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Hadassa

Par Anne Onyme

hadassaMyriam Beaudoin
Bibliothèque Québécoise
228 pages

Résumé:

Une jeune femme, professeure de français dans un établissement pour écolières juives orthodoxes, découvre tout au long de l’année scolaire un monde à part, enveloppé de mystère et d’interdits, mais séduisant et rassurant. Au fil des conversations chuchotées avec les jeunes élèves, dans un franglais parsemé de yiddish, dans l’apprivoisement, dans la surprise et dans l’inconfort de la différence, se détache alors le visage d’une enfant boudeuse, rêveuse, fragile prénommée Hadassa. Le choc des cultures peut-il être un choc amoureux? Oui, puisque se tisse en parallèle une histoire d’amour entre un jeune épicier récemment immigré de Pologne et une Juive mariée, effrayée par la violence de ses sentiments. Hadassa est le roman du respect et de l’ouverture. Myriam Beaudoin confronte en douceur les valeurs de l’Occident et celles d’une culture millénaire qui fait tout pour préserver les siennes, y compris se refermer sur elle-même.

Mon commentaire:

Hadassa est une petite fille de onze ans, aux yeux noirs et aux cheveux en broussaille. Hadassa est juive. Elle vit dans le quartier juif hassidique de Montréal, dans une communauté très religieuse, qui suit à la lettre les coutumes et les commandements de son peuple. C'est par elle principalement, que Alice, enseignante de français dans un collège privé, abordera la vie et les coutumes de ce peuple vivant en vase clos avec ses règles et ses prières. Comme elle le dit elle-même: "C'est un pays dans mon pays."

Alice aborde les règles des juifs, leurs secrets et leur mode de vie de façon respectueuse, avec une ouverture d'esprit et une certaine curiosité. Pendant une année, elle vivra au rythme des ouvrages censurés, des jupes longues et des vestons boutonnés jusqu'au cou, des interdictions, des règles et des différentes célébrations suivies à la lettre par les familles. Par moments, elle s'imagine être juive, elle aussi. Vivre avec son mari, une ribambelle d'enfants, nettoyer la maison, manger kasher. Elle essaie de comprendre ces femmes qui sont un vrai mystère pour elle. Elle pose un oeil critique, un autre oeil sur leurs vies, mais toujours avec humanité, sans juger. Son regard est émouvant, touchant par moment, frais, différent. Entre l'incompréhension, l'étonnement et les questionnements, l'année s'écoulera trop vite, mais restera marquante pour Alice.

Parallèlement dans le même quartier, Jan un nouvel arrivant au pays, travaille dans une petite épicerie. Un jour, il rencontre Deborah, une juive hassidique. L'attirance entre les deux est indescriptible. L'auteur a su rendre toute la puissance de leurs rencontres fébriles, interdites, parfois difficiles. Le lecteur ressent leur urgence de se voir, même si ce n'est que quelques minutes, l'interdiction des mots échangés, la peur d'être aperçu par un juif qui passerait par là. Deux mondes séparent Jan et Deborah. Leurs rencontres sont de vraies tortures, mais ils ne peuvent s'en passer. Des rencontres touchants, où un frôlement, un regard, devient tout ce qu'ils ont. On ressent l'intensité de ces minutes passées ensemble, la difficulté pour eux de concilier leurs univers bien différents.

Hadassa est une plongée dans la culture d'un peuple fortement religieux, d'un quartier de Montréal qui est juste à notre porte, où évolue tout un monde qui nous est inconnu. Pour Jan et Alice, leurs contacts avec ce peuple juif hassidique aura une grande incidence sur leurs vies. Leurs histoires, qui prennent racine dans le même quartier, se croisent et s'entrecroisent pour finalement n'en former qu'une seule.

Un livre qui m'a émue, touchée et qui pousse à la réflexion. Hadassa est une petite porte entrouverte par laquelle s'infiltrer, doucement, pour entrer dans un monde totalement différent du nôtre, frôler les "secrets des juifs" du bout des doigts et ressortir sur la pointe des pieds, changé.

À lire.

Quelques extraits:

"C'était réellement jour d'été en plein mois de septembre. Le trottoir se zébrait d'ombres et de soleil. Jan salua Rafaëlle, rencontra un nouveau-né, deux bicyclettes, et une robe à pois avant d'atteindre la célèbre et commerçante rue Saint-Viateur, maîtresse du Mile End. Ça sentait les bagels, le café italiens, les roulés au pavot du Déli, et le bonheur du dimanche." p.22

"Les consignes étaient formelles, il était interdit aux professeures chrétiennes engagées par le ministère de discuter en classe de la passion, de la reproduction, des médias, d'actualité, des programmes télévisés, des croyances religieuses, des films et des chanteurs, de la violence ou du drame, de la mort, et de tout événement historique ou scientifique qui date de plus de six mille ans. Or, personne n'avait interdit de faire découvrir le monde des livres. J'invitais mes élèves à lire pour ressentir, à lire pour s'évader, à lire pour aimer lire." p.59

"Une enfant de onze ans, et devant elle, les six cent treize commandements de la Torah." p.62


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