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Proust contre la déchéance, Conférences au camp de Griazowietz, Joseph Czapski,

Par Mango
Proust contre la déchéance, Conférences au camp de Griazowietz,  Joseph Czapski, Au rythme d’un volume par été, j’ai lu «À la recherche du Temps perdu » au moins une fois en entier et plus souvent les deux premiers livres  mais je serais bien incapable de présenter cette œuvre devant un auditoire fût-il favorable  et attentif d’emblée comme l’étaient les officiers polonais prisonniers à Griazowietz, en URSS, pendant l’hiver 1940-41, qui se réunissaient le soir pour écouter les conférences que certains d’entre eux improvisaient sur leurs sujets préférés, dans un froid réfectoire d’un couvent désaffecté qui nous servait  de salle à manger.
Le peintre Joseph Czapski, lui, a choisi Proust  pour lutter contre sa propre déchéance  due à l’internement et aux  conditions inhumaines des prisonniers en temps de guerre. L’esprit  l’emporte ainsi  sur le corps en loques et la barbarie guerrière.   La culture partagée sert la dignité humaine.
Ce petit livre, l’auteur l’a  tiré de ses conférences d’alors. On peut dire qu’il l’a écrit sans notes et sans livre de références, avec sa seule mémoire et sa sensibilité de lecteur attentif  et le résultat est admirable. Il nous restitue une œuvre enthousiasmante, riche, complexe, simple et vécue à la fois! Il enrichit son analyse des ses impressions et de ses connaissances des écrivains célèbres et de leurs influences sur  Proust au moment de la création. Il fait revivre Balzac, Tolstoï, Conrad, Anatole France, Barrès et bien d’autres. Il démonte l’oeuvre non pas totalement volume par volume car il avoue confondre les derniers  mais il l’interprète et la commente de façon très vivante.
Deux passages m’ont particulièrement frappée : celui sur la mort de la grand-mère au début où il découvre cette cruelle vérité : « Quand on aime quelqu’un, on n’aime personne » et celui sur Bergotte,à  la fin de la lecture quand toutes les vanités du monde ont été dénoncées.
«Ce n’est pas au nom de Dieu, ce n’est pas au nom de la religion que le héros de «A la recherche» quitte tout, mais il est frappé d’une révélation foudroyante. Les deux derniers volumes  sont aussi un hymne de triomphe de l’homme qui a vendu tous ses biens pour acheter une seule perle précieuse et qui a mesuré tout l’éphémère, tous les déchirements et toute la vanité des joies du monde, de la jeunesse, de la célébrité, de l’érotisme, en comparaison avec la joie du créateur, de cet être qui, en construisant chaque phrase, en maniant et en remaniant chaque page, est à la recherche de l’absolu qu’il n’atteint jamais entièrement et qui d’ailleurs est impossible à atteindre.»
Une très belle étude.
Merci à Keisha et Aifelle pour m'avoir fait connaître ce livre. Dominique en a également parlé, ainsi qu'Alex et Les carnets de JLK
Proust contre la déchéance, Conférences au camp de Griazowietz,  Joseph Czapski,  Les Éditions Noir sur blanc, 2011, 93 pages.

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