur l'indemnisation chômage. « On a évité le pire » a sobrement commenté un représentant de FO. On reste sur l'ancien dispositif, un jour d'indemnisation par journée cotisée, et ce pendant deux ans.
L'inflation repart. L'envolée des prix des matières premières et de l'énergie fait valser les étiquettes de nombreux produits alimentaires de base (farine, lait, beurre, pain, pâtes, etc). Le Figaro promet des « hausses spectaculaires ». Mardi, Eric Besson concède que les tarifs d'EDF vont « légèrement » augmenter cet été, de 5%... Rappelez-vous que les minima sociaux n'ont été revalorisés que de 1,5% en 2011.
Au final, le candidat des Riches, président des puissants, a passé une belle semaine. Les images de Rafales décollant du Charles de Gaulle ou de chars libyens calcinés par les attaques occidentales ont aisément diverti et stressé l'électorat.
Ami sarkozyste, où es-tu ?


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