Celui qui était en blanc

Penché au dessus des têtes qui viennent à lui, il ne cesse de parler pour les distraire. Mais la moitié de ses mots ne passe pas le masque qu'il a devant la bouche. Son regard est concentré et son geste sûr et rapide. Dans les rares silences qu'il concède, il s'accorde quelques secondes pour glisser sur sa chaise à roulettes sans le moindre bruit puis reprend sa place plus vite que son ombre. En un instant, il reprend son monologue là où il l'avait interrompu. Il est bien rôdé, il ne pose aucune question. Il sait bien que personne ne lui répondrait. De temps en temps, il laisse trainer un mot quelques secondes de plus que nécessaire. C'est que la tension est à son comble, le geste qui s'ensuit sera inévitablement suivi d'un léger soupir, puis d'une inhalation longue. Personne ne sait vraiment ce qu'il fait, et surtout, personne ne veut savoir. L'essentiel est pour les têtes qui viennent à lui de se concentrer sur la lumière blanche du néon rond, et surtout de laisser le flot de ses paroles couvrir le son de ses instruments. Instruments maudits, instruments craints, instruments bruyants, instruments effrayants, instruments métalliques. Nécessaires instruments d'expert pour dévitaliser des dents.