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Cecil Taylor et Amiri Baraka à la salle Pleyel

Publié le 08 avril 2011 par Www.streetblogger.fr

Cecil Taylor et Amiri Baraka à la salle Pleyel

Cecil Taylor et Amiri Baraka à la salle Pleyel

Le 20 avril prochain Cecil Taylor, le célèbre pianiste de free jazz et Amiri Baraka passeront ensemble à la salle Pleyel lors d’une soirée qui promet d’être intéressante.

Amiri Baraka (anciennement nommé Leroi Jones), poète, dramaturge et essayiste, est l’une des voix militantes les plus reconnus des années 60. Il avait notamment participé à la tentative de fédération des mouvements militants noirs, qui faisaient leur bilan après les assassinats de Malcolm X, Martin Luther King et la répression terrible des Black Panthers, à Gary dans l’Indiana en 1972.

Amiri Baraka fait partie des poètes inspirés de cette période au côté des Last Poets, des Watts Prophets etc.

Une vague de voix qui avaient commencé à déferler sur les Etats-Unis dès la fin des années 40 avec notamment le poète sud africain Keorapetse Kgositsile dont un des textes a inspiré le nom des Last Poets.

Je me rappelle d’une interview de Cecil Taylor qui passait en boucle dans l’exposition organisée par le musée du quai Branly. Il affirmait que le fait de noter la musique la faussait, sinon la tuait dans la mesure où le temps de lecture et le temps d’interprétation n’étaient pas forcément simultanés et même s’ils l’étaient le fait de se concentrer sur la lecture ne permettait pas de se concentrer sur la musique elle-même, le fait de la jouer et de ressentir ce qu’indiquait les notes, ce qu’elles créaient et là où éventuellement elles pouvaient nous emmener. Je ne parle de cette interview qu’en me basant sur mon souvenir, je ne saurais restituer ses propos exacts mais je crois qu’en substance c’est à peu près là où il voulait en venir.

J’ai trouvé sa conception de la musique très intéressante parce qu’elle ramenait au débat du « feeling » opposé au rigorisme académique. Deux façons différentes de pratiquer la musique, passer par le conservatoire pour apprendre à maîtriser le langage musical ou se consacrer à la pratique pour apprendre à maîtriser son instrument. Ce n’est pas forcément contradictoire, si l’on fait le conservatoire évidemment on apprend la maîtrise de l’instrument en même temps que celle du système de notation, c'est-à-dire le langage musical conventionnel. En revanche on peut se consacrer à la pratique sans apprendre ce langage conventionnel. La question est donc la suivante : la musique réside t’elle dans la notation ou dans la pratique de l’instrument. Il est vrai que certains musiciens issus du conservatoire sont incapables de jouer leur instrument sans une partition, c'est-à-dire qu’ils ne peuvent pas improviser, doit-on alors considérer qu'ils maîtrisent parfaitement leur instrument? D’autres ont appris à jouer seuls et sont incapables de lire une partition, en revanche les sons qu'ils tirent de leur instrument emmènent parfois très loin des sentiers battus et permettent d'explorer de nouveaux territoires.

Miles Davis que sa femme, Betty Davis (A.K.A Betty Mabry ancienne top model et diva funk connue sous son nom marital), avait présenté à Jimi Hendrix et Sylvester Stewart (A.K.A Sly Stone du fameux groupe Sly and the family Stone), regrettait que ceux-ci ne sachent pas lire la musique. Certes cela ne les a pas empêché de faire une carrière que l’on connaît mais Miles estimait qu’il était indispensable de maîtriser le langage musical sous tous ses aspects. Cela pose un autre problème, c’est celui du format. Certaines gammes tonales africaines ou américaines (avant l’arrivée des européens devenus aujourd’hui les américains) sont définitivement perdues, sauf si quelques peuples, comme les pygmées, les conservent de façon extrêmement marginale et isolée. Donc ce langage musical impose le même format à tout le monde. On peut considérer que le maîtriser est nécessaire pour le dépasser, mais, à l’inverse, on peut également estimer que l’apprendre c’est perdre quelque chose de l’ordre de la réminiscence dans la façon qu’on a de jouer son instrument sans l’avoir appris en en passant par les cadres institutionnels.

On pourrait pousser le débat plus loin en évoquant alors le problème de formatage de la musique que produit son enregistrement contrairement à son exécution en « live » mais ce sera l’objet d’un autre article.

Quoi qu’il en soit n’oubliez pas Cecil Taylor et Amiri Baraka le 20 avril.

Cecil Taylor et Amiri Baraka à la salle Pleyel

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