Magazine Beaux Arts

Salle 5 : vitrine 4 - metchetchi : 4. a propos de l'épithète imakhou ...

Publié le 05 avril 2011 par Rl1948

       Après vous avoir expliqué, mardi dernier, à quoi correspondait la catégorie sociale des khentyou-she, je me propose aujourd'hui, amis lecteurs, toujours devant le linteau E 25681 exposé dans la première des deux vitrines 4 de la salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre où nous  revenons régulièrement depuis le 15 mars, d'évoquer la notion d'imakhou

   Souvenez-vous, en étudiant, les inscriptions gravées sur certains de ses monuments, nous avions relevé, le 22 mars dernier, deux annotations intéressantes nous permettant de mieux appréhender le personnage de Metchetchi : son rôle de Directeur du bureau des Khentyou-she du palais, d'une part et cette épithète d'imakhou sur laquelle, aujourd'hui, je voudrais plus spécifiquement vous entretenir. 

Metchetchi imakhou

   Premier point essentiel à bien comprendre : nous ne sommes pas là en présence d'une fonction comme celle de gestion qu'il assumait à la résidence royale par rapport aux khentyou-she qui y étaient employés, mais d'un lien qui l'unissait à Ounas, ultime souverain de la Vème dynastie, puisque nous avons précédemment appris qu'il se proclamait : "imakhou auprès d'Ounas, son maître", expression relativement malaisée à traduire, que les égyptologues rendent volontiers par "bienheureux", "vénérable", "honoré" et qui, dans les faits, définit une relation privilégiée entre une personne et un supérieur, qu'il fût un parent ou le roi, voire même une divinité.

     Ainsi, peut-on lire sur notamment trois monuments de calcaire provenant de l'Ancien Empire dont deux sont exposés ici, au Louvre, dans la salle 22 du premier étage, la statue de Kanefer et d'Iynefret (A 120 - vitrine 8), datant de la IVème dynastie et celle de Sekhemka assis avec son épouse et leur fils (A 102 - vitrine 13) : que le premier était imakhou auprès de son maître et le deuxième, auprès du grand dieu, c'est-à-dire, si je suis la thèse de l'égyptologue américain James P. Allen, Osiris, en tant que Seigneur de la Nécropole). Le dernier, le socle (E 12632) d'une statue de Neferhetepes, fille du roi Didoufri, devant à mon avis se trouver dans les réserves puisque non répertorié dans mes notes ni dans la base de données du site internet du Musée, indique qu'elle l'était  auprès de son père.     

   Qu'est-ce en fait que cet état d'imakhou ?

    

   Il s'agit d'un lien personnel que l'on pourrait définir comme étant de clientèle que, plus tard, les Romains désigneront par le vocable do ut des ("Je te donne pour que tu me donnes") : la personne honorée de la qualité d'imakh royal, par exemple, reçoit de son protecteur privilèges et avantages non négligeables dans l'optique des conceptions funéraires visant à lui assurer un Au-delà le meilleur possible.

   J'entends l'un de vous me poser la question de savoir qui pouvait bénéficier de ce statut particulier. Sans hésitation aucune, je répondrai : certes, à la fin de leur vie, tous les fonctionnaires d'un rang élevé, mais aussi, et là, probablement d'office, les membres très proches du souverain, tels ses enfants et petits-enfants ; ensuite, amis et courtisans, bien sûr ; bref, tous ceux que le roi voulait privilégier, ou honorer d'avoir mené une vie irréprochable, ou rétribuer pour services rendus ...

   Indiscutablement, certains paragraphes des Textes des Pyramides, notamment 811 C, 1203 E, 1371 C, 1703 B et 1741 B, associent les notions d'imakh et d'imakhou à l'idée de faveurs reçues.

   Les mastabas des grands se groupaient à l'entour de la tombe royale, réunissant ainsi, pour l'éternité, le roi avec ses ministres, ses sujets de marque, ses familiers, précise en 1907 déjà  le père de l'égyptologie belge Jean Capart.

