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Il pleuvait des oiseaux

Par Fibula
Il pleuvait des oiseauxIl pleuvait des oiseaux, Jocelyne Saucier, Éditions XYZ, 2011
« Il pleuvait des oiseaux, lui avait-elle dit. Quand le vent s'est levé et qu'il a couvert le ciel d'un dôme de fumée noire, l'air s'est raréfié, c'était irrespirable de chaleur et de fumée, autant pour nous que pour les oiseaux et ils tombaient en pluie à nos pieds. » (p. 81)
Le dernier roman de Jocelyne Saucier, auteure québécoise née en 1948, deux fois finaliste au Prix du Gouverneur général pour ses deux romans La vie comme une image (en 1996) et Jeanne sur les routes (en 2006), nous plonge dans les Grands Feux du Nord de l'Ontario (proche de l'Abitibi), qui ont eu lieu au début du XXe siècle (le plus documenté sur Internet est celui de 1922, qui a entièrement détruit la ville de Haileybury).
« À ce titre, c'est le chapitre sur les Grands Feux qui a été le plus difficile à écrire. "Il ne fallait pas trop en mettre, a-t-elle jugé, c'était déjà assez terrible comme ça." Car si tout est "inventé" dans Il pleuvait des oiseaux, ce passage du livre, lui, est entièrement vrai, même ce bout où les oiseaux meurent en plein vol à cause du manque d'oxygène. » (La Presse, article de Josée Lapointe, 11 février 2011)
À partir de ces événements dramatiques, Jocelyne Saucier a imaginé la quête d'une photographe pour retrouver un des survivants à ces incendies, Ted Boychuck. Elle réalise un projet de photographies avec les personnes (âgées) qui ont vécu ces terribles événements. Boychuck est un élément important, puisque de nombreux témoins de l'époque l'ont connu comme « le garçon qui marchait dans les décombres fumants ». Malheureusement, Boychuck est mort depuis peu dans sa cabane près du lac Perfection, où il s'était retiré pour vivre dans la forêt, loin de la civilisation et de ses amours perdues et impossibles. La photographe est accueillie par Charlie et Tom, qui vivent également isolés du monde. Ils sont protégés des regards extérieurs par Steve et Bruno, qui s'occupent d'un hôtel, peu fréquenté hors période de chasse, et en profitent pour cultiver quelques plants de marijuana près des cabanes des deux vieux. L'arrivée inopinée de Marie-Desneige, la tante de Bruno, internée depuis 66 ans sans raison valable, vient compléter la petite « communauté du lac ». À eux six, ils découvriront et interpréteront les tableaux peints par Boychuck, en tout 367 tableaux racontant les Grands Feux.Ils passeront ainsi une année ensemble, au rythme des saisons, en harmonie avec la nature, découvrant l'amour pour certains, attendant la mort pour d'autres.
Livre poétique sur la vieillesse, la mort, l'amour et la nature, Il pleuvait des oiseaux se lit avec émotion et la marginalité de ses personnages éveille chez le lecteur beaucoup de tendresse.La photographe, Bruno, puis Steve nous offrent tour à tour leurs points de vue sur les événements et l'origine de cette rencontre improbable entre ces êtres solitaires et leurs sentiments sur les autres protagonistes. Puis le narrateur devient le témoin de la nouvelle vie qui s'organise dans cette petite communauté  improvisée du Nord de l'Ontario. Décidément, le Nord du Canada inspire de très beaux textes à nos auteurs (voir l'une de mes dernières chroniques).À ce sujet, l'auteure, née au Nouveau-Brunswick, mais Abitibienne depuis 30 ans, s'exprime : « Le Nord m'inspire. Si on sent cet esprit de liberté, c'est parce que c'est encore un pays neuf, où tout est possible. » (entrevue dans La Presse, avec Josée Lapointe, 11 février 2011)
 « J'avais fait des kilomètres et des kilomètres de route sous un ciel orageux en me demandant si j'allais trouver une éclaircie dans la forêt avant la nuit, au moins avant que l'orage n'éclate. Tout l'après-midi, j'avais emprunté des routes spongieuses qui ne m'avaient menée qu'à des enchevêtrements de pistes de VTT, des chemins de halage forestier, et puis plus rien que des mares de glaise, des lits de sphaigne, des murs d'épinette, des forteresses noires qui s'épaississaient de plus en plus. » (p.11)
Œuvre remarquable, Il pleuvait des oiseaux est à lire pour apprendre de nos aînés et saisir les précieux petits moments que la vie et la nature nous offrent. Encore une auteure québécoise incontournable !


[Lætitia Le Clech]

L'article intégral dans La Presse


Humeur musicale : Smooth, The Parade (Do You like?, 2009)

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