L’argent pas si facile
Qu’ont en commun un jeune étudiant en école de commerce (JW), un trafiquant de drogue (Jorge) et un tueur à gages yougoslave (Mrado) ? Outre d’habiter un Stockholm très noir, les trois personnages font dans le trafic de stupéfiants. Très vite ils vont se croiser, s’allier et, bien sûr, se déchirer. Adapté d’un polar suédois best-seller, Easy Money n’est pourtant pas un film aussi simpliste que son pitch le laisse présager.
Premier item auquel s’intéresser : la structure générale du scénario. Elle est en effet des plus classiques, l’histoire commençant par l’initiation de JW, se poursuivant avec sa fulgurante ascension puis -on peut le dire sans trahir un grand secret- se concluant sur une chute d’autant plus dure. Pour la révolution scénaristique on repassera, il s’agit ici d’un film de gangsters comme les autres.
Là où en revanche Daniel Espinosa se singularise, c’est dans le traitement de son sujet. La forme, d’abord, se veut particulièrement nerveuse et dégraissée : caméra à l’épaule deux heures durant, le réalisateur a décidé de nous en faire voir. Outre ce cadre volontairement instable (et parfois irritant), le montage lui-même semble perpétuellement courir après le récit tant il est elliptique, avec des scènes coupées de façon abrupte et déstabilisante.
Par cette intransigeance formelle, Easy Money fait mine de ne jamais s’adresser directement au spectateur et préfère opérer par jeu de miroirs. Cela donne parfois cet étrange sentiment de débarquer in media res dans l’action, qui n’est pas sans rappeler le Miami Vice de Michael Mann.
Ce qui sauve enfin la bobine du thriller déjà vu est son aspect choral, avec le point de vue des trois personnages distincts. Plus qu’un artifice formel, il s’agit d’une vraie ficelle scénaristique qui permet à l’histoire de rebondir dans plusieurs sens, chacun des trois criminels ayant ses enjeux propres (qui une fiancée, qui une petite fille, qui une sœur et une mère) et, en ultime ressor, de renforcer d’autant le climax final. De ce qui pourrait n’être qu’une mécanique froide à la Inception, Espinosa tire un véritable drame humain.
Comment reconnaître un bon film ? Facile, il vient de Suède et va connaître un remake américain. Après Millenium et Morse, Snabba Cash -de son titre original- s’ajoute à une liste dont nous espérons qu’elle sera longue.
Photo : © MK2 Diffusion