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Entre gui parasite et amour victorieux, une courbure dans la trajectoire de la lumière (Thu Van Tran)

Publié le 28 mars 2011 par Marc Lenot

À l’entrée de la belle exposition de Thu Van Tran à la galerie Aboucaya (jusqu’au 30 avril), vous passez sous des branches plâtrées de gui, plante parasite, mais aussi symbole festif, religieux et amoureux (‘Le Parasite’, 2011). Toute l’exposition (qui a bénéficié du soutien du CNAP, encore que le schéma ait depuis été un peu modifié) est ainsi dans un entre-deux, une ambiguïté, une interrogation qui dérange. Elle est placée sous le signe de ‘La Tache’ de Philip Roth, un livre sur le non-dit, le caché, le refoulement, l’indétermination, et elle conjugue ainsi ce qui plaît et ce qui repousse, ce qui charme et ce qui détruit.

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La première pièce (sous le gui) se centre sur cette magnifique photographie de quatre avions effectuant un épandage au dessus d’une forêt ; leur léger décalage introduit une ligne oblique, temporelle dans cette grille rectiligne. Mais la trainée de poussière devenue nuage de plâtre à droite ne renvoie pas à la peinture classique, à la sculpture baroque ni à Stieglitz : Trail Dust fut le nom de code de l’épandage de poisons (dont le fameux Agent Orange, suggéré par la pièce de droite) par l’US Airforce au-dessus des forêts du pays d’origine de l’artiste en 1965 (‘Traînée de Poussière (Présence Nuage)’, 2011).

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Cet ancrage dans l’histoire, ce travail sur l’écart entre mémoire et impression, entre trace et empreinte, se retrouve tout au long de l’exposition, qu’il s’agisse des moulages d’hévéa (plante coloniale par excellence) présentés dans des caissons assez funéraires (‘Être Hévéa’, 2011), de l’article de journal sur un couple multiracial aux États-Unis dans les années 60 (article rongé par des souris ; ‘Mildred et Richard Loving’, 2008), de l’impossibilité d’être un pur-sang (sale race ; ‘La langue’, 2011)), de l’hommage à Gonzalez-Torres (avec un papier d’emballage de bonbon comme pivot, tout au fond ; ‘Triptyque de la chute’, 2011)) ou des dessins sur la sculpture (au fond à droite ; ‘Objets à charges’, 2011). Dans cette salle, la tension nait de l’occupation de l’espace par ce demi-cube (une moitié de Die), massif et fermé là où le reste est ouvert et léger, brillant là où le reste est mat, imposant et incontournable là où le reste est discret et fugitif. Il attire ou il dérange, il change la perspective, il détourne l’attention comme une planète crée une courbure dans la trajectoire de la lumière (‘Demi Cube (Socle au contenu minimal)’, 2003).

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Le dernier ensemble, face à un tissu rouge au sol (robe des missionnaires jésuites en Indochine, eux aussi meilleure et pire des choses ; ‘Missionnaire à Terre’, 2009) est un mur d’objets de souvenirs fugaces : un papier photosensible avec le mot Combat qui s’efface peu à peu à la lumière, l’empreinte de la lumière sur une plaque de cire comme une proto-photographie, un portrait photographique lacéré (négation de l’image de l’être aimé), un petit fossile, et ces deux mains d’une vieille femme sur son lit de souffrance (‘Au Pied du Mur’, 2011).
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Tout ici parle de disparition, des formes, des êtres, des amours, c’est une salle dédiée à la mémoire, pleine d’émotions que nous pouvons tous partager.

Seul lutte, au bout, ce dessin à peine ébauché d’un sexe, titré ‘L’amour victorieux’. Toujours ?

Photo n°1 courtoisie de l’artiste; autres photos de l’auteur.


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