   En effet, à cette époque, Pharaon procurait à ces personnes favorisées une sépulture dans l'enceinte de son domaine funéraire - raison pour laquelle, notamment, on dénombre à Saqqarah autant de mastabas datés de l'Ancien Empire alignés près de la pyramide d'un souverain -, sur les murs desquels on peut souvent lire une formule précisant qu'il leur a fait l'offrande d'un tombeau en tant qu'imakhou auprès du grand dieu, seigneur de la nécropole.

   Dans le même esprit, il pourvoyait également à l'acquisition d'une sarcophage, d'une fausse-porte, d'une table d'offrandes, voire parfois de statues censées abriter l'âme du défunt et que l'on plaçait dans le serdab, cette petite pièce dissimulée derrière la chapelle funéraire : mobilier type que, dans la majorité des cas, le  fonctionnaire eût été bien en peine de s'octroyer.

   (Pour une étude approfondie de tous ces éléments indispensables à une tombe, je ne puis, amis lecteurs, que vous conseiller de vous reporter à une série d'interventions qu'ici même j'avais eu l'opportunité de vous présenter à l'automne 2008 à propos notamment de la stèle fausse-porte et de la table d'offrandes, en rapport avec la chapelle d'Akhethetep que nous avions visitée salle 4.)

   Ces avantages étaient également accompagnés d'offrandes alimentaires pour l'éternité prélevées sur le domaine royal.  Préalablement, cet homme lige dont Pharaon avait reconnu les mérites avait été récompensé ici-bas par réception de rations journalières de nourriture émanant du palais ou attribution d'une rente en nature perçue sur les magasins royaux, quand ce n'était pas une donation d'un terrain évidemment exempt d'impôt permettant à l'impétrant de faire cultiver de quoi subsister ...

   En un mot comme en cent, l'imakhou honoré par le roi était nourri sur terre comme dans l'Au-delà. A quelques détails près et sous d'autres cieux, cette notion de rapport entre personnes se retrouve mutatis mutandis dans notre Moyen Age occidental avec les rapports vassaliques entre suzerains et féaux.

   En Egypte antique, en plus d'être assuré d'un culte funéraire dans la nécropole royale après son décès, le bénéficiaire de la dignité d'imakhou l'était également d'une survie dans l'univers céleste au milieu des rois et des dieux. 

   Raison pour laquelle je me dois de préciser que les souverains eux-mêmes pouvaient s'auto-proclamer imakhou - ce fut le cas d'Ounas dont nous avons appris, grâce à l'imposant fragment de calcaire (E 25681) ici devant nous, qu'il avait accordé ce mérite suprême à Metchetchi - de manière à eux aussi disposer d'une survie la plus agréable qui soit dans l'empyrée non seulement en  compagnie des monarques qui les avaient précédés mais, surtout, des divinités du panthéon égyptien. 

   A présent que nous avons un peu mieux cerné la personnalité de Metchetchi, ce haut fonctionnaire aulique de la fin de l'Ancien Empire, et avant de nous pencher un long temps sur les fragments peints retrouvés dans une des chambres funéraires de sa sépulture ici exposés dans le long meuble mural, je vous propose de nous retrouver, amis lecteurs, le mardi 26 avril prochain, après le congé de Printemps belge, pour plus particulièrement concentrer notre attention sur le monument de la première vitrine 4 ...

(Mais avant ces vacances que je souhaite à tous les plus agréables qu'il soit possible, n'oubliez pas, ce samedi 9 avril, notre prochain rendez-vous littéraire avec les aphorismes attribués à Ptahhotep  ...)

(Allen : 2006, 9-17 ; Capart : 1907, 14 ; Grimal : 1988, 111 ; Jansen-Winkelm : 1996, 29-36 ; Moret : 1926, 227-35 ; Sainte Fare Garnot : 1957, 600-6 ; ID. 1943, 350 ; Weill : 1946, 252 ; Ziegler : 1997 (1), 62-138)


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Rl1948 2931 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossiers Paperblog